Affectation des avoirs criminels : Les députés français proposent un dispositif spécifique
Les réflexions sur le recouvrement des avoirs volés dans les pays en développement, saisis en France vont bon train. Après l’adoption en mai 2019 de la proposition de loi relative à l’affectation de ces avoirs issus de la corruption transnationale, l’heure est à la recherche de mécanismes spécifiques pour la restitution aux populations spoliées le produit de la confiscation.
Les députés français proposent un dispositif spécifique pour l’affectation des avoirs criminels. © D.R.
Les députés Laurent Saint-Martin (La République en marche) et Jean-Luc Warsmann (UDI, Agir et indépendants) ont transmis, le 26 novembre, à la Garde des Sceaux, Nicole Belloubet, le rapport sur l’identification, la confiscation et l’affectation des avoirs issus de la corruption transnationale. Les conclusions de celui-ci préconisent la mise en place d’un dispositif spécifique de restitution des biens mal acquis aux populations des pays d’origine, et la mise à contribution de l’Agence française de développement (AFD). La façon dont les représentants des sociétés civiles locales pourraient être associés au choix des projets de développement reste en revanche floue.
En effet, dans ce rapport, faisant suite à l’adoption par le Sénat français de la proposition de loi sur l’affectation des avoirs issus de la corruption internationale déposée par le sénateur Jean-Pierre Sueur (PS), les deux parlementaires suggèrent qu’une fois le délit sanctionné par la justice, le ministère des Affaires étrangères prenne le relais pour conclure un accord de restitution avec l’État du pays dont les fonds ont été détournés. L’Agence française de développement aurait en charge sa mise en œuvre, en proposant un «bouquet de projets adaptés, au plus près des populations, dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’accès à l’eau… »
Cette action devra impliquer la création d’une ligne spécifique au sein du budget de l’État et dans les opérations de l’AFD, qui devra rendre compte chaque année de l’utilisation des fonds reçus de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc).
Cependant, dans les pays où l’AFD ne serait pas implantée, il serait possible selon les avis des deux députés, de se tourner vers d’autres institutions de développement comme la Banque mondiale. L’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués serait le troisième pilier de cette cellule spéciale sur les « biens mal acquis ». Cet établissement public aura pour mission d’exécuter les saisies des avoirs ou des biens ordonnées par la justice.
«Il s’agit de faire du sur-mesure et ce sera au Quai d’Orsay de se montrer inventif pour trouver, au cas par cas, des solutions diplomatiques qui permettent à l’État d’origine de rester dans la boucle», explique Laurent Saint-Martin, tout en reconnaissant que dans certains cas, cela pourrait s’avérer complexe voire impossible. Or, pointent les rapporteurs, il arrive que «le maintien au pouvoir des dirigeants mis en cause ou leur proximité avec les instances gouvernantes entrave la capacité ou la volonté de l’État d’engager cette démarche».
Seule affaire à ce jour à avoir fait l’objet d’un procès demeure celle du fils du président de la Guinée équatoriale, Teodoro Nguema Obiang, lui-même vice-président du pays. Il est le premier haut dirigeant étranger en exercice à être condamné en France pour des faits de blanchiment, notamment de corruption. Il a été condamné à trois ans de prison avec sursis, 30 millions d’euros d’amende avec sursis et ses biens saisis en France estimés à plus de 150 millions d’euros sont confisqués. Le procès en appel débutera le 9 décembre.
Les enquêtes concernant le chef de l’État congolais Denis Sassou Nguesso et l’ancien président gabonais Omar Bongo, visés dans la plainte déposée en 2008, sont toujours en cours. Concernant le Gabon, des perquisitions ont été menées en janvier dernier dans des appartements parisiens de la famille présidentielle et certains héritiers d’Omar Bongo ont récemment reçu une convocation du juge. L’instruction pourrait être close l’an prochain, précisent des sources proches du dossier.
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