«Après les états généraux de la communication, la télévision publique reste de marbre», notait Gabonreview en décembre 2014. Et rien ne va certainement bouger vu que la réforme de l’audiovisuel public n’aurait avantagé que ses dirigeants. Dans ce contexte, Gilles Térence Nzoghe, conseiller membre du Conseil national de la communication (CNC), a livré à Gabonreview le libre-propos ci-après, à travers lequel, fort lucide, il va au fond des choses, prouvant que la restructuration de l’audiovisuel public tant clamée n’en est pas une.

© Gabonreview

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Gilles Térence Nzoghe, ancien journaliste audiovisuel, Conseiller membre du CNC © Gabonreview.com

Gilles Térence Nzoghe, ancien journaliste audiovisuel, Conseiller membre du CNC © Gabonreview.com

Une fausse réforme est une réforme qui ne s’attaque pas sérieusement aux problèmes de fond. S’agissant de la réorganisation bâclée de l’audiovisuel public, la définition d’un nouveau statut juridique cohérent et conforme aux exigences de notre jeune démocratie est l’un des nombreux problèmes de fond qui, manifestement, n’ont pas fait l’objet d’une réflexion structurante.

Tout le monde sait que la RTG1, notre vieille station mère, était un simple service de l’administration centrale gabonaise, donc une station financée par les dotations budgétaires de l’Etat. Comme le sont d’ailleurs actuellement Gabon télévision et Radio Gabon. Les autres sources de financement prévues par les textes, notamment les redevances et taxes relatives aux produits et services de la radiotélévision, les parrainages, les dons et autres legs n’étant que virtuelles pour le moment.

Au Ministère de la communication qui assure toujours la tutelle des médias d’Etat, quelqu’un parmi les auteurs de cette réforme peut-il nous dire avec conviction aujourd’hui quelle différence fondamentale il y a-t-il entre l’ancien régime administratif et celui d’établissements publics à caractère administratif dont se réclament désormais les trois nouvelles unités : Gabon télévision, Radio Gabon et Télédiffusion du Gabon, crées il y a près de quatre ans pour, disait-on à l’époque, révolutionner l’audiovisuel public ?

L’autonomie de gestion financière réclamée et obtenue a-t-elle suffit pour sortir la RTG de sa torpeur ? Quelles sont les nouvelles missions de Gabon télévision et de Radio Gabon ? Et en quoi ces missions diffèrent elles de celles que remplissait déjà, et de manière plutôt correcte, la RTG1 jusqu’au sortir du monopartisme ? Dans les décrets qui donnent naissance aux nouvelles structures, aucun des deux articles lapidaires qui composent le chapitre I, relatif aux missions, ne peut donner une réponse satisfaisante à ces questions pertinentes.

Ce flou juridique qui entoure les statuts des nouvelles entités de l’audiovisuel public, dont les cahiers des charges ne sont toujours pas connus, est de toute évidence à l’origine de l’échec d’une réforme qui, on peut le dire maintenant sans crainte d’être démenti, est définitivement tombée en panne. Au grand dam des agents des médias publics qui, depuis des années, appellent sans cesse au secours les plus hautes autorités de l’Etat pour s’occuper de l’aboutissement de la réforme de 2011.

S’agissant justement des personnels de l’ancienne RTG1, ils font en effet partie des nombreux autres problèmes de fond que la fameuse réforme n’a pas pris en compte. Car, si elle avait été bien menée, la réforme de l’audiovisuel public devait normalement être concomitante avec l’élaboration d’un nouveau statut des personnels propre à leur assurer un minimum de bien être pour pratiquer la vertu. Cette revalorisation est d’autant plus indispensable que sous le régime actuel de la radiotélévision publique, les agents sont régis par un pseudo statut particulier qui ne leur accorde aucun avantage pécuniaire ni matériel conséquent. Sous le fallacieux prétexte qu’ils sont des fonctionnaires comme les autres.

C’est ainsi que sur plus de 400 agents qui travaillent actuellement à la radiotélévision d’Etat, près de 300, dont les maigres salaires varient entre 70 000 et 170 000 francs par mois, sont payés ou sur crédits délégués ou sur « cachets », certains depuis trente ans et plus. Quand on sait que les cotisations de ces malheureux ouvriers infatigables, corvéables et taillables à merci, ne sont pas entièrement reversées à la CNSS, que deviendront ces compatriotes employés au noir par l’Etat quand sonnera l’heure de la retraite ? Eux qui n’ont jamais connu de repos, condamnés qu’ils sont à pointer les jours ouvrables comme les jours fériés sans toucher la moindre prime.

Depuis la conférence nationale de 1990, la préoccupation principale des autorités gabonaises a toujours été non pas de remédier à la prétendue lourdeur ni au gigantisme imaginaire d’un établissement qui n’emploie pas plus de quatre cents salariés, donc facile à administrer, mais de créer un nouvel organisme, plus ou moins autonome, mieux à même de gérer la radiotélévision d’Etat.

Autrement dit, les motivations qui ont poussé l’actuel Chef de l’Etat à engager, dès 2011, la réforme de l’audiovisuel public procèdent de l’impérieuse nécessité non pas de fractionner notre vielle station mère comme cela a été fait, et encore moins d’envisager ensuite la création des radios et télévisions thématiques inutiles pour le moment, mais plus exactement de doter le Gabon d’une nouvelle radiotélévision nationale efficace, compétitive et responsable, éléments essentiels pour informer, éduquer, divertir, émouvoir et surtout pour unir les Gabonais.

Pour atteindre ces objectifs là, comme l’ont si bien réussi le Sénégal et la Côte d’Ivoire ou, plus près de nous, le Cameroun et la Guinée Equatoriale, l’éclatement de notre modeste RTG1 en trois nouvelles unités, dont l’efficacité n’était pas garantie comme tout le monde peut le constater aujourd’hui, n’était pas la priorité. Car, sans séparer la radio de la télévision, on pouvait bien réformer en profondeur l’existant en lui dotant d’un statut plus cohérent et certainement plus logique de « société nationale de programmes radiotélévision », à capital entièrement public. Donc une propriété de l’Etat, lequel n’aura jamais d’autre choix, quelque soit la qualification qu’il donnera à ces deux outils de pouvoir, que d’organiser sa radiotélévision en service public et, par voie de conséquence, d’y mettre les moyens nécessaires pour son bon fonctionnement.

Le blocage actuel est donc dû non pas à un manque de volonté politique mais aux insuffisances des décrets n° 0724, 0725 et 0726 du 21 juin 2011, portant création, organisation et fonctionnement des trois nouveaux organismes de radio et de télévision. Des décrets qui sont, en fait, de pâles copies de l’ancienne loi qui a réorganisé l’ex-RTG1 sous le régime du parti unique.

En effet, ceux qui en ont pris connaissance ont pu relever que dans ces décrets, outre que le nouveau régime administratif des nouvelles unités est bien énoncé mais jamais défini, il n’y a dans ces textes fondateurs aucune présence d’un élément nouveau qui indique que des efforts considérables vont être effectués pour améliorer l’organisation et le fonctionnement des principaux organes informationnels de la République. Tant et si bien que les organigrammes, l’ensemble des structures de fonctionnement, les conditions de travail, les statuts juridiques des personnels et bien d’autres volets essentiels du dossier sont restés figés.

Il n’y a pas de doute, nous sommes bien en face d’un cas de fausse réforme. Le mauvais régime administratif choisi a sécrété un statut juridique bancal, qui ne tient aucun compte du fonctionnement spécifique des médias audiovisuels et qui, par conséquent, n’a contribué à rien. Sauf peut être à l’amélioration des conditions de vie des dirigeants des « nouveaux établissements publics ». Les Présidents des conseils d’administration et les Directeurs généraux qui sont avec l’autonomie de gestion financière les seules innovations connues jusque-là. C’est un échec grave qui prive les Gabonais et Gabonaises d’une radiotélévision inventive et compétitive, c’est-à-dire un véritable outil de progrès à la hauteur des ambitions d’un pays qui ne manque pas de moyens.

Somme toute, la réforme de l’audiovisuel public figure toujours et encore au rang des grands défis que les professionnels de l’information et des médias doivent relever ici et maintenant, en mettant leur expertise au service du Gouvernement. Les seuls appels au secours au Chef de l’Etat, l’implorant de faire aboutir la réforme, ne porteront aucun effet si des propositions concrètes d’un nouveau régime administratif réaliste ne parviennent pas à son cabinet ou celui du Ministre de la Communication.

C’est dire, malheureusement, que les Gabonais vont devoir encore attendre longtemps, voire très longtemps, avant de voir leur radiotélévision nationale effectuer le saut qualitatif qui lui redonnera son âme.

Gilles Térence Nzoghe, ancien journaliste audiovisuel

Conseiller Membre du CNC

 

 
GR
 

3 Commentaires

  1. Mone Afirikara dit :

    Bonne intervention et analyse. Mais, mon cher, on n’aime pas les intelligences comme vous. le pays est ainsi fait. C’est la médiocrité qui caractérise la société gabonaise aujourd’hui. Réforme par ci, réforme par là. Où sont les résultats?

    • Tching dit :

      on est dans l’hybridation des genres. Dommage pour toutes les compétences « inhumées » précocement…et vouées à l’errance alimentaire et inadaptée . Que les plus avertis se préparent à se réformer très vite pour d’autres secteurs d’activités. Quel gâchis !!!

  2. GABOMA dit :

    OUI OUI , s’est sa le gabon mais avant de porter les critiques notre première chaines est au service de qui les populations ou le pouvoir en place? quand nos journaliste par manque de déontologie professionnelle sont au service du pouvoir n’arrivent pas a faire la part des choses lors du traitement d’une information décline leur volonté a servir les autorités . Mais les dirigeants et le personnel de gabon télévision portent en eux les germes de leur problèmes .

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