Le discours idéal d’Ali Bongo Ondimba
Touché au vif, comme de nombreux Gabonais, par le storytelling du président de la République évoquant, le 2 avril dernier, les rares souvenirs – très émouvants – de son accident vasculaire cérébral (AVC) survenu en octobre 2018, Abslow, le chroniqueur de Gabonreview, en a tiré, comme bien d’autres, une ultime conclusion : Ali Bongo gagnerait à ne pas se porter candidat à la présidence de la République en 2023. Un discours type à cet effet lui est ici suggéré. Politique-fiction.
À l’occasion de la célébration du 12 mars, Ali Bongo Ondimba (ABO) a touché de nombreux gabonais avec sa confession sur les circonstances de sa maladie. S’il a réussi à attendrir certains, certains autres estiment qu’il s’agissait d’un exercice de manipulation des masses par les sentiments. Moi je veux bien croire qu’il y avait dans ses propos une part de vérité et une grande dose d’humilité. Cependant, cet épanchement a révélé le grand trouble qui habite l’homme et l’urgence de clarifier ses intentions.
Personnellement, j’ai vu un homme en proie au doute face à l’avenir du Gabon. S’il a bien compris que le miracle de sa survie est un sursis que Dieu lui a accordé, il ne semble pas savoir que faire de ce sursis. Les insensés lui conseilleront sans doute de poursuivre sa mission à la tête du Gabon, mais la voie de la sagesse à laquelle je souscris, l’invite à une orientation différente. Elle consiste à choisir la seule option qui réhabiliterait son image aux yeux des gabonais. Il lui suffirait pour y parvenir de prononcer le discours idéal suivant :
« Mes chers compatriotes,
Je viens de boucler par la capitale de la province de l’Estuaire, une tournée provinciale qui m’a permis de communier avec le peuple gabonais. Du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest de notre pays, j’ai pu rencontrer les Gabonaises et les Gabonais de toutes conditions, de toutes confessions et de toutes générations, qui m’ont témoigné leur attachement et leur affection. Je voudrais ici, la main sur le cœur, leur dire merci, akiba, diboty, akewa,
À tous ces compatriotes qui se sont mobilisés pour m’accueillir partout où je suis passé, je ne leur témoignerai jamais assez ma profonde gratitude et la grande reconnaissance de ma famille biologique et politique. Croyez-le, après ce que j’ai traversé, votre affection si constamment et diversement exprimée, est la meilleure thérapie qui m’ait été prescrite depuis ma maladie. Oui, chacun de vous aura été mon médecin pour m’aider à lutter contre cette maladie qui m’a frappé en octobre 2018 en Arabie Saoudite.
Mes chers compatriotes,
Beaucoup ont vu en cette tournée provinciale une démarche opportuniste liée à la future élection présidentielle à laquelle nombreux d’entre vous appellent à ma candidature. Mais j’ai surtout entrepris cette tournée qui vient de s’achever pour vous remercier et vous témoigner en retour mon affection et mon admiration. Car vous êtes sans conteste un peuple extraordinaire. Et la maladie m’a fait réaliser encore un peu plus l’urgence de bâtir pour ce peuple extraordinaire vivant dans un pays tout aussi extraordinaire, un destin extraordinaire.
Aussi, après avoir tant souffert au cours des 5 dernières années durant lesquelles j’ai affronté cette terrible maladie, au prix de douleurs physiques et psychologiques, parfois au prix d’humiliations publiques en lien avec ma motricité réduite, pour continuer coûte que coûte à servir mon pays, je crois avoir donné le meilleur de moi-même pour honorer le mandat que vous m’avez confié en 2016. Comme je l’avais déjà dit lors des festivités du 12 mars dernier, seul Dieu a permis ce miracle dont je continue de décrypter le sens et de scruter la portée.
La seule certitude que j’ai aujourd’hui c’est que notre cher pays le Gabon mérite qu’on s’occupe de lui avec plus d’abnégation, de concentration et de consécration. Toutes choses que mon état physique ne peut plus garantir à 100%. C’est pourquoi, mes chers compatriotes, après avoir mûrement réfléchi, après m’être concerté avec ma famille, après avoir consulté mes amis d’ici et d’ailleurs, en parfaite cohérence avec ma foi renouvelée en Dieu, ai-je décidé de ne pas me porter à nouveau candidat à la présidence de la République en 2023.
Mes chers compatriotes,
Cette décision lourde de sens et de conséquences, est une partie de la réponse que je veux apporter à la clémence de Allah de m’avoir épargné ce matin du 24 octobre 2018 à Ryad. Mais cette décision à elle seule ne suffit pas à répondre à son invitation à œuvrer pour un Gabon meilleur. Il faudrait en plus qu’elle soit porteuse d’un renouveau qui garantira à court, moyen et long terme, un développement accéléré, harmonieux et équilibré du Gabon, développement fondé sur une démocratie revigorée et véritablement revivifiée.
C’est pourquoi, en ma qualité de Distingué Camarade Président du Parti Démocratique Gabonais, héritier du Président Fondateur, El Hadj Omar Bongo Ondimba, dont je ne doute pas qu’il approuve, de là où il est, la présente orientation, j’ai décidé que le candidat du PDG à la future présidentielle sera issu d’élections partielles organisées en son sein dans les prochaines semaines. A cet effet, le Secrétariat Général et le Comité des Sages sont instruits immédiatement de travailler à l’organisation de ces partielles pour en établir les règles et les modalités dans les plus brefs délais.
A ces élections partielles, j’émets le souhait qu’aucun membre de ma famille biologique ne soit candidat, pour permettre de lui donner toutes les chances de transparence nécessaires. En effet, après près de 7 ans sans aucune communion familiale avec mes frères et sœurs, du fait de mes lourdes charges et de ma lourde pathologie qui a suivi, j’ai plus que besoin de me consacrer à eux. Ce sera le seul et unique mandat auquel je voudrais désormais me consacrer corps et âme. Qu’il plaise à Dieu que les maux du Gabon ne soient plus jamais associés à la famille Bongo Ondimba.
A la classe politique gabonaise, membres du Parti Démocratique Gabonais, des partis de la majorité présidentielle et enfin de l’opposition et à nos partenaires extérieurs, je voudrais humblement les inviter à accompagner cette nouvelle donne politique. Notre pays a déjà traversé des périodes difficiles dans sa marche tatillonne vers un Etat démocratique plus abouti. Nous voilà face à une nouvelle étape tout aussi déterminante. Mais, seul notre génie politique mêlé à notre fraternité inébranlable, nous permettra de franchir ce nouveau palier décisif. Je ne doute pas que chaque Gabonais saura s’en montrer digne.
Mes chers compatriotes,
Je voudrais vous dire enfin combien j’ai été heureux de vous servir au cours des 14 dernières années. Avec humilité, je sais que tout n’a pas toujours été parfait, mais je puis vous assurer que je m’y suis investi du mieux que j’ai pu. J’assume donc toute ma part d’échecs et de victoires. Il vous revient désormais de choisir parmi tant de valeureux compatriotes qui aspirent à la magistrature suprême, celui qui mènera notre pays vers le progrès. Vous devez être à la hauteur de cette responsabilité. Je reste comme tous les gabonais à la disposition de mon pays pour continuer à le servir partout où besoin sera. Vive le Gabon et que Dieu bénisse notre pays ! »
Ce discours sorti tout droit de mon imaginaire reflète sans doute la naïveté d’un modeste analyste de la vie politique de son pays. Mais ce discours rêvé par moi et sans doute par une majorité d’autres gabonais, n’aura sans doute jamais lieu. Mais il aurait pourtant beaucoup de sens et de bon sens tant il paraît être la seule façon pour Ali Bongo Ondimba de sortir sans heurts et avec honneur de l’inextricable situation dans laquelle le Gabon se trouve. Il épargnerait à lui-même et à sa famille de grands tracas. Car le risque serait trop grand de tout perdre en cas de nouvelle débâcle électorale.
Que le Président Ali Bongo Ondimba ne m’en veuille donc point de penser à sa place et de lui prêter les mots. N’en déplaise à ceux qui refusent de décrypter le sens de sa confession publique devant plus de 20 000 personnes au Palais des Sports, et qui entendent à tous les prix de continuer à tirer profit de sa maladie et des faiblesses qui en résultent, la meilleure façon de servir le Gabon aujourd’hui n’est pas de s’obstiner mais au contraire de s’éclipser en lui donnant les moyens de changer radicalement de paradigme.
ABSLOWMENT VRAI !
5 Commentaires
Il ne peut pas abandonner le pouvoir, c’est impossible, le niveau d’addiction est tel que s’il faut qu’il rampe au lieu de marcher, il préfèrera ramper , pourvu qu’il soit au pouvoir….sa propre image, il s’en moque , je me demande bien ce qu’on fait au bon Dieu!!!
Très bonne analyse cher Ami, mais malheureusement Bongo ne sera jamais l’égale de Mandela, pour en arriver là il faut avoir la sagesse de Madiba ,l’intérêt est trop grand assis lui sa famille et ses amis sur les milliards du Gabon ,sieur Billibize de dire à qui veut l’entendre que le pdg n’a pas l’intention de passer la main ,pour dire à tous ceux de l’opposition qui s’agitent avec des déclarations de candidatures que la machine est en marche et rien ne pourra arrêter cette course effrénée de l’argent d’ali bongo et ses amis, et c’est pas par une simple élection organisée proclamée validée par les siens qu’il partirons du pouvoir non mais par d’autres moyens ? Plus radicaux.
On peut toujours rêver mais pas de Père Noël chez les musulmnas…
Bonjour,
Cette tribune tend vers le romantisme (1) voire le romanesque. Il est susceptible qu’on l’assimile à un scénario de la prochaine série sur Netflix dans son épisode 1. Plus sérieusement, l’article est intellectuellement élaboré. Construit! Profond dans le sens de la hauteur (2). Vous êtes le « Mont Iboundji du savoir ». Il montre surtout que « ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément (3) ». Mais en filigrane, vous nous posez une équation « morale » qui est complexe à résoudre. Personnellement, je préfère résoudre des équations mathématiques sous contrainte.
Un exemple. Supposons la fonction du second degré à une inconnue qui suit: f(x)=3×2-x-4. Pour résoudre cette équation, j’utilise la formule du discriminant (appelé aussi delta): b2-4ac. Sachant que a=3, b=-1 et c=-4, dans ce cas précis, l’équation a deux solutions (-1;4/3) puisque delta=49>0.
La candidature du Président sortant, pour ma part, ne fait aucun doute. Je me fonde sur les récents arrangements institutionnels. Ils sont incitatifs pour porter cette candidature à terme. Pourquoi faire tant de « bwiti » (4) pour que cette candidature n’ait pas lieu à la fin? Mais ce n’est pas le sujet que vous traitez. Vous posez son retrait de la vie politique sous forme d’une équation « morale ». Cependant, il y a une variable au bout de l’équation: le temps. Cette dimension est bien réelle. Mais devant nous. A. Einstein disait que « le génie, c’est celui qui a la réponse avant la question ». On n’est pas des « génies »!. Juste les témoins d’une (H(h))istoire à venir qui est déjà en marche.
(1) s’oppose au courant de la rationalité et au classicisme du siècle des Lumières;
(2) Certains parus dans ce e-journal vont parfois dans le sens du creux;
(3) Nicolas Boileau;
(4) Concertation « virile » et vote au parlement.
Cordialement.
Bonjour,
Pour la petite histoire…
Franklin Delano Roosevelt, 32éme Président des Etats-Unis, qui a signé les accords de Yalta (1945) en compagnie de W. Churchill et de J. Staline, était sur chaise roulante. Il a exercé le pouvoir de 1933 à 1945 (année de sa mort). J.F. Kennedy ne pouvait pas se tenir debout en raison d’un mal de dos horrible. F. Mittérand, en dépit de son cancer, est resté 14ans au pouvoir sous la 5ème République française. Rajoutons W. Churchill qui était un alcoolique avéré. Peut-on supposer à la lumière de ces quelques exemples l’existence d’une contradiction (contre-indication) entre la maladie et l’exercice du pouvoir? Peut-on le voir, l’admettre ou l’accepter ainsi? Que nous soyons de gauche ou de droite! C’est là où réside l’équation morale. Mais c’est un autre sujet. Je précise que je suis factuel.
Cordialement.