Piquée au vif par la déshumanisation des commerçantes de la Gare routière de Libreville, cyniquement exhibées à travers une vidéo, tournée par un policier et devenue virale, Ika Rosira, la muse pamphlétaire de Gabonreview, joue ici un blues scriptural exacerbé (en vers les policiers) et plein de commisération pour les héroïnes de la classe laborieuse.

«L'impudicité des mères est la toute dernière forme de contestation qu'elles connaissent». © D.R

«L’impudicité des mères est la toute dernière forme de contestation qu’elles connaissent». © D.R

 

Tout le monde a sa petite histoire avec ces fichus brigands déguisés en policiers au Gabon. En pleine nuit, comme en plein jour, devant témoins, ils maquillent leurs crimes, en prétextant des contrôles de police durant lesquels, s’ils le pouvaient, ils vous colleraient des amendes pour les poux sur votre tête, les boutons sur vos peaux, et la salive dans votre bouche, des contraventions pour votre ventre plein, pour vos poches encombrées et pour l’air que vous leur soutirez de par votre débrouillardise. Il semble qu’ils vivent mal leurs échecs devant toutes formes de réussite, même les plus minimes, en bref, la sécurité intérieure de tout un pays est assurée par une grosse bande d’aigris qui sévit de la mairie à la police, protégés par la même forme de corruption qui s’offre des poignées de portes en or, pendant que la misère institue sa propre hiérarchie et pousse de plus en plus de gens à leur extrémité. Tout le monde le sait, rien ne se fait, c’est motus et bouche cousue, parce même si au sein de cette organisation, il peut y avoir des exceptions, on a le malheur d’avoir une police corrompue jusqu’à l’os.

Tout le monde sait qu’il s’agit de racket, mais leur racket a plus l’allure d’une toute nouvelle forme de mendicité que d’escroquerie aux yeux de ceux qui font la pluie et le beau temps, quand on sait leur salaire de misère, leurs conditions de vie pitoyables, l’étendue de leur galère. Quand on voit les camps de concentration dans lesquels ils vivent avec toutes leurs familles, on se demande comment ils peuvent oser frapper sur leurs frères, leurs mères, leurs pères ; comment ils font pour obéir aux ordres ; comment ils font pour jouer à la main du maître, quand eux-mêmes sont les déchets visibles d’un système qui ne leur profite pas. Sans rien y comprendre on excuse, leur comportement.

Tout le monde sait comment ils s’en prennent aux automobilistes, aux commerçants, au petit peuple. On a même l’impression qu’en fait les bangando (les voyous du quartier, violeurs, menteurs, braqueurs, bagarreurs) se recyclent en allant enfiler l’uniforme, histoire de spolier de manière légitime les gens de la cité et bénéficier de tous les privilèges que peuvent conférer l’uniforme. Tout le monde sait pourtant que ce sont des faux gens, des arrivistes, des illettrés, des pistonnés, des complexés, des ivrognes, des drogués, des désaxés pour la plupart qui finissent par porter l’uniforme de la guigne qu’on assimile à la protection des biens et des personnes à tort et à travers.

Tout le monde sait que les conditions de vie des femmes sont impensables. Elles sont battantes, elles sont résolues, elles sont résilientes, elles assurent sans équivoque l’avenir de leurs enfants, elles remplacent avec brio tous ces pères démissionnaires, qui réfléchissent au singulier. On sait tous qu’elles triment, qu’elles courbent l’échine, qu’elles se forcent, qu’elles continuent d’avancer même en rampant, qu’elles continuent d’avancer en serpentant, même si leurs conditions de vie laissent à désirer. Tout le monde sait que ce sont ces femmes qui nourrissent le pays. Ces femmes qui font la route, qui se lèvent tôt et se couchent tard pour assurer l’avenir de leurs enfants. Tout le monde sait que ces femmes sont braves, qu’elles méritent du respect, qu’elles donnent l’exemple à toutes celles qui préfèrent dealer ce qu’elles ont entre les jambes au lieu de vendre des arachides, du poisson, du gombo, du piment au marché ou sur le bord de la route. Elles bossent sans logement social, sans pension, sans garantie, sans privilèges. Elles bossent sans régime de retraite, sans assurance sociale, sans aides financières. Elles travaillent sans crédit, sans allocations. Elles travaillent même sans syndicat, avec comme seul objectif nourrir et assurer l’avenir de leurs enfants.

Tout le monde sait qui sont les bourreaux, les oppresseurs, et qui sont les victimes, les opprimés, qui sont les pions, qui tire les ficelles, qui sont ceux qui érigent la barrière et creusent le fossé entre ceux qui font semblant de parler au pluriel et qui agissent et réagissent au singulier et ceux auxquels on n’accorde même pas le droit de s’offusquer. Tout le monde sait que les taxes qu’on leur impose, que les abus dont elles sont victimes au quotidien, n’ont aucun sens dans un pays dit de liberté, dans un pays dit de droit. Tout le monde sait à quel point l’impudicité des mères est la toute dernière forme de contestation qu’elles connaissent. On attend peut-être que ceux et celles qui souffrent au Gabon commencent à s’immoler par le feu ou à concocter des cocktails Molotov pour ouvrir les yeux sur le fait que la misère, la corruption, la souffrance, l’indifférence, l’irrespect ont atteint des proportions inégalées jusqu’à ce jour. N’attendons pas que le petit peuple ne soit plus capable d’endurer toute cette désolation pour réagir. Le problème, ce n’est pas tant qu’une personne puisse les filmer, en rire et diffuser la vidéo de leur détresse, le problème vient du fait qu’on en soit rendus là : au point que nos mères se dénudent et exposent toute l’ingratitude de leur vie pour obtenir un tout petit peu plus de considération.

Tout le monde sait qu’un jour, on reprendra notre pays.

 

 
GR
 

19 Commentaires

  1. LE GABONAIS dit :

    Quand la Police Nationale n’est plus Républicaine mais plutôt à la solde des intérêts particuliers (les leurs ou celles de leurs supérieurs)çà donne ces images choquantes qui sont en totale contradiction avec nos valeurs intrinsèques…

    Travailler est un Droit Fondamental…
    Se faire racketter est une violation de ce Droit… et une honte pour nos forces de sécurité…
    Protester deviens alors un Devoir!

  2. Anges ENGONE dit :

    Comme mon frère Chamberland, moi aussi je suis sous le charme de ta plume. Bonne continuation ma soeur!

  3. Lisa M dit :

    Gabonreview me surprend beaucoup avec ce genre d’article. C’est vrai qu’on connait la mauvaise réputation des policiers mais là quand même c’est un peu trop facile. D’après vous, on aurait dû laissé ces femmes s’exhiber toute nues comme ça? que fait-on des personnes malheureusement présentes à ce spectacle désolant qui ont encore le sens de la pudeur? J’espère que dans leurs foyers respectifs, si elles en ont, lorsque qu’elles ne sont pas d’accord avec le chef de famille elles mettent nues devant les enfants et le voisinage pour se faire entendre. Du gros n’importe quoi.

    • Grimba dit :

      Au moment où ont les arrêtés on aurait pu les couvrir d’un vêtement ce qui est fait pour les femens au lieu ça, on les a filmé et mises sur youtube. La question n’est pas celle de l’arrestation, c’est plutôt la suite? va t-on les présenter au magistrat nues ?
      Par respect les flics auraient retiré leurs vestes par exemple et les auraient couvertes puisque qu’elles étaient menottées elles n’auraient pas pu les enlever.
      Lorsque que l’on vous montre la lune regarder la lune monsieur pas le doigt soyez sage.

    • TOI LA dit :

      Vous ne comprenez rien vraiment et rien. Si vous indexez Gabonreview alors vous n’avez rien compris à la Liberté d’expression. Naturellement vous blâmez ces pauvres femmes qui crient tous les jours leurs désarrois quant à la maltraitance policière qu’elles subissent tous les jours. Cher madame si ces femmes en arrivent là ce n’est pas de l’exhibitionnisme c’est un niveau de protestation qui est proche de la catastrophe car oui comme l’a dit l’auteur de cet article après ceci il pourrait s’agir d’immolation ou même d’attentat. Vous parlez de pudeur??? Je ne vous suis certainement pas souvent mais j’espère que vous avez marqué la même indignation lorsque devant les yeux de la plus haute autorité du Pays des femmes prostituées nues ont été importées du Brésil pour s’exhiber devant le monde entier à partir du Gabon…là ma chère notre fière Police n’a jamais été mise en action. Vous ne comprenez rien rien et rien…car ces dames par ce geste vous montraient la lune et vous vous ne voyez que le doigt.

    • Omar des plateaux dit :

      Lisa

      Venant d’une femme je suis choqué…tu nous parles de tes émotions. Dans un pays de droit on sait à qui s’adresser dans notre cas que s’est passé durant la seconde qui a précédé. Si ton père de viole et que ni tes parents si la police ne veulent t’écouter…que ferais tu? j’aimerais savoir ton traitement contre le désespoir s’il te plait

  4. Omar des plateaux dit :

    Je suggèrerais qu’une ONG sérieuse crée un fond pour ceux qui veulent venir en aide…quelque chose comme les pièces jaunes de Madame Chirac…exemple « 100F cfa pour les femmes commerçantes emprisonnées »

  5. Grimba dit :

    Très chère Ika Rosira, permets que je te tutoie je voudrais juste te dire que ton analyse est pertinente mais tu as oublié un paramètre les gabonais ne forment pas un peuple. Nous sommes un ensemble de personnes vivants les uns à côté des autres mais pas ensemble nous n’avons rien de commun.Aucun interet commun peut-être la Régab.
    Qu’on ferme les universités pendant un an 2001-2002 ça ne fout rien au gabonais
    On sodomise des étudiants en prison on s’en fout
    On en exclu , on s’en fout
    On les blesse, on les humilie à l’USTM aucune réaction
    On dépense leur agent pour des niaiserie aucune réaction
    Le président présente un acte de naissance indigne aucune réaction.

    Ces femmes humiliées a part le kongossa il y aura rien
    Désolé très chère Ika Rosira jamais nous ne reprendrons ce pays

  6. l'observateur dit :

    très chère Ika, votre article intéressant, rédigé avec beaucoup de d’agressivité plait à lire. mais cela ne vous donne pas le droit d’humilier à votre tour des personnes qui font leur boulot; certes il ya eu de la maladresse mais ils ont fait leur boulot. en tant que journaliste vous auriez du vous rendre sur le terrain, recouper vos informations afin de forger votre « point of view », mais vous avez fait comme tous les apprentis sorciers journaleux qui font du bruit et qui ventilent avec énergie des mensonges aux gabonais. je constate avec beaucoup de tristesse que vous êtes de ceux là qui voient dans le Gabon est lieu où l’anarchie doit prospérer et faire fortune dans nos mentalités.

    • François Ndjimbi dit :

      On aimerait parfois que ceux qui connaissent si bien le journalisme et aiment l’enseigner, en viennent à se taire. Quelle information fallait-il donc « recouper » quand les faits ici décrits, les agissements des flics, ici décriées, sont devenus banals et connus de tout le monde. La presse gabonaise, même L’Union, est truffée d’articles relayant les errements et exactions des policiers ; leur hiérarchie n’a jamais cessé -dans les discours- de les en admonester, allant jusqu’à révoquer certains d’entre eux pour donner l’exemple. Dans le cas d’espèce, le réalisateur de la vidéo a été suspendu, selon le ministre de l’Intérieur. Le Gabonais qui n’a jamais été tenté d’engueuler un policier, doit vivre ailleurs que dans son pays. Les bons agents, ceux qui font leur travail, ne manquent pas dans la Police nationale, mais « Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur ; … il n’y a que les petits hommes, qui redoutent les petits écrits », disait Beaumarchais. C’est ça le pamphlet. Merci de continuer à nous suivre.

    • Omengo dit :

      L’observateur, arrêter de défendre l’indéfendable face à de telles dérives même si vous êtes de l’autre bord, faites preuve d’objectivité. Dans nos forces de l’ordre nous avons trop de brebis galeuses, malheureusement toutes ces tares prennent le dessus sur le bon grain. Nous ne sommes plus dans les années 70 ou 80, l’information va très vite et si vous n’aviez pas intégrer cette donne vous serez appeler à vous exprimer toujours de cette façon. Lisez tous les commentaires vous comprendriez que c’en est trop

  7. Yaali dit :

    Ika tu as craque comme il faut. Ce sont les femmes qui font bouger ce pays qui elevent nos enfants.tout Le monde sait que nos poulets ne sont que de grosses cocottes qui ne valent que ce qu ils racquettent: l argent du taxi, Le petit coca, un racquet, attaquer de foibles femmes qui leur rappellent combien ils ne sont que des zeros.Rien dans la tete tout dans le racquettage.
    Bande de ………….. Et de v………….

  8. l'ombre qui marche dit :

    Que dire de ces femmes? je ne les comprends pas elles sont maltraitées tous les jours que DIEU fait par des policiers encouragés par le régime qui ignore les tontines des policiers tous les soirs avec la plus grande portion pour les chefs et on les voit les plus actives quand le régime a besoin d’elles pour ses bamboula comme on l’a vu tout dernièrement à port-gentil à l’arrivée de Sylvia Bongo la résistance pacifique? elles ne connaissent pas si un jour elles décidaient de ne pas aller tourner le popotin devant Sylvia Bongo peut-être que celle-ci comprendrait au finish qu’elle est une femme comme ces commerçantes et penserait à poser des actes sérieux pour améliorer la situation de ses soeurs! mince qu’ai-je dit? ses soeurs? j’oubliais que Sylvia Bongo est une ibamba(blanche) et que les commerçantes sont des minombi(noires) et mieux encore Sylvia Bongo est française donc étrangère, les commerçantes françaises n’ont pas ce genre de soucis

  9. personne dit :

    Bonjour je sais pas trop mais de quel exebition parlons nous lorsque des personnes dites folles défilent toutes nues dans nos villes qui font les supers flics simple question merci

  10. Nelson Mandji dit :

    Un journaliste de Gabonreview a indiqué, en off, que ces mamans ont dû être totalement déshabillées dans le camion par les policiers. Lors de leur mouvement de protestation, elles n’étaient qu’à moitié nues et ont été embarquées ainsi. C’est à l’arrivée au Commissariat Central qu’elles se sont retrouvées totalement nues. En témoigne la photo de cet article :

    https://www.gabonreview.com/blog/face-au-racket-les-commercantes-de-mont-bouet-se-denudent/

    Oui, ce sont les flics qui les ont déshabillé. On connaît leur tendance aux abus de pouvoir et leur mépris des droits de l’homme.

  11. Prudence volcan dit :

    Oui ces meres de familles ont été entierement denudées dans le camions quand elles ont été embarquées menottées elles étaient en tenues légères:cet acte suppose une prémeditation des policiers qui avaient l’intention de publier sur la toile ce spectacle. Alors des mamans en caleçon c’est comme à la plage ça ne choquerait personne ,donc pour faire plus mal ,choquer l’opinion,il fallait les filmer en tenue d’EVE .Qui dit mieux? Pourquoi ces mères ont elles posé un tel acte? La réponse est simple,comme s’immoler en public par le feu ,elles ont trouvé comme moyen de pression ou d’expression à propos des tracasseries policières que de se dénuder a moitié, persuadées que l’opinion national et international en seraient conscientisés en vue de l’instauration par les autorités Gabonaises compétentes d’un climat sain, empreint de courtoisie et de respect entre commerçantes et forces de l’ordre.Il ne s’agit pas ici d’accuser les journalistes et l’opinion national et international qui
    s’emeuvent de cette enième bevue policière après les crimes rituels qui
    entache l’honorabilité du Gabon, mais plutot d’analyser l’acte posé par les agents de polices . Il y avait parmi ces agents des policières qui riaient au lieu de chercher un morçeau de tissu pour couvrir la nudité d’autres femmes,leurs mères/Ces agents ont fait usage des menottes sur ces femmes.Si l’usage des menottes ou des entraves n’est justifié que lorsque la personne appréhendée est considérée comme dangereuse pour autrui ou pour elle meme ,soit comme susceptible de tenter de s’enfuir,est ce que c’était le cas pour ces mamans? Les responsables au pouvoir au lieu de quereller par courants politques opposés,ils devraient ensemble examiner ce qui se passe au pays à tous les niveaux,les ennemis de la Paix ne sont pas seulement de l’opposition,mais aussi au sein du Parti de masse et façon virulente dans les casernes Les actions que les forces de l’ordre posent en ce moment pourraient un détonateur de graves consequence pouur l’équilibre et la paix.

  12. YOVE dit :

    Article clair, lucide et brillant. Bravo Ika, c’est comme cela que nous vous aimons.

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