Agro-industrie: Déplorable déliquescence de l’Ozi-Moabi
Le cri de détresse des employés de l’Opération zonale intégrée (Ozi) de Moabi traduit la déliquescence de cette unité de production d’huile de palme, qui file droit vers une mort programmée.
L’histoire était belle, il y a une cinquantaine d’années. Tout semblait parti pour un réel développement de la région et pour l’épanouissement des populations, de nombreux riverains ayant trouvé un emploi dans cette huilerie de palme. Depuis 2010, la production d’huile de palme semble tributaire des seuls projets portés par Olam Gabon, dont une usine a démarré les activités en août dernier du côté d’Awala dans la région de Kango. Pendant ce temps, à l’autre bout du pays, à Moabi dans la province de la Nyanga, la détresse de plusieurs compatriotes se fait entendre. Là-bas, après la Coopération des palmiers de Moabi (Coopalmo) remplacée par AgroGabon, dont les actifs ont été repris par Olam en 2004, l’on s’inquiète pour l’avenir des employés de l’Opération zonale intégrée (Ozi) tant leurs conditions de vie sont loin d’être appréciables. En témoigne, le cri d’alerte récemment diffusé sur les ondes de Radio Gabon.
En effet, depuis sa création en vue de la production d’huile de palme rouge, la structure ne s’est jamais aussi mal portée. Hors d’usage depuis longtemps, l’Ozi-Moabi semble avoir totalement été oubliée par l’Etat, qui ne souhaite allouer aucun financement pour sa relance. Confié au Comité de privatisation, le dossier attend toujours un éventuel investisseur. «Ce projet était géré à l’époque par le ministère de l’Agriculture. C’est le Parlement qui, en 2005, a décidé de confier la structure au Comité de privatisation, pour une rationalisation des ressources et un plan de relance. Malheureusement depuis cette époque, le gouvernement n’a pas mis les moyens conséquents pour le relancer», fait savoir Félix Onkeya, avant d’ajouter : «Il n’y avait qu’un budget de fonctionnement de 100 millions de francs à l’époque, qui servait uniquement à payer les salaires et à entretenir la palmeraie. Quand j’ai pris mes fonctions, en novembre 2009, je me suis attelé à faire le tour de ces structures sous tutelle, et j’ai visité cette unité de production que j’ai trouvée tout à fait récupérable. Il fallait tout simplement investir une quinzaine de millions pour réhabiliter l’huilerie. Par contre, pour ce qui est du planting, on avait constaté à l’époque que les palmiers étaient arrivés à maturité. Or, la durée de vie économique d’un palmier est de 30 ans. Il fallait donc d’abord relancer l’huilerie et ensuite réaménager les sites en déboisant et plantant de nouveaux palmiers.»
A en croire le secrétaire général du Comité de privatisation, l’acte de décès de l’Ozi-Moabi a été signé par le gouvernement. «L’unique problème est budgétaire», lance-t-il. Pour lui, dès la prise en charge du dossier, «l’objectif était de générer des ressources propres, capables de soutenir les salaires de la structure». «Mais, regrette-t-il, sans ressources propres, en raison de l’arrêt de l’huilerie, on s’adossait désormais contre des inscriptions budgétaires, qui n’ont fait que décroître. On est parti de 100 millions à 80 millions puis une inscription de 59 millions de francs, qui n’ont jamais été décaissés, en raison de la lourdeur de la chaîne de dépense». Un nouvel exemple, s’il en fallait, que la majorité est loin d’avoir un regard holistique des choses.
5 Commentaires
Très difficile de mener un projet à bien au Gabon : aller comprendre pourquoi ?
Moabi fait partie de ce Gabon profond délaissé depuis des décennies par le pouvoir PDG. Et pourtant, le nouveau roitelet du coin était déjà un grand manitou de l’Assemblée Nationale, l’endroit où se prennent les décisions que l’exécutif met en musique,il a laissé la COPALMO de Mosso Edouard mourir. Quand l’huilerie de Moabi ferme, Moabi se meurt car il n’y a rien d’autre à l’état actuel des choses pour créer une activité économique dans le bourg. Peut être que la solution serait de confier, comme à son origine, cette palmeraie au Conseil Départemental. Ainsi le dernier aurait un challenge, celui de relancer cette huilerie et réhabiliter la palmeraie donc créer des emplois. Cela, avec quel argent? Le Conseil départemental associé au Conseil municipal pourrait emprunter auprès des banques publiques ou privées à partir d’un business plan. Ainsi nos collectivités locales qui ne servent à rien aujourd’hui pourraient commencer à redevenir les acteurs du développement qu’étaient leurs ancêtres les SIP et les SAP.
J’adhère totalement aux propos de Muru-Tab ci-dessus, dont je salue la sagacité.
Moabi, en G5, est une palmeraie naturelle qui se répand sur des centaines de kilomètres carrés. Sous le dôme des géants de la forêt que sont les TEVA, les MIGOMA et autres MIKUMI (okoumés), c’est par centaines à l’hectare que se comptent les palmiers à huile. Et la propagation n’est pas près de s’arrêter, puisque ce sont les perroquets, nombreux dans la contrée, qui s’en chargent.
Bien avant l’indépendance, le sociologue français, Georges BALANDIER, qui avait visité le poste administratif de Moabi, au vu du potentiel identifié, avait cru pouvoir dire que ce bout de territoire connaîtrait un développement économique appréciable, sur la base de la production d’huile de palme et de ses dérivés (savon, huile d’amende), et que ladite production serait en premier lieu le fait des populations locales elles-mêmes, qui en maîtrisent les techniques depuis la nuit des temps.
C’est sûrement sur la base de telles considérations que la Coopérative de la palmeraie de Moabi (COOPALMO) fut créée. Il s’agissait bien d’une coopérative fondée sur un partenariat entre les habitants, qui récoltaient les régimes de noix de palme dans leur village, et les pouvoirs publics qui se chargeaient de la transformation de cette matière première. C’était du gagnant-gagnant. Et cela impliquait la quasi-totalité de la population, plusieurs jours par semaine, en tant que récolteurs mais aussi en tant qu’employés à l’huilerie.
Puis vint le temps où la COOPALMO créa sa propre plantation, en introduisant notamment une variété réputée plus productive provenant vraisemblablement d’Asie du Sud-Est.Augmentèrent alors, de façon substantielle, le nombre d’employés à l’usine ainsi que la production.
Mais ce bon point eut en même temps pour inconvénient le délaissement graduel des récoltes villageoises, jusqu’à l’abandon total de cette source d’approvisionnement survenu au cours des années soixante.
Tandis que la COOPALMO prospérait, quelle n’a pas été la surprise des gens de cette partie du Gabon d’apprendre que c’est la région de Lambaréné (G3) qui avait été choisie par l’Etat pour le développement de la culture du palmier à huile de façon à porter sa production à un niveau industriel. Combien de cris ne s’étaient-ils alors élevés pour protester contre état de fait! Que de rancœur, que de suspicion! Il se susurre que c’est à partir de là que Valentin MIHINDU-MI-NZAMB a commencé à être taxé de rebelle. Surtout que, dans le même temps, le chantier forestier de Dusala en Duiny fermait ses portes pour migrer vers Lastoursville (G6)…
Voici donc AGROGABON créé à Lambaréné et à Makouké. C’est ainsi que, dans la mouvance des années fastes que cette entreprise a connues, l’OZI de Moabi a été lancée, avec succès. Jusqu’aux entrefaites dont l’article de Gabonreview se fait l’écho.
Ces rappels historiques ne sont pas superflus, pour l’intelligence de ce dossier.
Quant aux solutions requises, j’abonderais dans le même sens que Mourou Tabe ci-dessus, qui suggère de confier la structure ici considérée à un conglomérat constitué du Conseil départemental de la DUINY et du Conseil municipal de MOABI, sur la base d’un cahier des charges, d’un business plan, avec les possibilités de financement souhaitées par ce
compatriote.
Il va sans dire que ce sauvetage est nécessaire. Etant la seule unité productrice dans le département, sa mort finirait par y semer la catastrophe et l’anomie, au point de dépeupler toute la contrée et la désertifier complètement. Est-ce cela que souhaite le Gabon des BONGO-PDG?
Coquille: Lire « Lastoursville, en G7 ». Merci.