Connu pour son roman « Au Bout du silence » (1993), l’écrivain gabonais Laurent Owondo est décédé, le 10 juin à Libreville, à l’Hôpital d’instruction des armées Omar Bongo Ondimba, communément appelé hôpital militaire. Dramaturge, comédien, metteur en scène, il est à ce jour l’écrivain Gabonais le plus commenté et enseigné à l’étranger.

Laurent Owondo de son vivant. © Babelio

 

La littérature gabonaise vient de perdre l’un de ses plus éminents représentants en la personne de Laurent Owondo, écrivain, metteur en scène et comédien qui s’est éteint le 10 juin en fin de journée dans sa 71ème année… d’un cancer de la prostate, selon des sources dignes de foi.

Angliciste

Laurent Owondo. © Roland Duboze/Imunga Ivanga

Il est né le 14 juillet 1948. Son père Olivier Ambayé était un illustre chef de la communauté Mpongwé et sa mère Christine Sophie Poyayé, une descendante de l’Oga Ré-Dowé [comprendre Roi ou Chef Ré-Dowé]. Laurent Owondo avait cette noblesse qui coulait en lui, comme un homme digne et sensible qui s’était adonné très tôt à la littérature. En effet, sa première pièce de théâtre « Les Impurs » est écrite et jouée en 1969, alors qu’il n’est encore qu’au lycée. Jouée et ovationnée au Centre culturel français de l’époque, « Les Impurs » porte déjà l’empreinte de son univers, où la tradition, mal perçue, est pratiquée par une société n’ayant plus de repères. La même année, il obtient son bac. Il s’envole pour la France d’où il reviendra bardé d’un doctorat en littérature américaine obtenu à la Sorbonne. Après avoir été professeur assistant à Meseley Art School, Birmingham (Grande Bretagne), puis à Hamilton College, New York (USA), il enseignera la littérature et la civilisation américaine au département d’anglais à l’Université Omar Bongo, à partir de 1980.

Laurent Owondo est avant tout un metteur en scène. Il montera plusieurs pièces de théâtre avec sa troupe Le théâtre de la Rencontre. Il considérait qu’une pièce écrite devait être montée pour exister. Sans cela, l’on ne peut parler de théâtre. Il est amené à diriger un moment le Théâtre national du Gabon. Il rédige et monte entretemps une pièce de théâtre, « La Folle du Gouverneur » (Ed. Lansman, 1990).

Une conscience de la scène

© Espace Culturel/Babelio

« La Folle du Gouverneur » reçut un vif succès et fit la fierté du Gabon au septième Festival international des Francophonies tenu à Limoges du 28 septembre au 13 octobre 1990. Elle figure parmi les 50 meilleures pièces africaines.

Laurent Owondo pensait qu’il fallait recréer une conscience de la scène en tant que lieu où l’on écrit, où l’on parle. La préoccupation essentielle demeure toujours celle du lieu. Le lieu, la cour, la scène pas forcément du point de vue occidental aidera au renouvellement du théâtre gabonais qui manque de théâtralité. Son unique roman « Au bout du silence » paru  chez Hatier en 1985, est devenu un classique africain traduit dans de nombreuses langues. Primé par la Fondation Léopold Sédar Senghor, il s’agit certainement de l’une des œuvres africaines les plus commentées et enseignées, selon Magloire Ambourhouet-Bigmann, écrivain lui aussi et enseignant de littérature africaine à l’Université Omar Bongo de Libreville.

Amené à parler de l’artiste fraichement disparu, Magloire Ambourhouet-Bigmann rappelle que Laurent Owondo fréquentait énormément le monde culturel, notamment à Paris où il avait étudié. «Il était quelqu’un d’affable, d’ouvert, qui devait peut-être même déranger parce qu’il ne pensait pas toujours comme tout le monde.» Nombreux se souviennent par ailleurs de sa vaste culture, de son humour et de ce que, s’il laisse une fille, il n’avait pas moins une orientation sexuelle controversée qu’il assumait au point de ne pas être ignorée de tous ceux qui l’ont connu.

«Voir aujourd’hui avec les yeux d’hier»

Au sujet de « Au Bout du silence« , Magloire Ambourhouet-Bigmann, pris de court, estime qu’un écrivain n’écrit vraiment qu’une seule œuvre, «parce qu’il est habité par une ou deux choses, pas plus. Quand vous voyez « La Folle du Gouverneur », il y a, vers la fin de l’ouvrage, ce propos de quelqu’un qui colle bien à celui du jeune Anka dans « Au Bout du silence ». Il dit : «je voudrais voir aujourd’hui avec les yeux d’hier.» Cette préoccupation se retrouve dans toute l’œuvre d’Owondo. Ce livre est d’une densité incroyable. Il va dans toutes les directions tout en donnant l’impression qu’il n’y en a aucune et chacun y prend ce qu’il peut comme clé pour entrevoir demain

Laurent Owondo est aussi l’un des scénaristes de la série télévisuelle produit par le Centre National du Cinéma, devenu célèbre : « L’Auberge du salut« .  Il faut lui ajouter ses prestations de comédien dans « Go zamb’olowi » (Au bout du fleuve) et « L’Ombre de Liberty« , deux films de Imunga Ivanga. Dread Pol Mouketa, artiste multimédia et réalisateur du film « Raphia » se souvient avoir travaillé avec lui sur le scénario de son film, à l’origine long métrage, qu’il fallait ramener au format court-métrage.

Laurent Owondo avait des rêves qui n’en finissaient pas. Il achevait la construction d’une résidence logée dans la mangrove pour accueillir les artistes, et voulait ériger un grand théâtre sur ses terres de La Lowé. Il ne verra pas sa dernière œuvre entièrement écrite et qui n’attend plus qu’un metteur en scène pour la monter, peut-être Dominique Douma, ou Michel Ndaot. Rideau !

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Avec l’aimable et importante collaboration de Imunga Ivanga

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GR
 

4 Commentaires

  1. WALI WALI CHRISTIAN dit :

    Partager

  2. Association "Les Ngombistes" dit :

    EXCELLENT HOMMAGE !!!!!!!!

  3. Richard Decas dit :

    Le hasard de la vie m’a conduit à jouer la comédie au Gabon.
    Dans le court métrage « Dialemi » de Nadine Otsobogo-Boucher, primé au Fespaco, j’ai ainsi eu l’honneur de donner la réplique à Laurent Owondo.
    Je garde de ce contact toute la profondeur d’un personnage hors du commun dans tous les domaines. Angliciste, tout comme lui, j’ai pu apprécier son érudition mise au service des étudiants de l’UOB. Dans son rôle de sculpteur en recherche d’une muse inspiratrice, il reflétait toute la sensibilité de son être en proie aux pulsions qu’il vivait avec une intensité parfaitement maîtrisée.
    Artiste dans tous les sens du terme et dans tous les domaines, il aura contribué à alimenter mon attirance vers ce peuple gabonais si riche de secrets ancestraux et d’êtres de grande qualité.
    Le rideau est tombé trop tôt, il avait encore assurément tant à nous transmettre. Je ne l’oublierai jamais. Merci, Monsieur Owono.

  4. […] L’Institut français du Gabon s’associe à la douleur familiale et à celle des écrivains gabonais suite au décès de l’écrivain et dramaturge Laurent Owondo. […]

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