Désirey Minkoh : «La photographie est un métier et une passion»
Le promoteur de l’agence de photos en ligne Afrikimages partage dans cette interview sa conception de la photographie ainsi que ses objectifs pour ce métier.
Pour vous c’est quoi la photographie et que visez-vous par la pratique de cet art ?
La photographie c’est à la fois un métier et une passion. C’est un métier qui a pour rôle de sauvegarder le vécu au quotidien, l’environnement. C’est un moyen qui permet de toucher à tout et de faire dans la sauvegarde, comme disait un de mes promotionnaires «le temps fuit, je le retiens». Avec la photographie on retient le temps. À travers ça on arrive à sauvegarder le monde aujourd’hui.
Quand je débutais, mon rêve était de travailler pour la presse internationale. J’ai eu à le faire pendant sept ans. J’ai eu toutes les sensations qu’un reporter peut avoir et envie d’avoir. J’ai eu peur parce que j’ai couvert des conflits, j’ai eu des émotions fortes parce que j’ai couvert toutes les grandes compétitions sportives au niveau africain, j’ai même eu à faire de la photographie pour les officiels. Maintenant, je songe davantage à la conservation de nos patrimoines. Car, à travers la photographie, on peut sauvegarder des zones que les phénomènes de la nature peuvent détruire. On peut sauvegarder notre culture qui tend à disparaître. J’ai le projet de parcourir le Gabon pour faire des portraits, parce que le Gabon est en train de changer. Nous sommes les historiens de demain. C’est ce rôle de conservateurs de notre environnement, de notre histoire que j’ai envie de partager avec mes collègues.
Dans quel domaine de la photographie êtes-vous spécialisé ? Cette spécialisation requiert-elle des techniques particulières ?
La photographie est un domaine très large même si, vu du public et surtout de l’Afrique, il suffit d’avoir un appareil photo pour se dire photographe. Durant ma formation, j’ai suivi un tronc commun de photographie générale. Ensuite, j’ai fait une formation en photojournalisme et une autre de portraitiste. De ces deux spécialités, je préfère la première parce que j’aime l’action, prendre les choses au vif. Ce ne sont pas les mêmes techniques qu’on utilise pour le portrait et le photojournalisme.
Qu’appréciez-vous vraiment dans la photographie ?
La photo est une forme d’expression. C’est l’un des rares métiers où on allie la science et l’art, parce que la photographie au départ est un art. L’opérateur ou le photographe apporte sa touche même s’il y a l’exigence scientifique qui fait en sorte que la photo soit belle. On peut être 50 photographes sur un même événement, au final nous ne ressortirons pas la même photo parce que chacun va filmer ce qui le touche le plus. L’aspect scientifique pour sa part s’impose à vous. Car la photographie renferme en grande partie des éléments de la physique notamment, les lentilles, la lumière. Aujourd’hui l’informatique est très utilisée dans la photographie.
Comment comptez-vous amener vos jeunes stagiaires à comprendre les avantages de ce métier ?
Il ne revient pas à d’autres corps de métier de venir nous montrer comment valoriser notre métier. C’est nous-mêmes qui devons prendre notre destin en mains pour pouvoir valoriser l’image du photographe. Mon combat aujourd’hui est de faire du photographe un acteur de la société aussi important que l’ingénieur, le médecin…
Demander à 10 photographes de vous sortir une photo de Mont Bouët. Beaucoup ne vous la sortiront pas. Aujourd’hui on a cassé Jeanne Ebori, et s’il n’y a pas de photo, comment montrerons-nous aux gens ce qu’était cet hôpital avant sa destruction ? Nous sommes des acteurs de développement autant que ceux qui pratiquent d’autres métiers.
Pouvez-vous nous parler d’une des photos qui vous a particulièrement marqué dans votre carrière ?
Une photo qui m’a le plus marqué ? Je ne sais pas. Par contre, il y a une qui a le plus marché. C’est celle que j’ai faite au Darfour où j’ai filmé un rebelle qui portait un maillot Ronaldo. C’est ma photo la plus célèbre. Elle a fait le tour du monde. Parfois, je repense aux sensations que j’ai connues. Je pense particulièrement à la Côte-d’Ivoire quand la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (Bceao) a été dévalisée. Ils avaient tiré toute la nuit mais j’étais obligé de sortir parce qu’on était en reportage. C’était la première fois que j’avais autant peur. Je ne sais pas pourquoi, mais je me disais que c’était peut-être la dernière fois que je faisais de la photographie. Franchement, il n’y a pas une image qui m’a marqué autant que ça. C’est plutôt les sensations produites par des personnes que j’ai filmées qui m’ont le plus marqué, et non les photographies elles-mêmes.
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