Fagaricine : Il n’y a pas d’arnaque à la camerounaise
Le Dr Pyebi Oyoubi a-t-il réellement mis au point la Fagaricine, un médicament couvert par un brevet et déjà vendu dans plusieurs pays africains, s’interroge l’opinion. Il se trouve, en effet, qu’au lendemain de la présentation du médicament au Gabon, la presse camerounaise a porté au grand jour un autre inventeur : Bruno Eto. Les archives et un flashback sur les faits donnent raison au chercheur gabonais, sans toutefois accabler son homologue du pays des Lions Indomptables.
Remède contre le Coronavirus présenté, le 7 mai dernier, par les chercheurs et praticiens gabonais de médecine traditionnelle, la Fagaricine a réjoui plus d’un au pays des Panthères. L’enthousiasme ou les doutes sur la fiabilité de la médication ont cependant été douchés, un jour après, par un problème de paternité : le médicament aurait été inventé par un Camerounais. Remonte alors dans les souvenirs que le 23 septembre 2008, le professeur Bruno Eto, se présentant à l’époque comme directeur du laboratoire TBS Transcell-Lab, exposait à Libreville «son nouveau médicament» : la Fagaricine.
Comment donc, douze ans après, les chercheurs et les tradipraticiens gabonais en viennent à assurer, eux, que la solution est une invention du Dr Pierre Pyebi Oyoubi ? D’autant plus que, dès le lendemain, la presse camerounaise a soutenu que la Fagaricine avait été trouvée par ce fameux Bruno Eto.
Procès pour détournement de propriété industrielle, escroquerie et menaces de mort
En compulsant les archives, on retrouve deux plaintes déposées les 7 et 8 juillet 2008 au parquet de Paris par le docteur Pierre Pyebi Oyoubi et un certain Paul Rebollo, à l’encontre dudit professeur Bruno Eto, pour détournement de propriété industrielle, escroquerie et menaces de mort. Le chercheur gabonais dénonçait «un vaste complot orchestré par le professeur Eto pour s’approprier [son] invention et détourner des financements.» Le plaignant expliquait alors avoir mandaté Bruno Eto, courant 2003, pour déposer en France le brevet devant protéger sa découverte, la Fagaricine 532.
Il se trouve qu’ayant des problèmes en 2003 du fait d’une rumeur sur la mort d’Omar Bongo dont il était le médecin, Pierre Pyebi Oyoubi s’était exilé en France où il n’avait pas les coudées franches. Raison pour laquelle il s’était associé à Bruno Eto qui disposait d’une adresse dans l’Hexagone et avait des facilités en tant que Franco-camerounais. De plus, au Gabon où la découverte avait été faite, le projet de commercialisation n’avait pas reçu un écho favorable, le pays ayant déjà eu du mal à reconnaître l’Immunorex du Pr Donatien Mavoungou.
Arrangement final à l’amiable
La plainte de Pyebi Oyoubi au parquet de Paris avait prospéré et les deux hommes s’étaient séparés. Ils se sont retrouvés quelques années plus tard au Cameroun. Forts de leur amitié antérieure et du travail abattu ensemble pour l’obtention en France du brevet de la Fagaricine, ils ont alors fait la paix et travaillé à l’obtention, au bénéfice de Bruno Eto, d’un brevet sous-régional auprès de l’Organisation Africaine de la Propriété intellectuelle (OAPI). Délivré le 31 mars 2010 pour une durée de 20 ans sans garantie des gouvernements des États membres, ce brevet africain fait de Bruno Eto le co-inventeur de la Fagaricine 532. Alors que la demande de brevet déposée cinq ans plus tôt, le 10 mars 2005 en France, auprès de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) mentionne 3 inventeurs : Pierre Pyebi Oyoubi, Alphonse Louma-Eyougha (également Gabonais) et Bruno Eto.
Contrairement au Gabon, pays doutant toujours de ses inventeurs et chercheurs, le lobbying a merveilleusement fonctionné au Cameroun d’autant plus que depuis 4 ans, le produit y est commercialisé et le Dr Jean-Eddy Azombo en assure la disponibilité. Joint au téléphone, le Dr Pyebi Oyoubi soutient qu’il n’y a aucune arnaque, aucun problème, et que le Pr Bruno Eto a bel et bien le droit d’exploiter lui aussi le brevet. Il n’en reste pas moins que l’invention est bel et bien gabonaise et que le conflit de paternité à son sujet a été aplani il y a belle lurette.
2 Commentaires
Le Gabon ne doute pas de ses inventeurs et chercheurs. C’est la sorcellerie des Bongos qui empêche quiconque ne leur fait pas allégence et ne bas campagne de briller par d’autres moyens que le pdg et la maçonnerie.
Pardon détail technique, » franco-camerounais » n’existe pas. Le Cameroun ne reconnait pas la double nationalité; si vous obtenez une autre nationalité, vous perdez de facto votre nationalité d’origine camerounaise.