Se définissant simplement aujourd’hui comme un «acteur politique», Julien Nkoghe Békalé, député du Komo-Mondah, ancien ministre du Pétrole et des Hydrocarbures puis de l’Agriculture, livre, à travers le libre propos ci-après, sa lecture du Dialogue politique ouvert ce 28 mars par le président de la République, Ali Bongo Ondimba.
Autour du Premier ministre, les représentants de la majorité et de l’opposition lors de l’ouverture du Dialogue politique, ce 28 mars 2017 à Libreville. © Direction de la Communication Présidentielle
 
Julien Nkoghe Bekale, acteur politique. © D.R.
Le Dialogue Politique National voulu par le Président de la République, Chef de l’Etat, Son Excellence Ali BONGO ONDIMBA est amorcé. Les thématiques qui y seront abordés sont connues et doivent aboutir aux réformes institutionnelles, électorales, à la consolidation de l’Etat de droit, à la modernisation de la vie publique et à la consolidation de la paix et de la cohésion nationale
Ces importantes  assises ont ceci de particulier ; c’est qu’elles vont se tenir vingt-sept (27) ans après la Conférence Nationale de 1990 et vingt-trois (23) ans après les Accords de Paris de 1994.
Le bilan de ces deux décennies de vie constitutionnelle  montre que la démocratisation de notre pays reste encore à parfaire. Le constat qui s’impose objectivement est que notre modèle démocratique ainsi que les institutions qui le sous-tendent ont besoin des réformes consolidantes pour s’enraciner véritablement comme le seul cadre légitime de la compétition politique. En effet, les consolidologues, c’est à dire les spécialistes de la consolidation démocratique considèrent que l’un des meilleurs critères d’appréciation de la solidité d’une démocratie est l’adhésion des acteurs politiques à la procédure démocratique comme instrument de régulation du pouvoir des institutions. Autrement dit, c’est le fait que les acteurs politiques excluent de leur modus opérandi, même en situation de crise ou de conflit, toute action s’inscrivant en dehors des procédures démocratiques.
A l’analyse et à l’observation objective du modèle démocratique  gabonais,  l’on est tenté de dire qu’au Gabon, la démocratie existe sans démocratie, c’est à dire sans l’esprit qui fonde la  philosophie politique démocratique : la limitation du pouvoir par le pouvoir. Aujourd’hui, dans quelle mesure pourrons-nous affirmer  que les institutions politiques gabonaises sont organisées de manière à ce que «  le pouvoir arrête le pouvoir ».
Vingt-six (26)  ans après l’adoption de notre Constitution en 1991 et en dépit  des modifications subséquentes, le modèle institutionnel gabonais  demeure un régime hybride que les constitutionnalistes  hésitent à classer dans les démocraties dites « parfaites » en raison de la prégnance  des réflexes autoritaires   chez les élites dirigeantes, nonobstant, l’existence formelle d’institutions démocratiques.
Certes, les acquis notables ont été obtenus et enregistrés, notamment sur le plan  du libéralisme politique, mais la transition vers un véritable Etat de droit démocratique reste encore à réaliser.
Pour améliorer notre processus démocratique dans le sens de la consolidation, il est impérieux que la classe politique, toutes tendances confondues, s’accorde sur les règles minimales du jeu politique à travers des reformes consolidantes.
Reformer la démocratie gabonaise, c’est éviter à notre cher pays d’inutiles conflits politiques aux conséquences désastreuses et dont la signification profonde est à rechercher dans le déficit  de dialogue entre élites politiques d’une part et entre élites politiques et citoyens d’autre part.
Pour remettre en selle le projet démocratique auquel les citoyens n’ont cessé d’aspirer légitimement depuis l’indépendance, la voie du salut demeure celle du dialogue démocratique entre tous les acteurs  du jeu politique.
A un moment où les mécanismes de régulation sociale sont en crise du fait de la crise de confiance entre les citoyens et les élites, avec la tenue du dialogue politique national en cours, nous avons là une occasion unique, voire  historique de réinterroger notre façon de résoudre nos problèmes,  d’adopter la posture et la démarche idoines afin de ne pas répéter les erreurs du passé et de sortir de cette fâcheuse tendance à travailler dans l’urgence afin d’imaginer des solutions durables.
Seule l’amorce d’un tel processus peut permettre au Gabon de prétendre  à «  l’émergence »  et d’occuper pleinement  et crânement sa place  dans la catégorie des pays dits démocratiques par la communauté internationale. En effet, il ne fait aucun doute  que la consolidation  de la démocratie  ne peut se réaliser sans un minimum de prospérité économique et de justice sociale.
Or, la réalisation  de ces deux idéaux est elle-même tributaire  de la qualité de la gouvernance démocratique, dans la mesure où le développement  est intrinsèquement imbriqué à la dynamique qui organise la compétition politique  dans la cité. Démocratie et développement sont donc indissociables et complémentaires.
À cet effet, l’un des enseignements à tirer de la crise socio politique que traverse le Gabon est que l’émergence d’une classe moyenne induite par la modernisation  socio-économique ne saurait combler la quête légitime de liberté, d’égalité et de justice, valeurs cardinales de la démocratie.
Nous avons donc grand intérêt  et tout à gagner à asseoir  un dialogue démocratique fécond et sincère qui aboutirait  à des réformes politiques  et institutionnelles consensuelles, gage de stabilité politique et de développement.
Nul doute que  beaucoup de propositions, riches et pertinentes, seront formulées et débattues à l’occasion de ces assises. La nature  des réformes à mettre en œuvre peut faire l’objet de divergences au sein de la classe politique et la société civile.
Nous identifions deux approches possibles sur l’orientation des réformes politiques et institutionnelles. La première approche est celle de la « Constituante » ; mais cette approche s’inscrirait dans un cadre extra constitutionnel ; la deuxième  approche est celle qui consisterait à considérer que les institutions actuelles sont bonnes et solides. Elles ont juste besoin d’être consolidées. Cette dernière approche, plus réaliste et plus pragmatique, correspond aux nécessités politiques du moment.
Les réformes politiques et institutionnelles touchent plusieurs aspects de notre projet démocratique et tous les acteurs politiques reconnaissent l’opportunité d’un saut démocratique qualitatif à même d’organiser les institutions politiques gabonaises de manière à ce que le pouvoir arrête le pouvoir.
La consolidation démocratique  exige que des rapports sains et  courtois s’instaurent entre les acteurs politiques, lesquels sont des adversaires et non des ennemis. Une telle posture comportementale procède de l’assimilation des valeurs de tolérance et de «  fair play politique » qui sont essentielles dans la régulation de la concurrence politique.
Nous devons donc saisir cette opportunité, qui nous est offerte par le Président de la République, Son Excellence Ali BONGO ONDIMBA, pour poser les fondations de la reconstruction politique de notre pays en vue de franchir une nouvelle étape de liberté et de l’émancipation personnelle de chaque gabonais et de chaque gabonaise.
Julien Nkoghe Bekale
Acteur Politique.
 

 
GR

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