Crise budgétaire : le Gabon implore un sursis sur la pondération de ses titres publics
Dans une correspondance adressée au président de la COBAC, Murielle Minkoue Mezui, ministre de la Réforme des institutions, plaide pour une exemption temporaire de la pondération sur les titres publics émis par l’État gabonais en 2024 et 2025. Une demande révélatrice des limites structurelles de la gouvernance actuelle, marquée par des contraintes budgétaires récurrentes, un endettement problématique et un marché financier méfiant.
Le Gabon semble avoir trouvé une nouvelle stratégie de survie financière : solliciter des exemptions comme on commande à crédit. Par une lettre en date du 13 novembre 2024, la ministre de la Réforme des institutions, Murielle Minkoue Mezui, s’est tournée vers la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac) pour obtenir un allègement des règles de pondération sur les titres publics gabonais. En d’autres termes, le Gabon demande aux banques régionales de fermer les yeux sur les risques évidents liés à son incapacité chronique à respecter les critères de convergence de la Cemac.
Dans sa correspondance, la ministre ne cache pas les conséquences de la situation actuelle : « Les résultats sur les derniers emprunts ainsi que les intentions de souscription sur les opérations projetées sont à des niveaux de réalisations très peu satisfaisantes». Une constatation qui, derrière sa froideur administrative, révèle l’ampleur des défis auxquels le Gabon est confronté pour boucler ses budgets.
Le taux de pondération, qui désigne le niveau de couverture de risque par les banques sur leurs engagements envers les États de la Cemac, est calculé sur la base du respect par ces derniers des critères de convergence et de surveillance multilatérale. Ces critères incluent un solde budgétaire inférieur à -1.5 %, une dette publique inférieure ou égale à 70 % du PIB, un taux d’inflation annuel inférieur ou égal à 3 %, et une accumulation nulle d’arriérés intérieurs et extérieurs.
Au 18 octobre 2024, le Gabon ne respectait aucun de ces critères, ce qui lui vaut une pondération de 100 %. En pratique, cela signifie que les banques locales qui prêtent à l’État gabonais doivent disposer de fonds propres équivalents à la totalité du montant prêté, et ce, pour toute la durée de vie de l’emprunt. Cette contrainte dissuasive a naturellement refroidi les ardeurs des investisseurs.
Un risque systémique déguisé en urgence budgétaire
Avec un taux de pondération aussi élevé, les banques rechignent à s’exposer davantage aux titres publics gabonais. Résultat ? Une faible mobilisation des ressources financières qui compromet non seulement les projets du dernier trimestre 2024, mais aussi l’équilibre budgétaire de 2025.
Consciente de ces défis, la ministre a tenté de rassurer : «Je voudrais, par ailleurs, vous rassurer des efforts mis en œuvre par le gouvernement gabonais, après la mise à plat des données de la dette et des instances du Trésor, pour retrouver, à brèves échéances, les niveaux d’agrégats conformes aux seuils de la convergence multilatérale de notre sous-région». Mais ces engagements, déjà entendus, peinent à convaincre des banques échaudées par l’historique budgétaire du Gabon.
Dans sa lettre, la ministre souligne également l’urgence : «Cette situation de faible mobilisation de ressources de financement engendre un risque important dans la bonne exécution des opérations budgétaires du dernier trimestre de l’année en cours. Elle va également impacter négativement l’exécution du budget de l’année 2025». Une vérité crue qui illustre la dépendance structurelle du Gabon à des emprunts continus pour financer son fonctionnement, au détriment d’une politique de rigueur budgétaire ou d’investissements productifs. En effet, si gouverner, c’est prévoir, au Gabon, l’art de gouverner s’accommode trop souvent d’improvisations coûteuses.
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