Le crachoir

«Quitter le Parti pseudo démocratique, pour y retourner c’est comme cracher dans un verre, en être conscient, rajouter une autre boisson par dessus et trouver ça délicieux quand même», estime la muse pamphlétaire de Gabonreview qui brosse ici une fresque de l’arène politique gabonaise à une année de la prochaine présidentielle.

 
On va pas dresser la liste des promesses post et pré-électorales, mais ces milliers de logements sociaux qui n’ont jamais vu le jour en 7 ans de règne absolu, cette aide sociale, insignifiante et remise en question par presque toutes les pharmacies du pays et cette histoire de promotion culturelle, artistique et même sportive qui nous font patauger en plein néant et en pleine insatisfaction, inspire une timide révolte intérieure chez plusieurs d’entres nous.
En politique, on fait rêver. On nourrit le peuple de promesses et tant pis si nos mensonges édulcorés stagnent au pays des merveilles. Et pendant que ceux qui ont la mémoire pour dénoncer les mensonges éhontés qui font du Gabon une peau de banane sur laquelle on surfe tous allègrement, d’autres continuent à clamer leur ridicule leitmotiv : laissez-nous avancer ! Tout en crachant leurs mensonges, tout en se faisant cracher des vérités qui ne les atteignent même pas un tout petit peu.
Enfin ! À un an des élections, une guerre intergalactique est amorcée sur la planète Bongo, des tribus dissidentes semblent former deux camps distincts : les malfamés de la tribu Ping et la petite bourgeoisie élégante et instruite de la tribu Myboto, concluent des alliances stratégiques pour envahir les consciences collectives. Et c’est sur un ton rieur que les gabonais lambda prennent les joutes de nos pseudo-guerriers de la lumière, nous sommes en pleine web reality show et plus ça va, moins on sait à quel point être activiste, militant, pacifiste peut s’avérer dangereux. Il n’y a qu’à voir comment Christian Nkombegnondo s’est fait privé de sa liberté de manière arbitraire pour encourager la psychose et la peur chez nos chers dissidents et dénonciateurs de la misère du peuple gabonais.
Alléluia !!! Gloire éternelle au Dieu vivant de Gabao, après la visite du Dieu actuel du football mondial, sa nouvelle initiative en tant que président de la République gabonaise, est de donner la possibilité à bien des gens d’envisager de faire leurs besoins, de cracher, de pisser, de traîner surtout entre autres à l’endroit même où a vécu le patriarche de la nation gabonaise, le daron de tous les présidents africains, le champion du règne en territoire subsaharien : Omar Bongo Ondimba.
Oui effectivement en faisant fi de la volonté du reste de sa famille, en méprisant cordialement l’opinion de ses nombreux frères et de la famille, de sa belle-mère, citons feue Edith Bongo Ondimba, fille de l’illustre Sassou Nguesso, notre Ali Baba national a contemplé cette vaste ville, qu’est Libreville, et comme par magie, une idée absolument lumineuse s’est imposée à lui : transformer la légendaire demeure de son père en université. Après avoir rasé la cité de la pseudo-démocratie pour en faire un pseudo-golf, et risquer un grave problème écologique avec la pseudo-marina du front de mer qui nous prive à jamais du JBR, illustre bar lounge de l’époque, c’est au tour de la résidence Ohio de subir les lubies de celui qui nous sert de chef suprême des armées. La légende Omar Bongo, impose-t-elle une ombre insoutenable à ce fils qui visiblement ne lui arrive pas à la cheville en matière d’idées incontestables ou de diplomatie ?
Mais passons, passons, ce n’était qu’un intermède, on commence à être accoutumés aux fatales d’Ali, il trouve toujours le moyen de nous rendre misérables, de nous foutre la honte, de nous ridiculiser en se ridiculisant lui-même, dans nos têtes ça fait genre : «y a plus de place au Gabon pour construire une université ?» et surtout «après les viols, les abus, les intimidations et les tortures subies par certains de nos universitaires dénonciateurs de leurs réalités estudiantines, c’est là, leur lot de consolation ?» Il faudra leur offrir une université flambant neuve ou réaménagée sur un héritage familial, un lieu quasiment aussi historique que peuvent l’être les demeures de feu Mickael Jackson, feu James Brown ou de feu Elvis Presley, histoire de montrer une fois pour toute, qu’en fait, les biens du père, il n’en a que faire, lui il a hérité de tout un pays alors mouchons-nous avec notre consternation. D’ailleurs avec des appuis comme celui de Ségolène Royal qui profite du sommet des pontes pour certainement justifier sa visite de la colonie, on peut se douter que l’illusion du bonheur à la Bongo Ondimba n’a pas encore perdu de sa magie malgré toutes les manifestions organisées en Europe par les nombreux groupes de dénonciateurs. On avait dit qu’on passait mais on s’est encore épanchés sur le sujet. Engongole pardon !
Dans la bataille politique amorcée, les rumeurs vont bon train, il parait même que Myboto ne se présentera pas mais appuiera la candidature de son gendre Paul Marie Gondjout. Si c’est vrai, il va falloir que Paul passe en mode prodada bientôt, son beau père lui vole la vedette en étant sur toutes les lèvres. Soit dit en passant que Chantal Myboto, aurait eu largement le potentiel de se présenter, mais la question est de savoir si elle aurait eu la possibilité de gagner. L’expérience semble montrer que le Gabon n’est pas encore rendu au point d’avoir une femme présidente, (interdiction de contre argumenter avec le tour de passe-passe qu’ils nous ont joué avec feue Rose Rogombe) peut-être sont-elles effectivement trop émotives pour aller au bout de leurs idées. Soulignons le retour possible, effectif ou envisagé de Victoire Lasseni Duboze dans les rangs du parti comme une abdication face au charme ravageur d’Ali (on parle ici de stratégie politique, purement politique, de charme politique, de lui en tant que beau parleur et non du reste, et non du le reste de sa personne !).
On est nombreux à continuer de penser que quitter le Parti pseudo démocratique, pour y retourner c’est comme cracher dans un verre, en être conscient, rajouter une autre boisson par dessus et trouver ça délicieux quand même, devant tous les yeux ahuris qui nous regardent faire. Par ailleurs, pour en revenir à Myboto, celui qui a su cracher dans la soupe et vivre de manière indépendante, investir au bon moment, au bon endroit et partager avec ses ennemis politiques des intérêts financiers qui nous font dire, que les affaires, ce sont des affaires, le reste, ne doit jamais passer avant les affaires ? Donc Myboto s’est offert ou aurait toujours possédé Échos du Nord ? Dans tous les cas, ce n’est même pas un argument pour s’opposer contre lui. Un homme politique, un parti politique, une figure politique, un mouvement politique se doit d’avoir au moins un journal, une chaîne de télé, une radio de propagande. Et ça, Mba Obame l’avait compris. Au début, TV+ faisait de la propagande pro-PDG, pro-Bongo, essentiellement et dès que le vent a tourné, sa chaîne est passée en mode dénonciation, sensibilisation etc. Plusieurs hommes politiques se sont armés de chaîne de divertissement, c’est peut-être en attendant que le vent tourne, qui sait ?
Ensuite, on accorde quelques lignes à Jean Ping. Encore un, qui a craché dans la soupe et à l’allure que ça prend, au ton qu’il emploie, on n’est pas près de le voir donner l’accolade ou le sourire aux éclats à la Bruno Ben Moubamba avec le camp adverse. Sa stratégie est d’aller tout près du bas peuple, celui qui souffre, celui qui est conscient de sa misère, celui qui cherche de quel côté viendra le miracle, celui qui boit toutes les promesses et remplit son ventre vide avec. Des images touchantes et révoltantes à la fois, de ces gens qui pleurent dans ses bras, nous révèlent un Gabon si misérable, loin de courses de bateaux, des châteaux d’eau privés, des groupes électrogènes ou des systèmes centralisés, des piscines bleues pour des maisons situées au bord de l’eau. Loin des Maserati et des Lamborghini, loin des routes goudronnées et des buildings tape à l’œil. Ils sont nombreux à dire que s’il faut choisir entre Myboto et Ping, ils préfèrent Ping, que s’il faut choisir entre Myboto et Ali, ils préfèrent Ali, que s’il faut choisir entre Ping et Myboto, ils préfèrent Myboto, on oublie presque les ba Ndong Sima, les Oye Mba et compagnie qui composent la cour des grands. Cependant, Ping vient de rejoindre Myboto, en faisant la même proposition que lui jadis, ne faire qu’un seul mandat présidentiel pour amorcer le changement et redresser un peu le pays. Il parle de routes, de chemins de fer et d’aéroports, il parle de redéfinir leur plan pour un Gabon démocratique, peut-être pourra-t-on réviser la durée des mandats présidentiels, et abolir la possibilité pour un candidat de se représenter indéfiniment lors de la conférence nationale que les Souverainistes lui ont exigé avant de le soutenir. Nous sommes donc en pleine campagne et ça s’annonce palpitant pour ceux qui observent en silence ou rédigent leurs opinions, pour les neutres comme pour les pro-Ping alias Ping Ndong, les pro-Myboto et les pro-Bongo. Espérons que ces derniers ne préparent pas un nouveau coup d’État électoral. Pendant que les membres de l’opposition se tirent dessus verbalement et se livrent à des combats de coqs cherchant désespérément à désigner celui qui pisse plus loin que les autres, on continue d’attendre qui sera le prochain à cracher dans le verre, dans la soupe ou dans le tonneau vide de sens que constitue le parti dit démocratique gabonais qui n’a de démocratique que le nom qu’il s’est attribué en réfutant dès sa naissance le multipartisme (au cas où vous l’aurez oublié !).
La nouvelle vibe est de prétendre que les africains ont toujours fonctionné avec des chefs de village, que c’est un concept occidental d’imposer à un dirigeant de laisser le tour au suivant, ils jouent sur le panafricanisme et sur des concepts absurdes pour imbiber les gens de l’idée saugrenue selon laquelle, en temps que noirs d’Afrique, on devrait fonctionner selon la tradition qui veut que le chef le soit jusqu’à sa mort et que son fils après lui ou la personne désignée par son choix, puisse lui succéder. Tant qu’à faire, pourquoi vous ne reporteriez pas des peaux de bêtes, pourquoi n’iriez-vous pas vivre dans une forêt, de cueillette, de chasse et de pêche, pourquoi n’attendriez-vous pas la mort de votre frère pour hériter de sa femme et de ses enfants, pourquoi se tuer à étudier dans les écoles initiées par les occidentaux ?
Bref, juste pour dire en passant que la Démocratie, ce n’est pas pour les animaux, ce serait vital d’envisager une réelle Démocratie, une certaine alternance politique, d’envisager le Gabon comme un pays «démocratique» et non comme un village situé sous l’équateur et sur lequel règne en maître absolu, une famille toute-puissante et résolument décidée à confisquer le pouvoir, quitte à truquer les élections, quitte à empoisonner des gens, quitte à verser du sang, quitte à dealer la jeunesse, quitte à brimer le peuple, quitte à faire de l’eau potable et de l’électricité des privilèges et quitte à accroître le fossé entre les absolument riches et les absolument pauvres. Tous les coups sont permis, toutes les cartes semblent être truquées d’avance, posons-nous les bonnes questions, comment fait-on au juste pour reprendre notre pays ?