Suite à la mise en place de la Constituante : Froideur et recul
Du 12 au 22 septembre courant, les parlementaires se retrouveront afin d’examiner le projet de constitution. Ils doivent travailler pour le bien de la communauté des citoyens, et pas pour la commodité de quelques-uns.
Le 11 septembre au réveil, les Gabonais ont découvert, via les réseaux sociaux, l’existence de deux décrets référencés 0358 et 0359/PT-PR/MI du 09 septembre 2024. Le premier institue l’Assemblée constituante, en fixe les attributions, la composition et le fonctionnement. Le second porte convocation d’une réunion du Parlement en Assemblée constituante. Par ces actes réglementaires, le président de la Transition a encore donné suite au communiqué n° 0026 du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), rendu public le 13 novembre 2023. Ainsi, du 12 au 22 septembre courant, les membres des deux chambres du Parlement se retrouveront afin d’examiner le «projet de constitution de la République gabonaise élaboré par le Comité constitutionnel national». Concrètement, le bureau de la Constituante devra recueillir les amendements des parlementaires, avant de les soumettre à l’assemblée plénière, instance appelée à décider par «consensus» ou, le cas échéant, par «vote à la majorité simple».
Un débat de fond
De toute évidence, cette tâche ne sera pas de tout repos. Bien au contraire. Les parlementaires auront-ils le temps d’aller au fond des choses, d’analyser le texte avec la froideur et le recul nécessaires en pareille circonstance ? Si on ose l’espérer, on peut émettre des doutes. Et pour cause : même si une version du projet de texte a abondamment circulé, nul ne sait s’il est authentique. À ce jour, pas grand monde ne peut s’avancer, de nombreuses rumeurs revenant en boucle depuis plusieurs jours. Du coup, on peut se demander si les députés et sénateurs seront prêts le moment venu. Surtout quand on tient compte du champ d’action du droit constitutionnel : droits et libertés fondamentales des citoyens, périmètres des lois et règlements, interactions entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, organisation et fonctionnement des institutions…
Pour autant, on se gardera d’instiller tout pessimisme, la mouture en circulation offrant malgré toute une base de travail. À la lecture de ce document, certaines questions appellent un débat de fond. Il s’agit, entre autres, de la nature du régime, de la durée du mandat présidentiel, des critères d’éligibilité à la présidence de la République, de la coexistence entre un vice-président de la République et un vice-président du gouvernement, de la responsabilité politique des institutions, de la responsabilité pénale des élus et, du régime foncier. Comment construire un régime présidentiel sans dériver dans le présidentialisme voire l’hyper-présidentialisme ? Comment verrouiller la sélection des postulants à la magistrature suprême sans laisser l’impression de faire dans le discriminatoire ? Quelle répartition des rôles au sein d’un exécutif à trois têtes ? Comment contraindre les organes de pouvoir ou leurs animateurs à rendre compte et à assumer leurs actes ?
Le pouvoir du peuple, pas celui des institutions
Sur toutes ces questions, les parlementaires devront se montrer pointilleux et rigoureux. Tout en évaluant la justification et les implications juridiques de chaque option, ils devront en examiner la portée politique, sociétale ou sociologique. Au-delà, ils devront se demander si tout cela peut contribuer au rayonnement international du pays. À la fin des fins, ils devront chercher à savoir si cela s’inscrit dans la mission première du CTRI : «La refondation de l’État afin de bâtir des institutions fortes, crédibles et légitimes garantissant un État de droit, un processus démocratique transparent et inclusif, apaisé et durable, seules garanties pour un développement véritable (…)». Autrement, ils risquent de travailler non pas pour le bien de la communauté des citoyens, mais pour la commodité de quelques-uns. Dans une telle perspective, ils consacreraient non pas le pouvoir du peuple, mais celui des institutions, avec tous les risques y associés.
L’élaboration d’une nouvelle constitution n’est pas une révision constitutionnelle. Dans le premier cas, l’objectif est généralement de mettre un terme à une crise politique, institutionnelle ou à un conflit armé. Dans le second, il est très souvent question de s’adapter aux évolutions. Même si leur droit d’amendement se limite à la production d’un simple «avis motivé», les parlementaires doivent avoir ce distinguo à l’esprit. Ils doivent suggérer des choses à même de nous éloigner définitivement de cette «gouvernance irresponsable, imprévisible (…)». Ils doivent avoir à cœur de tourner la page et d’en finir avec ces élections aux «résultats tronqués». Peu importe l’étendue de leur mandat, ils doivent prendre leur part à ce vaste chantier. Sans calculs personnels ni arrière-pensées politiciennes, mais dans l’intérêt du Gabon et des Gabonais d’aujourd’hui et de demain.
1 Commentaire
Chère auteure, en parcourant votre texte on ressent comme un appel à la raison, au patriotisme, au devoir républicain. Les enjeux sont mis en exergue dans une rhétorique simple et facilement compréhensible. Mais à mon cœur défendant, le scénario qui nous est offert me laisse à penser que c’est un vœu pieux. Parce que cette législature n’a aucune légitimité, car tous ces parlementaires ont été nommés et donc un peu asservis ( en dehors de quelques un bien entendu), d’une part, et le précédent lié à la promulgation du nouveau code électoral, où très peu de parlementaires aient trouvé à redire, d’autre part. Evidemment ils pourront faire quelques remarques cosmétiques, mais sans plus.