Impayés de salaires à Pizolub : 3 raisons fondamentales et une dette de 9 milliards
A la Société Pizo de formulation de lubrifiants (Pizolub) où le feu couve du fait de trois mois d’arriérés de salaires, des sources proches du dossier pointent trois facteurs à l’origine de la crise au sein de cette entreprise à l’agonie depuis une dizaine d’années : la saisie totale des comptes de l’entreprise, la baisse des activités des entreprises qui consommaient les huiles, et surtout le non-respect des engagements du gouvernement vis-à-vis de l’entreprise dont il est l’actionnaire majoritaire.
A la Société pizo de formulation de lubrifiants (Pizolub) où les employés accusent 3 mois d’arriérés de salaire (mai, juin et juillet 2020), l’Organisation nationale des employés du pétrole (Onep) a déposé un préavis de grève auprès de la direction générale. Si des sources proches de dossier assurent que des négociations ont été entamées afin de décanter la situation, elles soulignent que 3 facteurs sont à l’origine desdits impayés.
Le premier facteur est la saisie des comptes liée à une dette de 2017. Orabank avait mis à la disposition de Pizolub un montant de 1 milliard 300 millions de francs CFA et qui 3 ans après, n’a pas été totalement soldé. Responsable du passif et de l’actif de l’entreprise qu’il dirige depuis mars 2019, l’actuel directeur général de Pizolub assume cette situation qui, selon des sources concordantes, vient de se dénouer par un protocole transactionnel qui permettra une main levée de cette saisie «dans les tous prochains jours». Le deuxième facteur, indiquent les mêmes sources, est la baisse des activités consécutive au coronavirus avec à la clé, la perte des commandes des entreprises qui consommaient les huiles. La situation a entrainé une très faible mobilisation de fonds conséquent pour le bon fonctionnement de l’entreprise.
Du reste, Pizolub en cette période de crise sanitaire, s’est tournée vers le fonds d’aide aux entreprises annoncé par le président Ali Bongo, censé être doté de 225 milliards de francs CFA. Cependant, jusqu’à ce jour, pour des raisons que seul le gouvernement pourrait décliner, l’entreprise n’a reçu aucun kopeck après avoir sollicité ladite aide. «La vérité c’est que les retards de salaire sont surtout dus au fait que l’entreprise est à l’agonie depuis 10 ans. Quand le nouveau DG arrive en mars, l’entreprise est déjà endettée de 9 milliards et il n’y a que 700 millions de disponible. Il se bat comme il peut sauf que le Coronavirus n’a pas arrangé les choses», fait savoir une source proche du dossier.
9 milliards de dette et le rôle de l’État pointé du doigt
Pizolub traîne donc une dette de 9 milliards de francs CFA. L’accumulation, depuis près d’une décennie, de déficits consécutifs a d’avantage grevé les comptes de l’entreprise entrainant ainsi, un déséquilibre financier, conséquence de fonds propres négatifs ; un endettement bancaire devenu litigieux faute de remboursement notamment le cas d’Orabank ; des dettes fournisseurs abyssales, conduisant fréquemment à la saisie des comptes de la société ; une insuffisance de fonds de roulements empêchant le renouvèlement des matières premières et le paiement des charges courantes de fonctionnement de l’entreprise à l’instar des salaires. Mais aussi, la perte totale de la confiance des fournisseurs stratégiques.
Après sa prise fonction le 15 mars 2019, Guy-Christian Mavioga a commis un diagnostic ayant révélé, entre autres, que les difficultés de la Société étaient accentuées par des performances économiques et financières négatives et en baisse continue ; une insuffisance organisationnelle ; une pression fiscale et douanière importante ; une concurrence déloyale provoquée par les importations sans limites par des entreprises bénéficiant d’exonérations ou de taux de douane réduits au détriment de la sauvegarde de la production et de la consommation locales «bien qu’étant de qualité». Après ce diagnostic, un business plan pour relancer les activités de Pizolub SA a été établi et présenté dès avril 2019. Mais sa mise en œuvre peine à être effective en raison des difficultés à la fois endogènes et exogènes.
Aujourd’hui, pour relancer l’entreprise, estiment certains observateurs, la solution c’est que le gouvernement en sa double qualité de puissance publique et actionnaire majoritaire de Pizolub SA soulage les peines des employés en honorant ses engagements. «Nous espérons que dans les jours qui suivent, ce gouvernement qui est responsable prenne ses responsabilités», souhaitent des sources proches du dossier qui assurent que la direction générale met tout en œuvre pour résoudre ce problème de salaire avec l’aide de l’État.
Pour rappel, Pizolub SA est la propriété de l’Etat gabonais à 52,83%, en partenariat avec Vivo Energy Gabon (ex Engen Gabon) à 28,15% ; Total Gabon (représenté par Total Marketing Gabon) à 10,28% et Ola Energy Gabon (ex Oilibya Gabon) à 8,72%.
3 Commentaires
Le DG PONO avait un projet d’entreprise.
Bonjour! Ma question est de savoir; voilà le quatrième mois. Est-ce que ils auront la totalité de leurs salaires? C’est bien beau tout ce brouhaha….
Pour être totalement exhaustif, il conviendrait de rajouter au minimum 2 autres raisons. Tout d’abord du côté du management et de la gouvernance de ce « fleuron » de l’économie gabonaise. On ne tire pas sur une ambulance, mais à certains égards, le DG actuel (« celui qui se bat comme il peut ») pourrait tout à fait être considéré comme un pompier pyromane. Qu’on ne s’y méprenne pas. Il ne s’agit pas là d’une attaque ad hominem, nous n’avons rien contre le DG qui au demeurant nous paraît plutôt sympathique voire même cocasse. Cependant, au delà des actions de communication menées dans les médias et à Port-Gentil depuis sa nomination à la tête de ce « fleuron », quelles sont les sont mesures clés prises pour restructurer l’entreprise dont les difficultés ne sont pas nouvelles, mais qui ont certainement accentuées par des causes endogènes et exogènes comme l’indique l’article? Par ailleurs, un audit de l’entreprise a-t-il été effectué, à quand date la dernière certification des comptes? Autant de questions auxquelles les administrateurs de cette belle entreprise qui dispose d’un savoir-faire et d’un personnel qui ne demande qu’à faire ce que qu’ils n’auraient jamais cessé de faire: fabriquer et vendre des huiles. La deuxième raison est le mélange des genres. Le cas de Pizolub est nous semble-t-il l’exemple-type de ce qu’il conviendrait d’éviter, les mêmes causes produisant les mêmes effets. Rien n’empêche un dirigeant d’entreprise de faire de la politique ou d’être encarté dans un parti, mais « le » politique ne doit pas être le moteur au sein d’une entreprise industrielle. Ceci étant dit, aujourd’hui la seule chose qui compte c’est que cette entreprise puisse être sauvée, mais pour cela, il faut une stratégie, et une vision, et beaucoup de courage, autant de chose qui pour l’heure tardent à se dessiner. Mais ne désespérons pas, et comptons sur le génie gabonais. Il est important que les arriérés de salaires, soient régularisés, mais cela ne suffira pas si l’objectif est vraiment de sauver ce « fleuron » de l’économie. Des décisions fortes sont attendues. Courage!