Violations des règles, transformation de l’argent public en argent privé…  Les déclarations de l’ancien porte-parole de la présidence de la République donnent une idée précise de la nature profonde du régime.

Ike Ngouoni a dépeint un pouvoir aux confins de l’anomie, où règnent la loi du plus fort, les règlements de comptes, la vengeance et la violence. Peu importe les fautes des uns ou torts des autres, on ne peut s’accommoder de l’arbitraire et du mélange des genres. © Gabonreview

 

Au tribunal de Libreville, la vivisection du régime se poursuit. Après l’ancien administrateur-directeur général de la Société nationale des hydrocarbures (SNH), l’ancien porte-parole de la présidence de la République a, lui aussi, fait son lot de révélations. Budget affecté à la communication du président de la République, relations avec certains journalistes, rétro-commissions, cadeaux divers, domiciliation de l’argent public, procédures de décaissement des fonds, mécanisme de passation des marchés publics, méthodes d’interrogatoire pratiquées par les services spéciaux… Sur tous ces points, on a entendu des vertes et des pas mûres. Quelques jours plus tôt, Christian Patrichi Tanasa avait décrit un système gangréné par la corruption, où l’abus de pouvoir le dispute au trafic d’influence, l’opacité à l’irresponsabilité. A travers ses déclarations, Ike Ngouoni Aïla Oyouomi a dépeint un pouvoir aux confins de l’anomie, où règnent la loi du plus fort, les règlements de comptes, la vengeance et la violence. Où tout se fait au petit bonheur la chance, à la tête du client et au gré des humeurs de quelques-uns.

Arbitraire et mélange des genres

Cette description n’est pas le fait d’un «aigri» ou d’un «jaloux.» Elle vient d’un ancien «proche collaborateur du président de la République», pourtant astreint au devoir de réserve. En dépit des circonstances, elle renseigne sur la nature profonde du régime. Au-delà du contexte, elle donne une idée précise des pratiques en vigueur. Comment l’argent public peut-il être domicilié dans une banque commerciale ? Comment l’argent privé peut-il servir au financement de l’action publique ? Pourquoi les collaborateurs du président de la République reçoivent-ils des primes exorbitantes, décidées de façon discrétionnaire ? N’y a-t-il pas de grille de rémunération ? Sur quels fondements légaux ou institutionnels, l’avis de l’épouse du président de la République est-il requis pour la sélection de certains prestataires ? Pourquoi la SNH doit-elle payer certaines dépenses de la présidence de la République ? Pourquoi la Garde républicaine interfère-t-elle dans les procédures judiciaires ? Et que dire de la pratique de la torture ?

Certains diront ne pas se poser ces questions. Ils affirmeront ne pas être surpris. D’autres se gausseront d’Ike Ngouoni Aîla Oyouomi. Ils le renverront même à ses déclarations d’antan sur l’État de droit et la justice. Aux uns et aux autres, on rappellera cette recommandation de Stéphane Hessel : «Il nous appartient de veiller tous ensemble à ce que notre société reste une société dont nous soyons fiers.» Peu importe les fautes des uns ou torts des autres, on ne peut s’accommoder de l’arbitraire et du mélange des genres. Sauf à œuvrer à la faillite de l’État, les violations des règles ne peuvent être banalisées. A moins de travailler à la mort de la République, on ne peut prendre acte de la transformation de l’argent public en argent privé. Sans se lasser et sur tous les tons, il faut le dire.

Entorses répétées

L’intérêt général n’est pas la somme d’intérêts particuliers. S’il tient à des valeurs et objectifs partagés, sa quête conduit au bien-être pour tous et chacun. Mais ce dessein ne peut être atteint si le président de la République distribue des prébendes, crée des circuits financiers parallèles ou arrose la presse pour s’assurer de son silence. Il ne peut être accompli quand des personnalités sans légitimité démocratique ni fonction officielle s’immiscent dans la gestion de la chose publique, au point de dicter certains choix. Ou quand des institutions se mêlent d’affaires ne relevant pas de leur compétence, au risque de bafouer les droits d’autrui. Même si ces entorses répétées n’ont pas toujours été documentées, elles n’en demeurent pas moins vraisemblables et stupéfiantes. Surtout au regard des déclarations de personnes mises en cause dans d’autres affaires.

Pour sortir de cette ambiance mortifère, il faut revenir aux fondamentaux de la République. Pour donner une chance à la promesse républicaine, il faut ne plus entretenir de confusion entre biens publics et bien privés. De même, il faut établir un distinguo entre vie publique et vie privée. Il faut, tout autant, faire passer les relations politiques, juridiques et institutionnelles avant les liens matrimoniaux ou de sang. A la fin des fins, il faut se battre pour la bonne gouvernance : la hiérarchie des normes juridiques, la séparation des pouvoirs, l’égalité devant la règle de droit, la responsabilité, la transparence et la tolérance ne doivent plus relever du slogan politicien. Pour prévenir des déballages à venir, ces notions doivent devenir la boussole des détenteurs de l’autorité de l’État.

 
GR
 

7 Commentaires

  1. Mezzah dit :

    Dieu ne vous a pas permis de faire du Gabon ce que vous êtes en train de faire. Il vous voit et un jour il vous frappera avec toute la force qu’il a. L’AVC qui a terrassé l’autre aurait dû vous servir de leçons mais rien. Continuez ainsi.

  2. Gael Nguimbi dit :

    Le journaliste ici joue bien son rôle de 4e pouvoir, je crains juste que le barbouzes à la tête de ce pays n’utilise leurs méthodes : torture et menace pour obtenir son silence.
    Cependant, dans un pays corrompu et gangrené par l’appât du gain chez les en haut en haut. Une seule solution le peuple ou un assimi Goita. Problème et obstacle majeurs le peuple est muselé et les assimi Goita sont sous d’autres cieux

  3. Otambia dit :

    C’est triste de voir comment l’argent du pays est dilapidé. Il y’a des gabonais qui m’eurent pour une simple ordonnance de 3000fcfa. Pendant ce temps, certains s’amusent avec les milliards. Quand le peuple vous sanctionne aux élections, vous sortez les chars de guerre.
    Au fait à quand l’opération scorpion à la CNSS? Qui a coulé la caisse?

  4. MOUNDOUNGA dit :

    Bjr. Le dernier paragraphe est applicable au sein d’une société PROPRE. Nous vous concedons ce souci que cela s’applique à notre pays. Désolé Nous ne croyons pas à pareil miracle. Je vous rappel cette suite de phrase de votre texte: « Elle vient d’un ancien «proche collaborateur du président de la République», pourtant astreint au devoir de réserve ». Analysez la profondeur de cette phrase et vous comprendrez le niveau de delitement du pays que vous exposez si bien. Amen.

    • Moussavou Ibinga Jean dit :

      @Moundounga. Donc on cesse d’avoir des idéaux et de les promouvoir. C’est ça ? On cesse le combat pour un Gabon meilleur. C’est ça ? Votre résignation fait honte. Surtout que vous voulez la propager

  5. moundounga dit :

    Bjr. Non ce n’est pas de la résignation et je ne tend pas à la propager. Ce n’est pas dans mon éducation. Je signifie tout simplement que les Hommes du changement sont des perles rares et compte tenu des transumances politiques à Gabao à qui faire confiance pour amorcer la bonne direction. Voila la substance de ma pensée. Respect à vous. Amen.

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