JCDecaux : délectation au Gabon, peine en France
Alors qu’elle a été condamnée par le Conseil d’Etat français, amenant 1.630 de ses panneaux publicitaires à être démontés à Paris, JCDecaux continue de bénéficier au Gabon du démantèlement du secteur de l’affichage publicitaire. Il y a une concurrence, des lois et une justice en France. Y aura-t-il jamais ne fut-ce que l’action du karma au Gabon ?
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Après avoir fait parlé d’elle, l’année dernière avec ses panneaux publicitaires «inquisiteurs» ou espions, JCDecaux, groupe français spécialisé dans la publicité urbaine, fait de nouveau les manchettes des journaux dans son pays. Le 5 février dernier, en effet, le Conseil d’Etat français a validé l’annulation d’un contrat de la ville de Paris avec JCDecaux, via sa filiale Somupi, sur des panneaux publicitaires contesté par des concurrents. Le marché ainsi perdu courait jusqu’en 2022. 1 630 panneaux Decaux doivent donc être «enlevés de l’espace public dans un délai de 15 jours», selon le mot de Jacques Boutault, maire écologiste du 2e arrondissement et conseiller de Paris.
Au Gabon, le Collectif des régies publicitaires non réhabilitées (CRPNR) est toujours à la peine et n’a jamais été entendu malgré ses nombreuses démarches envers les autorités. Après avoir subi «de graves préjudices» à la suite de l’opération de destruction ou démontage de leurs panneaux menée par le ministère des Travaux publics en janvier 2014, les sociétés d’affichage continuent à demander d’être dédommagés.
Pourtant, au milieu de l’année 2016, en effet et à la surprise générale, les panneaux publicitaires ont refait surface. Mais… mais, ils appartiennent à un monopoleur : JCDecaux qui s’est arrogé près des 8/10e de l’espace public d’affichage. On se demande donc, à quel moment a-t-il seulement répondu à un appel d’offres lui ayant permis cette rafle qui a mis au chômage plus d’un millier de personnes ? Les PME gabonaises ont-elles donc été virées pour que leur marché revienne à une boite internationale ?
Quelle méthode JCDecaux avait-elle employé au Gabon pour l’obtention du génocide d’entreprises lui ayant fait place ? Et l’on en vient à se souvenir de l’introduction de Jean-Sébastien Decaux au Gabon par Richard Attias via le New York Forum Africa 2014. Entreprise politiquement exposée, les panneaux de JCDecaux auront été exclusivement mis au service d’Ali Bongo durant la campagne électorale de la présidentielle 2016. Ceci expliquerait-il cela ? Sinon comment comprendre qu’un bon nombre de ses panneaux aient été implantés aux mêmes endroits que les panneaux démantelés sous la houlette de Magloire Ngambia, alors ministre de la Promotion des investissements, des Transports, des Travaux publics, de l’Habitat, du Tourisme et de l’Aménagement du territoire. Poursuivi pour détournement de deniers publics, celui-ci est aujourd’hui en prison. Toutes choses qui n’exhalent pas toujours l’orthodoxie et le respect des règles. Dire que dans son pays d’origine le respects des règles vient de faire perdre à JCDeceaux le marché parisien susmentionné.
Si en France, ExterionMedia et Clear Channel, deux sociétés concurrentes ayant saisi le tribunal administratif, ont eu raison de JCDecaux, au Gabon le monopoleur de l’espace public peut dormir tranquille.
Présidé par Jean Victor Bongo, le Collectif des régies publicitaires non réhabilitées (CRPNR) se déclarait, en août dernier, «déterminé à utiliser toutes les voies légales et autorisées» pour être réhabilité dans ses droits. On se souvient qu’en 2014 au New York Forum Africa à Libreville, Jean-Sébastien Decaux, président de JC Decaux Sud Europe Belgique et Luxembourg, s’interrogeait sur «la vision des autorités pour aménager la ville [de Libreville], pour apporter de nouveaux produits, de nouvelles fonctionnalités aux citoyens (…) pour réaménager les villes, embellir la ville ? Ça va être un enjeu des prochains mois, je l’espère, ici à Libreville». Plus de trois ans plus tard, les enjeux sont les mêmes au Gabon : monopole assuré, mobilier urbain pas du tout innovant et la concurrence, sur la paille, demandant toujours à être dédommagée ou réhabilité. Y a-t-il des juges par ici ?
2 Commentaires
Cette destruction des régies publicitaires gabonais au service du monopole de JCDecaux était la meilleure façon pour Delta Synergie de s’assurer des bénéfices conséquents, sans faire trop d’efforts. En effet la famille Bongo et amis sont actionnaires de la filiale gabonaise de JCDecaux. Quand il s’agit des intérêts des Bongo l’orthodoxie administrative et l’état de droit n’ont pas leur place.
Si embellir une ville , c’est la truffer de publicités. Il faut qu’on se demander sérieusement où nous veulent-ils nous mener nos dirigeants ?