Peuple Mbouarra

Parce que, au Gabon, on mendie l’école ; on mendie la vie moins chère ; on mendie le boulot ; on mendie la considération ; on mendie l’attention de l’État ; on mendie la solidarité ; on mendie l’eau et l’électricité, Ika Rosira, la plume pamphlétaire de Gabonreview, en vient à en vomir de rire, en vomir des larmes, à s’en arracher les cheveux.

Peuple Mbouarra ? © Gabonreview/Shutterstock

On aura beau accuser l’eau de la SEEG, soupçonner un envoûtement à l’échelle nationale d’être à l’origine du fait que nous sommes un peuple… de brebis égarées ; parce que dire que nous sommes des moutons peut froisser bien des sensibilités. Égarés parce qu’on a le choix entre suivre le mauvais maître et faire n’importe quoi, c’est comme si on nous avait dénué de toute sagesse, de toute intelligence, de la faculté de discerner le mal qu’on nous fait du bien qu’on ne nous fait pas.

Entendre une dame qui a pourtant vécu le Gabon, qui a sur ses épaules le poids de la vie, proclamer haut et fort que celui qui nous sert de président de la République devrait l’être à l’infini, genre pour l’éternité, c’est comme regarder un chien vomir et retourner manger son vomis. C’est tout simplement dégueulasse, on s’imagine aisément la bonne femme qui manquait d’eau depuis des lustres, ressentir un profond soulagement, après s’être plainte des jours voire des années durant du fait que dans le pays des Bongo, avoir accès à l’eau potable c’était kif-kif, pile ou face, Mabé-Mabé². Du fait qu’il fallait pointer, espérer, revendiquer, abandonner, se faire une raison d’aller pointer à nouveau, se résigner. Il a suffit que, comme Jésus qui changea l’eau en vin, notre Ali Baba national, change le néant en eau pour qu’on lui offre le Gabon pour l’éternité net en live direct à la télévision.

Ce qui fait encore plus mal, c’est d’entendre une jeune femme, qui a pourtant étudié en France, qui est au fait des progrès du monde, des richesses du pays, du retard orchestré dans son développement par la mauvaise gestion des Bongo et compagnie… c’est d’entendre cette jeune fille défendre celui qui lui sert de Président en disant : «mais il faut avouer qu’il fait quand même beaucoup de choses pour le Gabon, la preuve, il vient de mettre l’eau à Agondjé³»

Eukeuuuuuuuh⁴ ! Ma grande ! Toutes les études payées par le contribuable gabonais c’était pour nous pondre ça, mama ? Dans ta tête ! C’est le rôle du présida d’aller ouvrir les robinets des maisons, de se mettre en prodada pour un service public, pour une nécessité absolue, pour un droit inaliénable : l’accès à l’eau et à l’électricité ne devrait jamais être une GRÂCE PRÉSIDENTIELLE, mais un droit pour tous les Gabonais, un devoir pour tous les gouvernements qui se succèdent, une priorité absolue, sans équivoque. Remercier le président pour l’eau ? On en est rendus là au Gabon ???

Égarés parce qu’on n’a même plus conscience du fait que sur tous les plans nous sommes réduits à un degré de mendicité qui atteint des proportions imbéciles. On mendie l’école, on mendie la vie moins chère, on mendie le boulot, on mendie la considération, on mendie des subventions, on mendie l’attention de l’État, on mendie la solidarité, on mendie aussi l’eau et l’électricité dans un pays qui produisait déjà le pétrole avant même que le projet de développement de Dubaï ne soit un projet. Un pays qui exportait déjà du bois avant même que Dubaï ne cesse d’être une inconnue. Gabon ooooooh ! Un pays qui exploitait déjà le manganèse, l’or, le diamant et l’uranium avant même que les gens qui ont pensé, rêvé, idéalisé et réalisé Dubaï, n’en fassent ce qu’ils en ont fait.

Il n’y a vraiment pas de Justice, les mêmes qui ont pillé le pays, l’État français en particulier, la légendaire famille présidentielle et tous leurs acolytes continuent encore et encore leur sordide besogne, pendant qu’une poignée de jeunes gabonais encore assez vaillants pour mettre leur énergie à la reconstruction de leur pays, s’embrouillent sur les parvis de Nantes à Bruxelles, de Bruxelles à Paris, réclamant désespérément l’attention pour ce peuple, endormi notoire et dure de la feuille. Pitié pour nos gens qui se bousculent sous le ciel français espérant de nos «colonisateurs» un peu de Soutien, un semblant de Démocratie, un soupçon de Justice.

La Justice mbouarra¹ du Gabon, qui permet aux plus voraces de faire régner la terreur, d’appliquer leur propre justice, d’instrumentaliser la loi par la bouche même des procureurs de la République qui sont sensés être au service du peuple mais qui servent avant tout les intérêts des gens d’en haut. Entendre un procureur prétendre que la petite Marie Catherine Eudoxie Ntsame Ovono n’a subi aucune mutilation, l’entendre remettre en question la définition même du mot «mutilation» et transformer ce crime rituel en simple problème lié à l’immigration clandestine et à la passivité du peuple gabonais face à ce qu’ils considèrent comme un fléau, est tout simplement indigeste. C’est à vomir de rire, à vomir des larmes, à s’arracher les cheveux de la tête, à pleurer toutes les larmes de son corps, à se demander si la rumeur d’envoûtement à l’échelle nationale n’est pas réelle, tellement les inepties et les non-sens s’accumulent dans la longue liste des scandales made in Gabon.

Ne nous décourageons surtout pas, car nous sommes bien plus nombreux que ces monstres déguisés en humains, que ces gens qui ont renoncé à leur humanité, à leur conscience, obnubilés par le pouvoir ET par l’argent, par le pouvoir DE l’argent, par l’ascendance qu’ils ONT et peuvent encore avoir sur les gens.

Ne nous éparpillons pas, parce que nous allons le reprendre, NOTRE pays, l’arracher de leurs mains grasses, à la sueur de nos plumes, à la lueur de nos âmes, à la ferveur de nos cœurs meurtris par la démesure de leur antipathie, face à la misère même du peuple qu’ils foulent au pied constamment

BRING BACK OUR COUNTRY !

———————————————————————————————

1 Mbourra : faible, nul, ambigu…

2 Mabé-Mabé : dur-dur…

3 Agondjé : quartier de la commune d’Akanda dans le Nord de Libreville

4 Eukeuuuuuh : onomatopée, cri et soupir d’ahurissement