Crise à Pizolub : Une dette de 3 milliards et 683 millions de FCFA de dépenses injustifiées
Au moment où deux camps s’accusent mutuellement d’être à l’origine du climat délétère qui prévaut actuellement au sein de la Société Pizo de formulation de lubrifiants (Pizolub SA), des informations recueillies par Gabonreview auprès des sources internes à l’entreprise détenue en majorité par l’État gabonais et auprès d’un auditeur font état de dettes colossales, d’importantes dépenses consenties par la direction générale précédente sans justificatifs et des effectifs pléthoriques, à l’origine des tensions entre une partie des salariés et le comité de direction en place.
Une entreprise au bord du gouffre. C’est bien ce que Pizolub SA est devenue après 42 ans d’existence, au point que l’entreprise détenue à 52,83% par l’État gabonais vit désormais à son crochet. En cause : des tensions de trésorerie difficilement surmontables, mais auxquelles l’équipe dirigée par Jean-Marie Nkombe Wora, nommé en décembre 2020, entend bien venir à bout. Ce qui explique sans nul doute le «climat délétère» actuel décrié récemment par un collectif d’une dizaine de membres conduit par Placide Obame Assoumou.
Le chef du service Communication de Pizolub, qui fait l’objet d’une procédure en licenciement pour avoir distillé des informations jugées confidentielles dans la presse (il est lui-même promoteur du magazine Superstar), s’est notamment plaint des «abus et harcèlements» dont seraient victimes plusieurs employés de la part de la direction générale actuelle. Il craint un plan de licenciement et s’indigne du silence des responsables de l’entreprise au sujet des quatre mois d’arriérés de salaires dus aux employés.
À en croire des sources au sein de la boîte, le problème serait bien plus profond et dépasserait l’apparent conflit de personnes. En clair : tous les marqueurs de Pizolub SA sont au rouge. L’entreprise n’a plus d’argent, en témoigne les informations recueillies par Gabonreview auprès d’un auditeur réputé de la place.
683 millions de FCFA dans la nature
À l’arrivée de Jean-Marie Nkombe Wora à sa tête, au 31 décembre 2020, Pizolub SA affichait une dette de 3 milliards de FCFA auprès de sa principale banque, avec un taux d’intérêt à 8%. La dette fiscale de l’entreprise est également dans les mêmes eaux, en raison de l’absence de justificatifs apportés notamment par l’équipe dirigeante conduite par Guy Christian Mavioga.
L’ex-directeur général a en effet montré une curieuse légèreté dans l’utilisation de l’argent de la boîte, au point que les calculs faits sur les dépenses qu’il a consenties en 18 mois donnent un total de 683 millions de FCFA. Il s’agissait essentiellement de retraits en espèces auprès de la banque par des conseillers, la secrétaire et même le directeur des affaires financières (DAF).
Problème : ces retraits d’argent en espèces pouvant aller jusqu’à 40, voire 60 millions de FCFA, n’étaient presque jamais justifiés. «Les enveloppes étaient toujours remises en mains propres au DG», confie un de ses anciens collaborateurs. Conséquence : il n’a été retrouvé jusqu’à lors aucune trace de ces remises d’enveloppes, d’autant plus que le DG de l’époque se refusait à signer les décharges.
Pizolub paie donc en quelque sorte la trop grande générosité et le management approximatif de ses anciens dirigeants qui ont d’ailleurs continué d’embaucher à tour de bras malgré les tensions de trésorerie auxquelles l’entreprise (qui a perdu toutes ses certifications entre-temps) faisait déjà face.
Beaucoup trop d’employés
Si Pizolub SA connaît la crise en ce moment, c’est aussi du fait de ses effectifs pléthoriques. De 32 jadis, actuellement, l’entreprise compte 153 salariés. De l’avis d’un auditeur, c’est beaucoup trop pour une boîte dont la production s’est vue fortement ralentie au cours des dernières années, et encore plus à cause de la pandémie de coronavirus. Il faut élaguer en identifiant les personnels essentiels.
Pourtant, c’est bien le contraire que les deux anciens DG de la boîte ont fait. Les effectifs ont été multipliés par 5 entre 2015 et 2020 : M. Pono Opape aurait recruté 48 personnes et M. Mavioga 70, tous en CDI, y compris en avril 2020, soit au moment où l’entreprise cumulait déjà des mois d’arriérés de salaires. Le cabinet du dernier DG, une nouveauté dans la boîte, comptait 11 membres dont l’importance n’était pas prouvée.
Comme quoi, le problème de Pizolub dont les dirigeants actuels assurent faire de leur mieux pour sortir la tête de l’eau est bien plus profond, au point que certains en prônent désormais la dissolution. Ce qui serait loin d’arranger les choses au regard du phénomène du chômage dans la capitale économique.
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