Face à la controverse entourant la composition du comité exécutif préparant la visite du Général Oligui Nguema dans la Nyanga, Martial Idoundou (journaliste) et Sosthène Boussougou-Houenou (universitaire) appellent à une refonte des pratiques politiques. Dénonçant le caractère anachronique du modèle ‘’doyen politique’’ ils plaident pour une approche plus inclusive et démocratique, respectueuse des aspirations locales et des dynamiques actuelles. Cette tribune invite à repenser le leadership en favorisant une gouvernance horizontale et participative pour renforcer l’unité et l’engagement citoyen dans la province.

«Le nouveau management des ressources humaines doit coller à l’ère du temps, à la marche du monde nynois.» © Mon-gabon.com

 

Les nombreuses protestations enregistrées au sein de la communauté des ressortissants de la Nyanga, à la suite de la composition, unilatéralement, du « comité exécutif » devant préparer l’arrivée du chef de l’Etat, le général de brigade Brice Clotaire Oligui Nguema, achèvent de convaincre du caractère anachronique de la mode du « doyen politique ». De Mabanda à Mayumba, en passant par Tchibanga, le chef-lieu de la province, Moulengui-Bindza et Moabi, en effet, l’on n’en finit pas de s’interroger, bruyamment, sur le fondement démocratique de la désignation des membres du comité exécutif. Non pas qu’il leur manque les qualités requises, mais sur quelles bases admises par le plus grand nombre ils ont été choisis et par qui ? Jusqu’à une époque pas très lointaine, le doyen politique, c’est-à-dire le membre du gouvernement le plus âgé ou la personnalité la mieux introduite dans le cercle restreint du président de la République, décidait et tout le monde s’alignait. C’était le temps, hélas révolu, du « magister dixit » !

En effet, plus de cinq décennies durant, l’ancien régime, qui n’a pas fini de faire des remous, a orchestré la vie politique nationale en érigeant, ici et là, partout sur l’ensemble du territoire, via l’instrument de l’idéologie sociale de la géopolitique, des roitelets ethno-régionaux qui, loin d’avoir réussi le pari de rassembler les populations, ont plutôt excellé dans l’art machiavélique de les braquer les unes contre les autres au sein des mêmes provinces, des mêmes départements ou des mêmes communes, mettant à mal le chantier fragile de l’unité.

En l’occurrence actuelle, l’intensité du débat est alimentée par des revirements observés entre-temps. En effet, en janvier 2024, au cours d’un repas dit de la fraternité nynoise organisé dans un hôtel de Libreville, un premier comité exécutif, lui aussi monté unilatéralement, fut présenté à la communauté. Le changement d’équipe, intervenu sans le parallélisme des formes et sans que, au moins, une explication officielle et objective n’ait été fournie, laisse entrevoir l’existence (inquiétante) d’une entité qui aurait des pouvoirs exorbitants.

Qui pour organiser la réception du général-président, au regard des querelles sourdes ou silencieusement bavardes qui tendent à diviser, une fois de plus, une fois de trop, les filles et les fils de la Nyanga, qui donnent l’impression d’être incapables de s’asseoir autour d’une même table et parler d’une seule voix ? A l’ère du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), qui prône de nouveaux paradigmes de gestion des hommes, il est encore possible de parvenir à un consensus dans la mise en place d’un comité exécutif. Il aurait été judicieux de laisser chacun des six départements que compte la Nyanga s’organiser pour désigner son ou ses représentants en vue de la composition d’une instance devant préparer l’arrivée du chef de l’Etat, dont la gouverneure aurait pris la direction, aidée des différents préfets. Un tel cheminement démocratique aurait permis d’éviter les reproches au sujet d’un comité exécutif qui n’emporte pas l’adhésion de beaucoup de ressortissants de la Nyanga et où le moindre connaisseur du marigot nynois relève une présence écrasante de militants du Parti démocratique gabonais (PDG), au détriment de toutes les forces vives. L’existence d’un comité d’organisation provincial qui peine à ratisser large, tant il s’est constitué sur la base de protocoles peu démocratiques et donc opaques, augure un faisceau d’indices sinon de signaux pour le moins négatifs, qui pourrait faire craindre, et nous touchons du bois, un engagement tiède des populations, au regard de cette conduite unilatérale, voire cavalière, des choses.

Une observation attentive des changements intervenus dans la Nyanga aurait aidé à prévenir la levée de boucliers que l’on enregistre actuellement. L’élite des années du parti unique est devenue ultra-minoritaire, pour ne pas dire résiduelle. L’élite actuelle est constituée de la génération post-conférence nationale et, surtout, des générations de l’essor des technologies de l’information et de la communication marqué par l’invasion des réseaux sociaux, synonyme d’ouverture au monde.

Par ailleurs, le découpage administratif s’est naturellement accompagné du désir des habitants de chacun des six départements de « s’autodéterminer ».  Entre autres, chaque chef-lieu réclame son lycée avec internat. Le collège est déjà une réalité partout. La quête d’émancipation va jusqu’à la revendication d’un centre d’examen du Brevet d’études du premier cycle et même du baccalauréat. Jusque-là, seule la capitale provinciale jouit du second privilège.

Dans le temps, tous les étudiants de la province se réunissaient en une seule et unique association, l’Amicale des étudiants de la Nyanga (AEN). De nos jours, la démographie aidant, chaque département a sa structure estudiantine. L’AEN est devenue une sorte de fédération, à qui l’on doit d’ailleurs le concept de « repas de la fraternité ».

Tous ces paramètres pris en compte, vouloir maintenir la mode de l’homme providentiel est une entreprise périlleuse parce que porteuse de frustrations et, donc, de germes de tumultes. Elle est logiquement vouée à l’échec. Le nouveau management des ressources humaines doit coller à l’ère du temps, à la marche du monde nynois. Il devrait consister à promouvoir des « think tank » départementaux, qui se retrouveraient dans un mouvement fédérateur à même de mener des réflexions d’ensemble fécondes. Ainsi est pointé du doigt l’échec d’un modèle de gouvernance géopolitique aujourd’hui suranné, vermoulu, le leadership vertical, dont il convient de sortir pour proposer autre chose qui soit plus inclusif : le leadership horizontal, qui porte, au cœur de son action, un citoyen engagé, car parfaitement au fait de ses droits-libertés et de ses droits-créances.

La présente réflexion n’a pour vocation que de contribuer à une vie sociale et politique harmonieuse sur la terre sacrée de nos ancêtres.

Martial Idoundou, journaliste indépendant

Sosthène Boussougou-Houenou, enseignant-chercheur

 
GR
 

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