A la 6è année du mandat en cours : Paulette Mengue m’Owono entre hésitations, doutes et balbutiements
A l’image de la ministre de la Culture, des Arts et de l’Education civique, sur la matinale de Radio Gabon, le 13 novembre courant, le gouvernement est loin d’avoir compris la nécessité d’intégrer la culture comme un élément de l’économie et de l’identité gabonaise.
Quelle est la situation de la culture au Gabon, et quels sont les acquis enregistrés par votre département depuis 2009 ?
Avant de répondre à la question, un petit rappel s’impose : avant l’indépendance, la culture était considérée comme un patrimoine sectoriel identifiable à chaque groupe ethnique. Après, les autorités ont compris la nécessité de capitaliser cette immense culture à travers la création d’un ministère dédié, notamment avec le président Léon Mba qui crée la radio (Radio Gabon, ndlr), la première chaîne de télévision, et inaugure le Musée national des arts et des traditions. Cette dynamique fut prolongée par le président Omar Bongo Ondimba, avec la création, en 1975, du Centre national du cinéma et, en 1982, l’institutionnalisation du département de la culture, qui a connu des instabilités puisque rattaché à d’autres grandes entités telles que la Jeunesse et les Sports, l’Education nationale. Le ministère de la Culture, des Arts et de l’Education civique réapparaît depuis la composition du gouvernement en 2014. Mais malgré cette instabilité, il ressort toutefois que la culture occupe une place très importante dans la politique de l’émergence du président Ali Bongo Ondimba qui, dans son projet de société, «L’avenir en confiance», décline sa vision de la culture en disant : «Le développement du potentiel humain de notre pays suppose également qu’un appui conséquent soit accordé aux acteurs culturels, aux artistes et aux intellectuels, pour leur permettre d’exprimer pleinement leur art et leur savoir, tout en assurant une protection de leurs droits en tant qu’auteurs. Les industries culturelles seront donc encouragées à travers tout le pays et plusieurs infrastructures culturelles seront mises en place ou redynamisées, notamment le Ciciba (Centre international des civilisations bantu, ndlr), afin de mieux valoriser notre patrimoine national et notre riche histoire. L’apprentissage des langues sera encouragée.»
Ainsi, en tout temps, les plus hautes autorités de la République ont compris la nécessité de capitaliser cette immense richesse qu’est la culture gabonaise, issue de notre diversité.
Où en est-on concrètement avec la question relative aux droits d’auteur au Gabon ? Et existe-t-il deux Bureau gabonais des droits d’auteurs (Bugada) ?
Il n’y pas deux Bugada ! Il n’y en a qu’un seul ! Ce bureau a été créé, le secrétaire général a été nommé et est en place. Tous ses membres sont connus à ce jour. Nous n’attendions plus que la nomination du PCA (président du conseil d’administration, ndlr); ce qui a été fait hier soir (le 12 novembre 2015). Je m’en félicite d’ailleurs. Nous allons désormais rentrer dans la phase pratique de l’organisation même du travail, d’autant que c’est le PCA qui conduit cette mission.
Il n’y a toujours pas de salle de spectacle à Libreville, excepté celle de l’Institut français du Gabon. Or, le musée national, désormais très exigu, date des années 1960. Et en tout, le pays ne compte qu’une seule salle de cinéma officielle. Qu’entend faire votre département pour venir à bout de l’ennui des Gabonais ?
Lorsque nous avons pris nos services au ministère, nous nous sommes rendu compte que nous avions une salle, mais celle-ci est en mauvais état. Il fallait d’abord la nettoyer, parce qu’elle était presqu’une poubelle. Aujourd’hui, avec les artistes que j’ai convoqués pour leur montrer la salle, nous réfléchissons à son aménagement. C’est une belle salle, qui pourrait accueillir jusqu’à 500 personnes voire plus.
Vous l’avez connue plus belle cette salle à l’époque ?
Bien sûr ! Quand nous étions plus jeunes et que les chefs d’établissements ne voulaient pas qu’on aille en en boîte (de nuit), cette salle nous servait à organiser des (soirées) spéciales jeunes. On y dansait de 14 à 18 heures. C’est donc une belle salle qui ne demande pas autant de travail mais il est nécessaire de la réhabiliter, parce qu’on n’a que ça. Elle permettra notamment aux artistes de se produire et de créer. Effectivement, le Gabonais s’ennuie. Je pense d’ailleurs que c’est pour cette raison que tout le monde parle de politique, parce qu’il n’y a certainement rien d’autre à faire.
Pourquoi la fête de la culture n’est-elle plus célébrée dans le pays ?
Il s’agit là, d’une préoccupation partagée. Mais toute activité doit être encadrée par un texte pour permettre sa pérennité. Actuellement, nous nous attelons à voir dans quelle mesure pérenniser cette fête.
Elle ne reposait donc sur aucun texte durant ces années ?
Que je sache, non. C’était l’idée d’une personne. Une bonne idée d’ailleurs, par le biais de laquelle chacun trouvait son compte. J’espère, je pense que nous allons la reprendre.
Parlez-vous votre langue maternelle à vos enfants ?
Oui.
Votre ministère entend-il intégrer l’apprentissage des langues maternelles dans les programmes scolaires de tous les établissements du pays, ainsi que le font certains, à l’instar du collège Immaculée Conception de Libreville ?
Il est vrai que certains établissements le font déjà, mais faut trouver des professeurs. Il y a une étude qui est en cours, avec la collaboration du ministère de l’Education nationale.
Sur la formation : l’Ecole nationale d’arts et manufacture (Enam) est aujourd’hui l’Institut d’arts et des métiers. Qu’est-ce qui va réellement changer ?
Je vous dirai la vérité : nous mettons souvent la charrue avant les bœufs. L’Enam est une école. A mon entendement, on y va quand on a déjà une âme d’artiste, donc des prédispositions. Maintenant, on en a fait un institut. Et c’est de cette façon qu’on se retrouve avec 1 124 fonctionnaires passés par l’Enam, plutôt que de devenir des opérateurs culturels. Toutefois, en partenariat avec les ministères chargés de la formation professionnelle, de l’Enseignement supérieur et de l’Education nationale, nous réfléchissons sur le texte.
Que fait votre département en matière d’éducation civique ?
Je tiens déjà à remercier le ministre de la Communication pour sa prise de contact avec notre ministère, en vue des campagnes de sensibilisation que nous initierons ensemble. Pour ce faire, les artistes ont été contactés pour leur appui.
La Journée nationale du drapeau initiée il y a quelques années connaît un certain fléchissement au niveau des populations…
Cette journée est importante, mais malheureusement, elle fait face au comportement de certains individus. Il faut donc sensibiliser.
Quid de la nomination de François Owono-Nguema comme PCA du Bugada, et quel message porter à l’endroit des artistes après cette nomination ?
François Owono-Nguema est un grand homme de la culture, qui a été trois fois ministre en charge de ce secteur. Je me réjouis donc que ce soit lui. Mais s’agissant des droits d’auteur et droits voisins, on va dans tous les sens lorsqu’on en parle. Ces droits sont régis par des textes. Il faut les lire pour savoir qui est éligible. Il ne s’agit simplement pas d’avoir créé une œuvre une certaine année pour prétendre en bénéficier.
Un mot pour la fin ?
Nous travaillons sur plusieurs axes : l’identité, la diversité culturelle et la préservation, la mise valeur du patrimoine, l’aide à la création et à la diffusion. Nous travaillons également sur les acteurs de la politique culturelle, dont les ministères de la communication, les collectivités locales, la société civile et les secteurs privés; tout comme les instrument de cette politique, avec la législation. A cet effet, le conseil des ministres du 12 novembre 2015 a adopté quatre décrets importants : la réorganisation des services centraux, puis que le ministère étant devenu autonome, il s’agit désormais de créer trois grandes directions générales, à savoir : la direction générale de l’Education civique et de l’Alphabétisation, la direction générale du Patrimoine culturelle et la direction générale des Arts et des Industries culturelles, parce qu’il y en a au Gabon.
Source : interview réalisée par Hass Nziengui et Kennie Kanga pour Radio Gabon
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