«La dette publique de notre pays est une bombe à retardement. Au niveau où elle se situe, à chaque fois qu’elle augmente, elle limite dangereusement les capacités d’intervention de l’État», écrivait déjà, en septembre 2020, Mays Mouissi. L’analyste économique sonne, dans la présente tribune, l’alerte à la catastrophe : en 12 mois, le Gabon s’est endetté de 1081 milliards FCFA supplémentaires, portant le taux d’endettement du pays au niveau maximal autorisé par la Cemac.

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Mays Mouissi, analyste économique, banquier et bloggeur. © D.R.

En 2020, plus que jamais par le passé, la situation de la dette publique du Gabon s’est érigée comme l’un des sujets majeurs de préoccupation des Gabonais et l’une des thématiques récurrentes du débat public national.

À titre personnel et de façon récurrente depuis février 2015, j’ai appelé l’attention de l’exécutif et du parlement sur la nécessité d’une plus grande maîtrise de l’endettement public pour préserver les capacités d’intervention de l’État et maintenir un niveau d’investissement public en adéquation avec les besoins du pays. Depuis cette date et en dépit de l’accompagnement du Fonds Monétaire International (FMI) via le Mécanisme Elargi de Crédit (MEDC), l’encours de la dette publique n’a cessé de s’accroitre, exception faite de l’année 2017 où une baisse sensible de l’encours fut enregistrée (voir schéma).

Promettre de maitriser l’endettement et l’augmenter de 1081 milliards FCFA

Le 8 septembre 2020, répondant à une interpellation du Premier ministre, Madame Rose Christiane Ossouka Raponda, sur l’endettement public qu’elle jugeait maitrisé et dont l’encours aurait servi selon elle à développer notre pays, je lui écrivais : « La dette publique de notre pays est une bombe à retardement. Au niveau où elle se situe, à chaque fois qu’elle augmente, elle limite dangereusement les capacités d’intervention de l’État. Au moment où même le Fonds Monétaire International (FMI) s’inquiète de la progression de notre dette publique, vous devriez faire de notre désendettement une absolue priorité ». Je n’ai manifestement pas été entendu.

En effet, la dette publique souscrite par le Gouvernement de la République en notre nom devant être invariablement remboursée par nous et par nos enfants, il est important que les Gabonais sachent qu’en seulement 12 mois, entre le 1er janvier et le 31 décembre 2020, le Gouvernement de Madame Rose Christiane Ossouka Raponda a endetté notre pays de 1081 milliards FCFA supplémentaires nets. L’encours de la dette publique de notre pays est ainsi passé de 5347 milliards à 6428 milliards FCFA (+20,2% en 12 mois).

Évolution de l’encours de la dette publique du Gabon entre 2010 et 2020

Comme conséquence directe à cet accroissement fulgurant de l’encours de notre dette publique, pour la première fois depuis plus de 30 ans, le taux d’endettement du Gabon a franchi à la hausse la limite maximale d’endettement autorisé fixée à 70% du PIB au sein de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC). Le taux d’endettement du Gabon se situe désormais entre 72 et 76% du PIB alors qu’il était proche de 59% en 2019 et même de 39% en 2015.

Évolution du taux d’endettement du Gabon entre 1990 et 2020

Ainsi, comme chacun peut le constater, pour le Gouvernement « maitriser l’endettement » c’est accroitre, en dehors de toutes proportions, la dette publique dont les Gabonais se demandent chaque jour en quoi elle améliore leur quotidien.

Emprunter pour rembourser, la stratégie du Gouvernement

À défaut d’avoir une action décisive sur la réduction de la dette publique de notre pays, le Gouvernement préfère s’illustrer par une communication approximative et parfois trompeuse quand il ne cherche pas à s’exonérer de toute responsabilité en attribuant l’échec de ses politiques à un nouveau bouc émissaire : la Covid-19.

Ainsi, le 22 décembre 2020, Madame Rose Christiane Ossouka Raponda s’est félicitée sur un réseau social[1] que son gouvernement a procédé au remboursement de 1000 milliards FCFA de dettes publiques (ndlr : plus précisément de 991,8 milliards FCFA), au cours des 3 premiers trimestres de l’année 2020. Cependant, Madame le Premier ministre s’est bien abstenue de préciser que pendant la même période son gouvernement a souscrit 1480,4 milliards FCFA de dettes dont une part non négligeable a servi à rembourser des dettes antérieures arrivées à échéance selon les chiffres de son administration[2]. À fin septembre 2020, toujours selon les chiffres du Gouvernement, le solde de ces opérations s’est traduit par une augmentation de l’encours de la dette publique de 488,6 milliards FCFA.

Extrait de la Note de conjoncture sectorielle à fin septembre 2020 de la DGEPF (page 49)

Quant à la désignation de la Covid-19 comme ultime responsable de l’accroissement de la dette publique du Gabon en 2020, cela m’inspire une réflexion. Si la Covid-19 est responsable de l’augmentation de la dette en 2020, qui le Gouvernement désignerait comme responsable de l’augmentation continue de la dette du Gabon depuis 2009 ?

Conscient que la dette publique est devenue un problème majeur pour le Gabon, le ministère en charge de l’Économie a publié au début du mois de janvier 2021 une Note d’analyse sur la dynamique de la dette. Celle-ci décline une stratégie en 4 points :

  • L’audit des engagements de l’État ;
  • Le reprofilage de la dette publique ;
  • La relance de l’économie en vue d’augmenter le PIB ;
  • Le paiement régulier des échéances de dettes.

L’objectif affiché par le Gouvernement à travers cette stratégie est de parvenir à un taux d’endettement inférieur à 70 % du PIB en 2021. Les événements passés permettant d’éclairer l’avenir, il convient de rappeler que ce même gouvernement s’était donné 3 ans, à partir de 2017, pour ramener le taux d’endettement à 40% du PIB en 2020[3] : échec. Comme nous l’avons indiqué précédemment, en 2020 le taux d’endettement a atteint 72% du PIB (32 points au-dessus de l’objectif du Gouvernement).

S’agissant de l’audit des engagements de l’État dont la task-force sur la dette est la partie visible, au-delà des effets d’annonce urbi et orbi, la traduction de ses résultats sur le plan budgétaire et judiciaire est toujours attendue.

S’agissant du reprofilage de la dette publique, qui se traduirait par le recours à de nouveaux emprunts pour rembourser les emprunts antérieurs d’une part et l’allongement de la maturité de la dette publique d’autre part, il n’est pas acquis que la situation politique, économique et financière actuelle du Gabon favorise un reprofilage dans les conditions optimales pour notre pays. En outre, le report systématique du remboursement de dettes de notre génération sur les générations suivantes pose un problème moral qui, tôt ou tard, devra faire l’objet d’un débat national.

S’agissant de la relance de notre économie, on peut effectivement espérer un retour de la croissance en 2021 si le contexte international évolue favorablement et si le Gouvernement ne lève pas trop tard toutes les mesures privatives de liberté prises dans le cadre de la lutte contre la Covid-19 et qui brident le fonctionnement de notre économie. Cependant, il est peu probable que la reprise se traduise par un taux de croissance du PIB supérieur à 3 %.

S’agissant du paiement régulier des échéances de dettes, est-il utile de rappeler que les créanciers du Club de Libreville attendent depuis 9 mois que l’État s’acquitte de ses échéances de dette et que les banques américaines Goldman Sachs et JP Morgan placent le Gabon parmi les pays qui pourraient faire défaut en 2021 ?

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[1] https://twitter.com/OssoukaRaponda/status/1341328343690567683

[2] La Direction générale de la dette (DGD)

[3] Cf. objectif n°3 du Plan de Relance de l’Économie (PRE) 2017-2019

 
GR
 

3 Commentaires

  1. Maroga Guy dit :

    Et Pendant ce temps?

    On organise les élections sénatoriales …suivi d’autres nominations SENATORIALES!!! Tout ceci dans le but de satisfaire les membres du parti, soutiens politiques en « braquant » les ressources de la nation!!!

    d’un autre coté, la favorisation de la production de la richesse nationale est quasi-nulle?? la vente des matières premières mal maitrisée…quel est la vision de développement? Continuer à s’endetter jusqu’à ce que l’on se retrouve à nouveau avec des fouets au dos et des chaines sur les chevilles??

    C’est quoi ce peuple , cette race qui n’a aucune mémoire??????????????????????

  2. sm dit :

    Nous faire rire, c’est déjà beaucoup. Et c’est excellent pour la santé.

  3. Abdallah dit :

    Un expert, un digne fils du pays qui analyse la situation réelle de l’endettement du pays. Ossouka il faut mentir encore. Un gouvernement d’incompétents, des pandores.

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