Alafia wincovid-19 : Une application stratégique pour la traque des cas à risque
DigiitaLink, une start-up évoluant dans le domaine du développement d’applications web et mobile propose une solution innovante dans la lutte contre le Covid-19. Son application « Alafia wincovid-19 est un outil d’aide à la décision pour la détection des cas à risque grâce à l’intelligence artificielle intégrée par les concepteurs. Alafia a été retenu parmi les 3 meilleurs projets africains lors du récent appel d’offres lancé par Smart Africa, un organisme de l’Union africaine dont la mission est de promouvoir les projets à caractère numérique pour le développement socio-économique du continent. Le promoteur de DigiitaLink, Koumadi K. Enuayi, présente dans cette interview accordée à Gabonreview, les contours de cette solution et souhaite que les autorités sanitaires gabonaises intègrent cette application dans la gestion du Covid-19 au Gabon.
Gabonreview : Vous avez développé une application pour lutter contre le Covid-19. D’où vous est venue cette idée ?
Koumadi K. Enuayi : Il y a près de 2 mois, un frère dont je tairai d’abord le nom, m’a appelé pour me demander si je ne pouvais pas travailler sur une solution numérique à même de contribuer à cette lutte collective contre le Covid-19 dans notre pays et c’est ainsi que l’idée a vu le jour. Le projet a fait son petit bonhomme de chemin et nous avons mobilisé des compétences un peu partout dans le monde pour une réaction prompte et efficace parce que le temps était très court et les gens ne faisaient que mourir. C’était d’abord très compliqué en Europe puis après aux États-Unis où la pandémie s’est rapidement répandue en quelques jours seulement, épargnant partiellement jusque-là l’Afrique.
En quoi consiste concrètement cette solution dénommée Alafia ?
C’est une solution qui techniquement a deux interfaces : il y a le front office, ce que l’utilisateur lambda voit, et le back office. Le front office permet à l’utilisateur de créer un compte à partir duquel il donnera des renseignements sur son état de santé. Ce compte, il le crée de façon très simple et anonyme en donnant des informations sur ses antécédents cliniques en plus de son numéro de téléphone. Afin d’éviter d’exposer des informations personnelles sur les utilisateurs, parce qu’il s’agit là des données de santé publique, il est très important de respecter la confidentialité des données recueillies en respectant les droits de nos concitoyens que nous cherchons justement à sauver du Covid-19. Alors dès qu’il se connecte, il renseigne les questions rhétoriques en répondant par oui ou par non aux symptômes connus du Covid-19. Chaque jour, dans le menu : « informations de santé », l’utilisateur donne des informations sur les symptômes qu’il ressent. Ces informations sont envoyées à la base de données pour permettre derrière, aux autorités sanitaires de les gérer et les traiter. Nous n’avons pas jugé utile de permettre à l’utilisateur lui-même de connaître son état d’infection directement depuis son Dashboard pour éviter des psychoses inutiles dans la population comme c’est d’ailleurs le cas dans certains pays où des solutions similaires sont déjà déployées.
Cette prérogative est donc laissée aux autorités sanitaires qui depuis l’administration, peuvent détecter via géolocalisation et ceci par rapport aux informations envoyées via des numéros de téléphones connectés à l’application, les cas dits à risque. Les autorités sanitaires peuvent ainsi via triangulation du numéro de téléphone détecté comme étant à risque, aller chercher l’individu derrière ce numéro à risque, le ramener dans les conditions cliniques propices à un dépistage ainsi qu’à une prise en charge si le test clinique se confirmait, puisqu’il ne s’agissait jusque-là que de données mathématiques non confirmées. Des cas pouvant s’avérer négatifs bien qu’ayant été détectés par l’algorithme d’Alafia. Si c’est une fausse alerte, l’utilisateur pourra tranquillement rentrer chez lui. Cela constituera néanmoins des données précises et répertoriées pour l’autorité sanitaire qui pourra alors se concentrer sur une autre cible de cas à risque.
Finalement un outil d’aide à la décision par la prédiction des cas à risque grâce à l’intelligence artificielle…
C’est exact. Nous avons en effet grâce à une intelligence artificielle qui est derrière notre application, et sur la base des données publiées par l’OMS récemment, la possibilité de détecter les personnes à risque suite aux données envoyées par le système avec une très petite marge d’erreur. L’application détecte des informations qui permettent de déterminer les cas à risque en listant clairement les numéros de téléphone des personnes qui pourraient être à risque. Avec ces données, l’autorité sanitaire peut aller vers ces personnes pour pouvoir les dépister. Puisque les kits des tests se font rares, ce serait une opportunité pour nos États de les utiliser plutôt sur des personnes supposées déjà à risque. Mais plus encore, une fois que les personnes sont détectées et que les cas sont confirmés, il y a le système de suivi qui rentre en jeu aussi bien pour ces personnes déclarées infectées que pour les personnes qui ont été dans leur environnement immédiat. Aussi, une fois que les personnes à risque sortent de la structure sanitaire, il demeure possible de les suivre elles-mêmes ainsi que leurs proches afin de limiter tout risque de contamination. C’est à cela que sert cette application et notre souhait en tant que résident au Gabon, est de contribuer à cette lutte collective aux cotés de l’État qui ne ménage aucun effort pour sécuriser les populations que ce soit dans leur prise en charge ou à travers des aides alimentaires qu’il ne cessent de faire partout dans le Gabon en cette période difficile.
C’est d’ailleurs le lieu de les féliciter pour les décisions courageuses qu’ils ne cessent de prendre depuis le début de la crise afin de protéger les populations gabonaises contre la crise du Covid-19. Mais on n’a pas forcément besoin que ça vienne d’ailleurs. Je le dis en toute modestie et humilité, que si notre application a été retenue parmi les 3 meilleurs projets sur le plan africain, c’est qu’elle a quand même du potentiel et donc peut servir d’un début de solution pour le Gabon que nous aimons tous, «la recherche ou encore l’innovation n’ayant pas de couleur» pour paraphraser Cheick Anta Diop.
Comment Smart Africa a su pour votre application ?
Alafia est un projet que nous avons initié sur un coup de tête. Mais chemin faisant, nous avons appris par le biais de leur compte Twitter il y a à peine quelques semaines, que Smart Africa, lançait un appel d’offres durant la même période en riposte contre le Covid-19. Cet appel à soumission était ouvert aux start-ups, entreprises privées et parapubliques et aux associations africaines. Étant déjà un peu avancé dans notre développement, nous avons souscrit et je suis heureux de vous annoncer qu’il y a quelques jours nous avons été informés que nous faisons partie des 3 meilleurs projets sur le plan panafricain. Nous attendons les conclusions du jury pour savoir exactement où nous en sommes. Mais qu’à cela ne tienne, nous sommes fiers du travail que nous avons abattu parce que ce sont les start-ups gabonaises et le Gabon qui gagnent. C’est pour nous un grand honneur de représenter le Gabon à ce niveau d’un challenge continental.
Les autorités gabonaises ont-elles pris connaissance de votre projet ? Si oui, y-a-t-il un retour ?
Oui et non. Elles n’ont pas encore pris connaissance de ce projet mais ce n’est pas faute d’avoir essayé. Nous avons déposé une demande d’audience conformément au protocole administratif auprès du ministère de la Santé mais jusqu’à présent nous n’avons pas de retour. Nous estimons que c’est un ministère qui est très chargé actuellement à cause du Covid-19 et il se pourrait que le courrier ne soit pas encore parvenu jusqu’à l’autorité compétente. Aussi, étant en confinement total du Grand Libreville, nous avons dû, par personnes interposées, n’ayant pas la possibilité de nous déplacer en cette période, faire en sorte que la documentation en appui de cette application arrive à certains responsables du Copil. Mais nous ignorons sincèrement si c’est effectivement parvenu jusqu’à eux. Une chose est certaine, ce sont d’abord des médecins pour la plupart donc des personnes dévouées à cette lutte contre le Covid-19, et nous pensons qu’il n’y a pas de raisons qu’ils soient restés inattentifs à cette possibilité de limiter les dégâts si jamais l’information sur Alafia leur était parvenue.
Avez-vous déjà une idée de la date de lancement de cette application ?
Notre application est aujourd’hui à 90% prête. C’est une application de santé publique qui requiert de gros processeurs pour les serveurs donc qui coûtent très chers. C’est des serveurs que nous avons d’abord mis en off afin de limiter leurs frais de location sur le cloud. Toutes les expériences que nous devions faire ont été déjà faites. Nous attendons juste que les autorités sanitaires du Gabon puissent comprendre et prendre cette solution et même l’améliorer pourquoi pas, parce que nous ne sommes pas du corps médical. Nous avons juste émis des idées de solutions à travers notre système et ce serait bien qu’ensemble nous puissions travailler à l’amélioration de Alafia pour le bien de tous les Gabonais ici et tout de suite, parce qu’apparemment le virus est loin de disparaitre.
En dehors de cela, il faudra peut-être que les autorités nous mettent en contact avec un opérateur de téléphonie mobile parce que nous n’avons pas seulement pensé qu’à une application mobile qui serait d’ailleurs peut-être inaccessible à certaines couches sociales de la population, soit parce qu’ils sont économiquement faibles, soit parce qu’ils habitent des régions où la connexion internet est rare ou instable. Donc, nous avons pensé à une technologie appelée USSD. Un exemple de technologie utilisée par Airtel money et Mobicash pour envoyer et recevoir de l’argent, avant qu’ils ne développent leurs différentes applications mobiles. Nous avons donc pensé à tout le monde. Ceux des régions reculées ne disposant pas forcément de téléphones intelligents. Aujourd’hui si nous avons le top des autorités, ça nous prendra au maximum 10 jours pour son implémentation et couvrir tout le pays.
Alafia wincovid-19 s’intéressera-t-elle à d’autres pathologies ?
Notre objectif c’est d’aller au-delà de cette maladie parce que nous avons foi qu’avec des applications du genre nous pouvons vaincre certaines maladies. Et, Alafia wincovid-19 est une solution de santé publique qui pourra aider les autorités sanitaires à avoir des données numériques concernant l’état de santé des populations. C’est une application qui pourra leur permettre grâce aux grandes campagnes sanitaires, de récolter de vraies données. Des données fiables collectées qu’on pourra mettre à disposition des autorités sanitaires ou de l’OMS s’il le faut.
Avez-vous quelque chose à ajouter ?
Il y a un adage Africain qui dit qu’on a tendance à minimiser le guérisseur du village mais suffise qu’on fasse appel à un autre venu d’une autre contrée, tout le monde accourt. Je souhaiterai qu’on commence par penser autrement en Afrique parce que nos amis, nos parents et nos États ont le devoir de valoriser nos talents tout en mettant en avant les efforts que nous faisons. Pour finir je voudrais remercier de prime abord ma femme qui m’a soutenu pendant toute cette période de travail acharné où il a fallu souvent veiller pour bosser des nuits durant, mon frère Arnold Jean-Marie Ntoutoume de qui l’idée est née et de mon petit-frère Carl Massala graphiste web designer qui a dessiné de bout en bout tout le prototype de l’application.
1 Commentaire
Excellente initiative!
La balle est dans le camp des décideurs, j’espère qu’ils auront assez de discernement pour voir en quoi cette application pourrait leur être utile…