[Tribune] Maurel et Prom se moque de la République qui l’engraisse
Malgré ses opérations de communication tonitruantes, Maurel & Prom, opérateur pétrolier français au Gabon, fait l’objet de vives critiques pour son manque d’engagement en matière de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Dans un plaidoyer argumenté, Gilles Térence Nzoghe, ancien journaliste et ancien Conseiller-membre au Conseil national de la communication (CNC), dénonce le mépris de cette compagnie envers les enjeux sociaux, économiques et environnementaux de ses activités dans la région des Lacs du sud, au détriment des populations locales. Il appelle à une véritable prise en compte du développement durable et à l’application effective des principes de RSE, conformément à la législation gabonaise.
Tiré brusquement de sa torpeur par une salve d’articles caustiques que j’ai publiés il y a quelque temps dans la presse locale indépendante dénonçant son mépris pour les enjeux sociaux, économiques et environnementaux attachés à la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) qui fait partie des droits humains, Maurel & Prom, qui prend les Gabonais pour des abrutis, s’applique maintenant à abreuver le public d’opérations de communication, les unes plus farfelues que les autres, dans de nombreux médias audiovisuels et aussi et surtout dans la presse écrite et son prolongement naturel qu’est la presse en ligne. Des publi-reportages truffés de mensonges et de fausses informations payés à prix d’or visant comme d’habitude à exonérer et à masquer son incapacité à tenir ses engagements notamment l’engagement sociétal et celui sur le développement durable qui sont plus importants que jamais.
Confondant la RSE avec le mécénat, on l’a vu parader ces derniers temps très loin des bases vie de son permis d’Ezanga où les relations sont toujours exécrables avec les parties prenantes, finançant des campagnes de sensibilisation et de dépistage des prostates et des cancers à Port-Gentil et, plus récemment à Libreville se substituant à l’Etat dans des petits travaux de réfection de l’internat du Lycée National Léon Mba fermé depuis plusieurs dizaines d’années. Une action qui n’avait pas besoin de publicité vu la modicité de la somme dépensée (30 millions de FCFA), et sachant bien que le CTRI et le Gouvernement avaient déjà mis en œuvre leur plan d’action de réfection des édifices publics.
Certes dans un pays normal le pétrole du Moyen-Ogooué comme le bois ou l’or de l’Ogooué-Ivindo appartiennent et doivent profiter à l’ensemble de la nation. Mais Monsieur Thabault, DG de Maurel & Prom, ignore visiblement que la RSE s’applique d’abord en faveur des travailleurs de son entreprise qui attendent, entres autres avantages, des augmentations de salaires et l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail, qu’elle s’applique aussi prioritairement aux communautés de la région dans laquelle est implantée son entreprise, ici la région des Lacs du sud, dans la mesure où ces communautés sont en principe les bénéficiaires prioritaires des retombées avantageuses de l’exploitation du pétrole de leur terroir.
En effet, sauf si l’article 27 du contrat d’exploration et de partage de production « CEPP EZANGA N° G4-244 » relatif à la responsabilité sociétale des entreprises dit le contraire, auquel cas il faudrait le réécrire, la RSE c’est la mise en œuvre dans l’entreprise des exigences de développement durable qui intègrent les trois piliers environnement, social (juste rémunération, non-discrimination, égalité de traitement des salariés, assurances maladies etc.) et économiques. En d’autres termes, la RSE exige la prise en compte des attentes d’opportunités des parties prenantes internes et externes dont il convient d’intégrer l’intérêt.
Donc son enjeu principal ne consiste pas, pour une entreprise qui cherche réellement à concilier éthique, responsabilité et rentabilité, une entreprise citoyenne en un mot, à distribuer dans le désordre des miettes à travers tout le pays. Si la France avait du pétrole et si Maurel & Prom avait obtenu un permis d’exploration et d’exploitation dans le Lot l’un des Départements les plus pauvres de France, ce n’est certainement pas dans le Nord-Pas-De-Calais ou en Ile-de-France qu’il irait en premier faire de petits cadeaux dans le cadre de la RSE, démarche avec laquelle son pays d’origine ne badine pas.
Mais, cette frénésie soudaine pour les publi-reportages a bien du mal à convaincre la majorité des Gabonais qui ne sont pas dupes des tartufferies communicationnelles de Maurel & Prom qui, faut–il le rappeler, pompe le pétrole brut de son activité à partir des 112 puits du champ Onal dans les Lacs du sud près de Lambaréné dans la Province du Moyen-Ogooué, ce pendant que cet entrepreneur français éternel locataire se terre toujours dans un modeste immeuble de la zone portuaire Oprag à Port-Gentil malgré l’injonction du Chef de l’Etat, le Général Oligui Nguema, qui a demandé aux sociétés pétrolières de construire des sièges dignes d’opérateurs qui engrangent plusieurs centaines de milliards de FCFA chaque année. Une honte pour celui qui aime à se faire appeler « le géant Morel & Prom Gabon ».
Qui peut croire un seul instant qu’une société pétrolière qui ne possède aucun investissement immobilier pour abriter sa gouvernance, comme l’avaient fait en leur temps les vrais géants du pétrole que sont Shell et Total Energies, puisse se préoccuper d’une meilleure prise en compte du développement durable ainsi que des impacts environnementaux et sociaux des activités de son entreprise qui, plus est, implantée dans un petit bout de notre territoire national longtemps oublié par ses propres fils, et que Maurel & Prom et ses complices locaux considèrent aujourd’hui comme une terre conquise. Une République dans une République dans laquelle contrairement aux autres contrées où il mène des activités d’exploitation, l’opérateur pétrolier est complètement indifférent aux préoccupations existentielles des populations, lesquelles sont pour la plupart simplement basiques, donc d’un coût qui ne risque pas de plomber son compte d’exploitation.
Si Maurel & Prom se comportait dans cet arrière-pays comme une authentique entreprise citoyenne, sa démarche RSE devait aussi prendre en compte les préoccupations des populations du canton voisin de l’Ogooué Aval, autres victimes de la pollution de ses activités pétrolières destructives. Manifestement l’amnésique opérateur pétrolier ne se souvient plus de la révolte des populations de ce canton voisin qui, un jour, ont barré la route des lacs à ses bateaux en signe de protestation contre la pollution de leur environnement. De toutes les promesses qui leur avaient été faites à l’époque, notamment celle d’un soutien financier pour la réhabilitation du petit débarcadère du centre hospitalier historique de Ngomo menacé de disparition, aucune n’a été tenue jusqu’à ce jour. Et voilà que notre soit disant « géant » du pétrole vient de laisser passer une occasion de réparer cet oubli pas du tout compréhensible.
Mais je l’ai déjà écrit une fois, Maurel & Prom qui, selon ses dirigeants, a toujours respecté ses partenaires et les populations locales dans tous les pays où cette entreprise est présente, ne pouvait pas faire au Gabon ce qu’elle est en train de faire, pour paraphraser feu Président Omar Bongo, si elle ne bénéficiait pas de la protection de plusieurs complices locaux à Libreville comme à Lambaréné.
Il faut que le nouveau Chef de l’Etat le sache. En effet, si les autorités administratives du Moyen-Ogooué ne se contentaient pas d’appuyer et de valider sans broncher les diktats de Maurel & Prom (je dirai pourquoi un jour) lors des cessions de travail avec les populations du canton des Lacs du sud, en conflit larvé avec l’opérateur français, les revendications de leurs frères du canton voisin de l’Ogooué Aval qui ne sont pas exorbitantes pouvaient être prises en compte dans le cadre du fameux protocole quadripartite pour la mise en œuvre des actions de développement d’intérêt collectif signés sous la pression des Riverains le 15 décembre 2023 à Lambaréné entre le Gouvernement, les autorités administratives du Moyen-Ogooué, Maurel & Prom et les populations du canton des Lacs du sud. Et personne n’aurait crié au scandale car le pétrole exploité par Maurel & Prom depuis bientôt vingt ans était un espoir pour toute cette contrée que l’opérateur français quittera dans quelques années sur la pointe des pieds sans avoir pensé un seul instant à éradiquer la pollution accumulée suite à son activité durant toutes ces longues décennies.
Somme toute, le protocole quadripartite de Lambaréné, le premier du genre depuis l’arrivée de Maurel & Prom au lac Ezanga en 2005, était une grosse opération de communication dirigée essentiellement vers les actionnaires d’une entreprise qui en réalité ne montre aucune volonté d’application de la RSE comme elle l’aurait fait si elle exploitait ce beau pétrole vert dans le Département administratif du Lot en France (si ce pays avait du pétrole). La preuve, près de six mois après la signature du fameux protocole sans agenda précis de réalisation des projets pourtant imposés par Maurel & Prom qui par ailleurs a évalué unilatéralement les travaux, aucune action d’un développement réel n’a été mise en œuvre. Exception faite de la timide vente de quelques produits locaux (manioc, poisson, fruits et légumes) et des travaux de réhabilitation de la piste Onal-Allonnah, lancés bien avant la signature du protocole dans l’intérêt de l’opérateur dont les véhicules défilent chaque jour au milieu des villages en ruine des environs. Les villageois étant désormais interdits de circuler sur les routes de Maurel & Prom sans être munis d’une autorisation spéciale plus difficile à obtenir qu’un visas d’entrée en France. De la pure provocation.
C’est d’ailleurs cette interdiction incompréhensible qui a amené son auteur, l’intraitable opérateur pétrolier, pour calmer les esprits, à introduire dans son protocole d’accord les travaux inutiles de réhabilitation de deux anciennes pistes laissées par des forestiers dont la piste de contournement de 28 km qui part du PK 33 sur la Nationale1 au village Allonnah, route que l’opérateur ne s’est d’ailleurs pas engagé à entretenir après livraison et qui, à elle seule, va absorber environ 1 milliard 900 millions de FCFA sur les 3 milliards 456 millions à investir. De l’argent qui pouvait servir à financer des projets véritablement structurants notamment dans l’apiculture ou dans la pisciculture, sachant qu’un jour viendra où les lacustres ne pourront plus se nourrir de leurs poissons imbibés chaque jour un peu plus de produits chimiques et pétroliers. Ce n’est pas frustrant ça ? Quand on sait par ailleurs que Maurel & Prom a attribué tous les contrats à des entreprises partenaires ayant des liens de vassalité avec l’entrepreneur français, soulevant ainsi des interrogations sur l’équité des procédures d’appel d’offres et la transparence sur la gestion des fonds alloués.
Quant au financement « des activités génératrices de revenus », arrêté à la somme de 650 millions, qui devait intervenir au plus tard au mois de mars dernier, il a été renvoyé aux calendes grecques donc à une date qui n’arrivera pas au grand désespoir des porteurs de ces petits projets pourtant jugés viables. La leçon à tirer des termes et conditions de ce protocole stérile qui ressemble à un foutage de gueule de trop, est qu’une réelle volonté d’application de la RSE ne pourra être concrétisée qu’avec la présence qualitative de l’élite des populations de notre canton dans un comité de suivi tripartite Autorités administratives du Moyen-Ogooué/Maurel & Prom/Natifs du canton.
Ce n’est qu’à cette condition peut être que Maurel & Prom et ses sociétés fantoches de prestation de services cesseront de se moquer de la République qui les engraisse. Car l’opérateur pétrolier français, manipulateur, réfractaire et de mauvaise foi, a manifestement fait le choix délibéré de marcher définitivement hors des clous fixés par la législation gabonaise, ce au moment où grâce aux militaires, le Gabon s’engage enfin à renforcer sa souveraineté sur l’exploitation de ses matières premières.
Une préoccupation majeure qui a poussé le CTRI à prendre l’initiative de créer, le 28 décembre 2023, une équipe spéciale chargée, entre autres, de la sécurité des terminaux, du contrôle de la logistique pétrolière, du respect de la réglementation du dépotage et de la lutte contre le trafic illégal portuaire. Il est souhaitable que d’autres initiatives allant dans le même sens d’une meilleure préservation des intérêts vitaux de notre pays ainsi que ceux des travailleurs Gabonais du pétrole comme ceux des mines et des eaux et forêts soient prises dans un avenir proche pour bien marquer la rupture avec les méthodes mafieuses de tous les partenaires économiques voyous qui ne respectent pas nos lois.
Gilles Térence NZOGHE. Diplômé de l’Ecole Supérieure de Journalisme de Lille.
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