Par Ika Rosira, la «Charliette Hebdo» de Gabonreview : petite carte postale d’un pays que les satiristes gabonais ont surnommé Bongoland. Sommaire situation géographique, économique et sociale mais aussi petite phénoménologie des problèmes existentiels, sociétaux et politiques de ses dirigeants, sans oublier l’engourdissement général, physique et moral de son peuple.

«C'est triste de voir et de savoir à quel point la misère des uns indiffère l'existence des autres». © Gabonreview/Anton Ivanov

«C’est triste de voir et de savoir à quel point la misère des uns indiffère l’existence des autres». © Gabonreview/Anton Ivanov

 

Il était une fois Bongoland, une république bananière située sous l’Équateur, en Afrique centrale, délimitée par l’atlantique, le Congo-Brazza, le Cameroun et la Guinée Équatoriale. Avec un climat tropical humide, des forêts d’Okoumé, du pétrole à pas la peine, des mégas minerais, de magnifiques plages de sable blanc, d’huiles et de vins de palme, d’eaux de coco, de mangues assaisonnées de sel et de piments forts. Une terre où les papayers poussent même dans des bennes de camions garés, parcourue par un long fleuve tranquille bourré de carpes. Un des rares lieux au monde où les éléphants effectuent un véritable pèlerinage pour aller se jeter dans la mer et s’y baigner avec tout le bonheur du monde. Rites ancestraux, danses transcendantales, épopées fabuleuses, coutumes et chants éclectiques, on aurait aisément pu faire de ce pays une destination touristique exceptionnelle, en plus de son statut de pays producteur et exportateur de bois, de pétrole et de manganèse… et de bien des richesses affriolantes.

Seulement, Bongoland est né du fait que la destinée du Gabon a été corrompue, que son développement a été un leurre, que la liberté y a été confisquée et que la population est prisonnière du plus sournois des États policiers d’Afrique. Par peur de représailles et pour conserver leurs infimes avantages, les langues ont du mal à se délier, les gens ont du mal à condamner les malversations, les persécutions, les abus de pouvoir exercés depuis le sommet de l’État, jusqu’à une police intérieure moribonde, qui reflète l’une des institutions les plus médiocres qui puisse exister de par le monde. On a ôté au peuple le droit de protester, le droit de s’indigner, le droit d’exiger la vérité, des performances, de meilleures conditions de vie, ou du moins des conditions de vie qui reflètent les finances d’un pays producteur et exportateur de bois, de pétrole et de manganèse depuis plus de 50 ans. À l’heure où les images du jeune compatriote qui a choisi de s’immoler avec sa marchandise selon la police, et qui a été jeté au feu selon certains, défilent sur la toile, c’est triste de voir et de savoir à quel point la grande majorité du peuple gabonais vit de manière égocentrique, à quel point la misère des uns indiffère l’existence des autres.

À la tête de ce pays, règne un président dont l’illégalité n’est plus à démontrer. Ailleurs dans le monde, l’usage de faux document est un motif de destitution non-négociable, mais à Bongoland, c’est monnaie courante, on falsifie les actes de naissance, les permis de conduire, de construire, les actes de propriétés ; on falsifie les diplômes, les bulletins de note, les testaments ; on détourne les biens sociaux sans jamais être traduits en justice, alors pourquoi s’étonne-t-on encore que celui qui nous sert de Président de la République se soit porté candidat aux présidentielles 2009 avec un faux acte de naissance. Ce qui est frustrant c’est qu’il puisse l’avouer aux médias français sans en être inquiété.

Assis sur le trône, enrobé de mensonges éhontés, de sourires niais, de fausses promesses, d’insolentes hypocrisies, d’arrogance malsaine et de narcissisme pervers, le jeune roi excelle dans l’art de la manipulation. Son présumé géniteur avant lui, se désolait publiquement en voyant l’œuvre de sa vie, mais malgré son triste aveu d’échec et donc d’incompétence en matière de gestion, de promotion, de protection du patrimoine humain, économique et culturel, la misère au Gabon a atteint des proportions si alarmantes qu’il devient de plus en plus impossible de la camoufler sous les strass et les paillettes. Seigneur ! Des gens sont encore privés d’eau potable et d’électricité, des gens vivent dans des bicoques et défèquent dans des fausses communes, des femmes sont réduites à l’exhibition pour déclamer le racket de la police, des gens n’ont pas les moyens de se nourrir, des enfants sont privés d’une éducation à la hauteur des exigences du nouveau millénaire. Bref, le peuple est soumis a un régime arriéré et voleur depuis plus de 50 ans. Une seule famille, une seule, a corrompu 9 provinces, en façonnant des dignitaires à la grande gueule, aux ventres pleins, aux comptes bancaires garnis au point de négliger leurs villes et leurs villages pour avoir le privilège de faire partie de cette cour de grands ganaches égoïstes et heureux.

On peut avoir du mal à prouver que les dernières élections présidentielles ont été falsifiées, mais en ce qui concerne l’usage de faux… en définitive, on pourrait brandir son ADN aujourd’hui, prouvant que ni Omar Bongo, ni Joséphine Nkama ne sont les géniteurs de celui qui nous sert de président, que ceux qui bénéficient de certains privilèges trouveront le moyen de légitimer encore le resquilleur national. Le fait est qu’ils ont écrit et voté des lois qui protègent nos tyrans. Par exemple, au pays, aucun ministre ni président en fonction ne peut être traduit en justice pour ses crimes, même si une plainte en bonne et due forme est déposée à la Cour Suprême. C’est au gouvernement de donner le mandat aux députés pour la mise en place d’une sorte de commission spéciale en vue de traduire en justice nos bourreaux. Avec une Assemblée nationale majoritaire, le PDG est assuré que quelque soit les actes perpétrés par Ali et ses gens, quelques soient les preuves apportées contre eux, jamais ils ne comparaîtront tant qu’ils auront la main. À Bongoland, seul le pouvoir de l’argent dicte sa Loi, dicte la Foi, dicte le Droit et ne le destine qu’aux âmes bien nées ou bien adoptées.

On ne saurait attribuer à Ali, le fait que le Gabon se soit métamorphosé graduellement ou subitement en Bongoland, son prédécesseur a mis 42 ans pour asseoir sa dynastie à toutes les caisses de l’État. Pendant que le peuple souffre, que le peuple souffre vraiment, de cette souffrance qu’on isole, qu’on fait semblant de ne pas voir, de ne pas remarquer, de cette souffrance à laquelle l’œil du gabonais lambda semble s’être accoutumé. Taudis, inondations, érosions, vandales déguisés en policiers, monstres déguisés en humains, ces juges dont le cœur ne penche que vers les plus offrants ; ces milices de l’État, ces parodies institutionnalisées, ces actes manqués, ces arnaques effrontés, ces bavures, ces multiples injures à nos intelligences, ces œillères qui nous empêchent de voir à quels points nous sommes dénués et ces caches-oreilles qui nous défendent d’entendre les cris de nos mères, de nos pères, de nos frères, de nos sœurs et de nos enfants ; toutes ces souffrances, toutes nos souffrances se multiplient entre elles et procréent une déchéance à laquelle personne ne s’attend réellement, quand on voit les femmes se dénuder, les femmes emprisonnées, les jeunes sodomisés dans les prisons pour avoir réclamé des reformes universitaires, un jeune homme brûlé vif et qu’aucune cloche en nous ne sonne le glas de la désolation et de la protestation, il est vraiment temps de s’inquiéter.

Si seulement Ali avait réellement le droit de se représenter, on pourrait enfin écrire fièrement : Il était une fois, le Gabon. Mais au lieu de ça, on se contente d’écrire : Bienvenue à Bongoland !

 

 
GR
 

11 Commentaires

  1. Jean Gaspard Ntoutoume Ayi dit :

    Bravo! Bravo! Bravo!

    • imagine56 dit :

      Quel culot, mais quel culot

      ça c’est mon Ika , ma petite Ika,
      J-Gaspard, je vais faire comme toi
      et crier bravo bravo bravo

      Ika , OSSOU OSSOU et…contente de te retrouver, je t’ai cherché partout ,il a fallu qu’ j’aille sur le volet société pour te dénicher , enfin!

  2. le puant dit :

    Bonne analyse Mme IKA ROSIRA . Mais le fameux désaveu , l’impuissance du gabonais : ON VA ENCORE FAIRE COMMENT !? Nous gabonais n’avons pas encore compris que c’est à nous ,rien que nous meme pour se liberer .
    Pour y arriver une mobilisation de tous s’impose .Nous demandons à l’opposition et à la société civile de militer pour une candidature unique contre celui que la P D G présentera . Meme si ce dernier est transfuge du P D G . Un adage dit : il n’y a que celui qui a été à l’origine du probleme qui peut apporter la solution au problème .
    ALI BONGO n’est plus présidentiable , la planète entiere le sait.
    L’article 10 de la constitution de le dit clairement ; à cela s’ajoute le faut et usage de faut .

  3. mandjango 1er dit :

     » Une seule famille, une seule, a corrompu 9 provinces, en façonnant des dignitaires à la grande gueule, aux ventres pleins, aux comptes bancaires garnis au point de négliger leurs villes et leurs villages pour avoir le privilège de faire partie de cette cour de grands ganaches égoïstes et heureux. » Merci Ika, c’est ça même la triste réalité du bongoland!

  4. Fille dit :

    Bravo ! C’est très fort, très vrai et donne envie de pleurer. J’ai mal à mon Gabon. Merci pour cette bonne baffe qui devrait réveiller même les gabonais les zombisés.

  5. Meminitame. dit :

    Le mal Gabonais ?
    C’est tout de même triste de constater que :
    – Aujourd’hui au Gabon, pour réussir, il faut être Malien d’origine gabonaise, et non plus gabonais d’origine Malienne,
    – Béninois d’origine gabonaise, au même titre qu’un gabonais d’origine Béninoise.
    Paradoxalement un Gabonais d’origine Gabonaise, n’a plus droit de cité au Gabon.
    Gabonais, m’avez-vous seulement compris ? Il n’y a qu’au Bongoland que l’on peut voir cela.
    Malheureusement, le problème du Gabon, n’est plus le cas singulier de l’usurpateur biafrais, qui avec son petit sourire narquois, se croit au-dessus de Dieu !
    Le problème du Gabon aujourd’hui dans le Bongoland, devient celui des Gabonais eux-mêmes.
    Qui sont-ils ? Que veulent-ils ? Que recherchent-ils ? Sont-ils encore eux-mêmes?
    Pour ne citer que certains pays du continent Africain qui nous ont montré combien leur identité était importante et comment ils se battaient pour la conserver ou la revendiquer.
    Que fait le Gabonais ?
    Il se complaint dans sa situation d’ETRANGER dans son propre Pays.
    Comment qualifier un tel asservissement ?
    Je remarque juste, qu’il faut tout donner à l’homme Gabonais, pour quoi ?
    Parce que ce dernier ne manifeste aucun sursaut d’orgueil face à ce mal être qu’il vit au quotidien.
    Ce dernier a perdu tous ses repères fondamentaux.
    Ce dernier s’est éloigné de sa culture, de ses traditions, tout ce qui le rendait humain est devenu étranger.
    Pour se ressource, respirer, chercher la lumière, mieux vivre il faut aller à l’étranger.
    L’excellence jadis recherchée, laisse place aujourd’hui à la médiocrité, érigée en pouvoir et marque d’honorabilité et de respectabilité.
    Voilà la résultante de la vie dans le Bongoland.
    Le père adoptif qui longtemps pouvait faire d’un chien, non ! d’un Rat un ministre, et d’un intellectuel un Rat, pour devenir ministre, donc honorable personnage dans son royaume, n’avait-il pas dit : « lorsque j’ai créé le Gabon… ». Cette reconnaissance absolue du chef qui comme le dit si bien IKA je cite « Une seule famille, une seule, a corrompu 9 provinces, en façonnant des dignitaires à la grande gueule, aux ventres pleins, aux comptes bancaires garnis au point de négliger leurs villes et leurs villages pour avoir le privilège de faire partie de cette cour de grands ganaches égoïstes et heureux » Oui ! ma Sœur, je partage la même vision d’horreur que cette représentation continue de nous servir en refusant l’évidence même, de ce qui apparaît à nos yeux comme un génocide lent des populations Gabonaises asphyxiées de tous les côtés, par une horde d’étrangers, servilement accueillie chez nous.
    La collusion d’intérêts entre familles, entre individu vis-à-vis de l’état sensé être un état de droit. L’oncle s’opposant au beau-frère dont les neveux sont les enfants de la sœur, le grand père s’opposant au frère de la petite fille, la belle-mère ne pouvant destituer le demi-frère de ses enfants, ce cercle vicieux, qui veut paraître vertueux ne laissant au peuple, que le sentiment de mendicité conduisant aux actes de désolations que nous venons de vivre ces derniers jours.
    Voilà aussi la réalité du Bongoland.
    Nous trouverons encore des Gabonais sans fierté, pour venir répliquer, que tout est mieux dans le Bongoland avec leur champion né par césarienne d’une femme stérile de 15 ans, ayant eu un deuxième enfant 4 mois plus tard, dont un énième acte de naissance tout aussi fantaisiste, provenant de l’étranger viendrait à calmer l’incompréhension des Gabonais : circulez et laissez-nous reculer.
    Mon Dieu comment les déconditionner de cet état mental régressif avancé?
    Seigneur, faite quelque chose pour le Gabon et les Gabonais, si nous Gabonais, qui avons peur de Dieu, pouvions méditer ensemble ces paroles : « Seigneur ne laisse plus ces bêtes immondes, braver ton autorité, pour faire du Gabon, ce qu’ils sont entrains de faire… » Ajouter votre espérance pour votre pays en terminant par Amen.
    Avec foi et conviction, tous ceux qui ont peur de Dieu, comprendrons et recevront ce qu’ils attendent de leur prière.
    Tous ceux pour qui Dieu, n’est que le propres reflet de leur personnalité et de leur cupidité, verront ce qu’il adviendra d’eux.
    Je reste persuadé que le Bongoland redeviendra le Gabon resplendissant, avec des Gabonais heureux d’y vivre dans peu de temps.
    Merci IKA pour cette chronique pamphlétaire qui ne pouvait me laisser indifférent.

  6. lepositif dit :

    Ah ca!!! On peut difficilement faire mieux en matiere d’article partisan, c’est pas les ecrits d’une journaliste, mais d’une FERVENTE MILITANTE de l’opposition. Ika, je sais que vous allez me censurer comme d’hab’ mais au moins vous aurez lu mon point de vue. Vous ecrivez bien certes, mais c’est pas du journalisme ca.

    • Jazz dit :

      Parce que toi tu crois qu’au Gabon, il y a une majorité et une opposition. est ce que tu sais ce que veut dire majorité? quand quelqu’un se donne 41% pour prétendre diriger le pays, il n’est pas majoritaire. Ce pays compte des nantis et des pauvres, des cancres usurpateurs et des personnes capables laissées de côté, mais certainement pas de majorité au pouvoir.
      Ika Rosira retrace de manière limpide la situation du Gabon. Et même les cancres qui dirigent ce pays le savent.

      • lepositif dit :

        Jazz, commencez par respecter les bases les plus elementaires des bonnes manieres, on ne tutoie pas les gens dont on a aucune affinite (amicale ou parentale), j’ai du mal a echanger avec les gens qui manque de savoir-vivre. Desole. Adressez vous a moi, quand vous aurez assimile cette notion primaire de l’education.

  7. Yaali dit :

    Ika Tu as tout dit.Bongo land existe parce que nous n avons pas d hommes capables et courageux et qui pourraient agir de vrais hommes.
    En revanche, Le Gabon existe, il est peuple de femmes qui se battent et qui elevent nos petits lions.
    Une chose est sure: Ali Ben Ne sera plus president en 2016.
    Et vous les hommes du gain faut vous reveiller parce que Si vous Ne Le faites, C est nos femmes qui vont faire la revolution et porter Le pantalon

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