Lus, vus ou entendus çà et là, articles et reportages ne sont pas toujours neutres. Dans certains cas, ils procèdent de règlements de comptes ou d’opérations de déstabilisation commanditées par des personnalités extérieures au métier de journaliste. Petit regard sur un phénomène qui a désormais pignon-sur-rue en terre gabonaise.

© philstar.com
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Dans tout pays démocratique, le temps des élections est aussi celui de la mise en œuvre des stratégies de conquête du pouvoir voire de déstabilisation des potentiels adversaires. Les cibles désignées en sont parfois réduites à ne constater que les dégâts. Et pourtant, le journaliste est supposé informer la population de ce qui se passe autour d’elle ou de ce qui aurait dû se passer : les mesures qui devraient être prises par exemple, ou une situation qui ne s’arrange pas. Arbitre entre le pouvoir et la population sur la gestion, d’une part, et le comportement, d’autre part, le journaliste a principalement pour mission de recueillir des informations, puis écrire des articles ou publier des reportages (écrits, audio, photo ou vidéo), en consultant des sources qui peuvent être des dépêches d’agences de presse ou toute autre documentation diverse, allant de l’avis de spécialistes aux témoignages de personnes à qui il garantit la protection des sources. Il a donc avant tout un rôle de vigie de la société et de la chose publique. En d’autres termes, c’est «le gardien du temple». Cette mission d’informer n’est pas toujours si simple : la vérité a un prix. Et donner toutes les informations ne constitue pas forcément un gain dans la quête de démocratie, chaque média ayant la latitude de relayer une information en lui donnant un sens différent.

Au Gabon, l’on constate que les médias sont victimes de la «société du spectacle» et d’une marchandisation croissante. D’où ce problème des articles commandités qui parfois dénoncent des vérités mais qui, pour l’essentiel, sont des «ramassis de commérages, de mensonges, de diffamation, de jalousie et de règlements de comptes», selon le propos d’un homme politique. Face à la précarité dans laquelle végètent les journalistes, notamment ceux de la presse privée, l’argent fait «facilement le bonheur». «Pour quelques billets, un journaliste est capable de tailler un papier à la dimension de celui qui en a besoin. L’argent arrange les choses puisqu’il peut au moins permettre de payer le loyer», note un journaliste qui vient à peine de créer son site internet d’informations. Pour ainsi dire, cette indigence financière donne l’opportunité aux politiques «véreux» de régler leurs comptes sans se salir les mains. «Comment croyez-vous que tous les jours, dans nos journaux, on révèle des dossiers brûlants ou dénonce les agissements d’une personnalité ou d’une autre ? On insulte, on utilise un langage ordurier pour qualifier certains. C’est parce qu’il y a des gens dans l’ombre qui tirent des ficelles. Des gens qui paient pour se blanchir, pour régler leur compte à d’autres», poursuit ce journaliste, qui souligne que c’est «tout cela qui exacerbe les haines, les rancœurs…»

Se disant généralement proche de telle ou de telle autre personnalité, chacun se débrouille pour faire flancher l’adversaire, quitte à utiliser des méthodes peu orthodoxes. «Il n’est pas un crime, pas un truc, pas un sale coup, pas une escroquerie, pas un vice qui ne perdure sans le secret qui l’entoure. Exposez ces faits au grand jour, décrivez-les, attaquez-les, ridiculisez-les dans la presse et tôt ou tard l’opinion publique les chassera», disait Joseph Pulitzer. En lisant ces lignes, l’on comprend que le respect de la dignité humaine, le respect des normes et des fondements de ce métier qui se veut noble, doit accompagner le journaliste. C’est en cela que Michel-Antoine Burnier et Patrick Rambaud déclaraient : «L’un des principes du journalisme moderne, c’est de ne heurter personne pour conquérir le maximum de lecteurs». Vu sous cet angle, le cas du Gabon, notamment en cette période d’avant élection, mérite une réelle attention. Car, qu’on le souligne, «la morale et l’éthique dans le métier ont foutu le camp». «Je croirais vraiment à la liberté de la presse quand un journaliste pourra écrire ce qu’il pense vraiment de son journal. Dans son journal.», disait Guy Bedos.

S’il est clair que chaque journal et chaque journaliste entendent jouir de ce principe qu’est la liberté de presse, l’on devrait saisir qu’il ne s’agit pas de mener une liberté incontrôlée, mais simplement de rapporter une nouvelle lorsqu’il s’avère nécessaire de la divulguer. Car, «toute vérité n’est pas bonne à dire». Ce principe relève du bon sens. Il aide à ne pas allumer des feux là où il faut plutôt les apaiser et les éteindre.

 

 
GR
 

9 Commentaires

  1. L'AUBE dit :

    Très cher confrère Gabonreview, nous venons de lire avec un grand intérêt votre papier sur le mercenariat de la plume. Malheureusement la problématique posée par votre article est une triste réalité dans notre pays. La presse est à l’image de notre société : malade, malade du système, malade des hommes…conséquence l’environnement gabonais est tout, sauf porteur d’espoirs. Cependant, il faut éviter les amalgames. L’AUBE condamne fermement le mercenariat. C’est pourquoi nous sommes totalement indépendants du pouvoir politique et du pouvoir financier. Nous écrivons avec une plume « débout » et non « couchée », parce que nous ne sommes pas dans la compromission. Nous avons choisi ce métier par passion et non pour s’enrichir. Au reste, dans notre dernier numéro, nous avons qualifié le ministre du Travail « de voleur professionnel ». Nous attendons sa plainte. S’il ne fait pas, une boîte spéciale sera dédiée à ce personnage haut en couleur. Cher Gabonreview, sur ce fait précis, peut-on parler de mercenariat? Le journaliste nettoie aussi l’environnement socio-politique pour qu’il soit à l’aune des espérances de tous. Attention, Gabonreview pourrait être qualifié de faire le service après vente des articles des confrères. Entre nous, cet article n’est-il pas lié à Atangana? Question pour question : un camerounais vole-t-il au secours d’un autre camerounais en maquillant le lieu du crime à travers l’amalgame? En clair, chacun de nous doit balayer devant sa propre porte.

    • Isaac ABAGA dit :

      L’AUBE répond d’un coup de maître. Je n’en dirai pas plus ! À part faire remarquer qu’il y a qu’un autochtone pour comprendre les maux de son peuple, et qu’il n’y a qu’au Gabon que les étrangers, devenus hommes grâce à ce pays, s’érigent en donneurs de leçons.

  2. eyeghe dit :

    L’aube vous connaisez cet metaphore le bossu ne voit pas pas sa bosse m’ais celle de l’autre. Car il vous va comme un gant car meme si je n’aprecie pas vos articles j’essaye de les lires, vos gros titres ne font que dans le sensationle pour attirer le lecteur et bien souvent sans aucune deontologie journaliste juste par defis, et vous le dite bien le Ministre n’a qu’a porter plainte et si il le faisait vous seriez les premier a crier au loup en disant qu’on s’attaque a la liberte de la presse on vous laisse ecrire et vous vous targuer d’avoir raison c’est vraie qu’analyser sous cet angle vous etes dans l’autosatisfaction.Ayez un peu la modestie de laisser aux autres reconnaitre votre valeur aulieu de vous dresser des laurriers.

    • L'AUBE dit :

      C’est trop facile comme raccourci.Si vous n’appréciez pas nos articles, c’est normal, ils dénoncent les maux de notre société. Non, rassurez-vous, nous ne faisons nullement dans l’autosatisfaction. Pour le ministre du Travail, nous signons, persistons, maintenons, le chargé d’affaires du Gabon à Londres, Simon Atangana est un voleur. Jamais aucun journal au Gabon n’a défié un ministre de la République de la sorte. Il sait pourquoi il este pas en justice: il est coupable. Lisez la suite!!!!

  3. Bill Ngana dit :

    Il est intéressant de constater que le journal « L’Aube » a fait son travail. Et qu’ici, dans les colonnes ci-dessus où il repère des atomes crochus dirigés contre l’un de ses articles, il persiste et signe. Malheureusement, nous sommes sous l’équateur : c’est la Justice, avec un grand J, indépendante et altière, qui devrait se lever et dire le droit. Pour que notre démocratie s’illumine… !

    • L'AUBE dit :

      Merci Bill Ngana. La classe politique ridicule souvent les journalsites. Cette fois, nous exigeons que le ministre du Travail nous porte plainte pour diffamations….Nous sommes prêts. Si d’ici vendredi, ce n’est pas fait, lundi la terre va trembler. Vous doutez, parions!

  4. N'importe quoi dit :

    Tsoooooo, les Gabonaisoooooo, ne cherchez pas des poux là où il n’y en a pas. Gabon Review est habitué à faire des articles pareils. Ça ne sert alors à rien de venir crier au loup. Est-ce que l’Aube est le seul journal dans cette situation ? Même Gabon review qui écrit mieux que ça ne peut pas être hors du reproche qui est fait dans l’article. Est-ce que le sujet abordé est-il faut ? Nooooon ! Alors, il ne devrait pas avoir un tel débat, l’Aube fait son travail et Gabon review aussi, ne laisser pas cet aspect pour créer des problèmes inutiles.

  5. akame djinne dit :

    Bonsoir à tous. Très heureux de constater la vitalité de notre presse au Gabon, malgré certains travers qui continuent à brider quelques professionnels du journalisme qui, par opportunisme ou par veulerie, font le choix de l’autocensure quand il faut conspuer les turpitudes et les laideurs morales de nos dirigeants. Dénoncer un supposé mercenariat dans la corporation? Pourquoi pas? S’alarmer du ton irrévérencieux des hommes de plume de la presse indépendante? Le CNC ne se gêne pas de sévir lorsque la ligne jaune est franchie. Et lorsque le coup de plume porte atteinte à l’honneur d’une personnalité, les voies de recours sont prévues par la loi, non? Dans ce cas, l’article de Gabonreview, que je trouve intéressant quoique procédant d’un angélisme tendancieux, semble mener un combat d’arrière-garde, qui consisterait à prescrire aux journalistes leur style, et à proscrire des sujets qui fâchent. C’est oublier que dans une société en démocratisation comme la nôtre, la liberté d’expression est la principale arme contre les mentalités antidémocratiques des responsables politiques, et de ce fait on peut pardonner à nos journalistes leurs excès qui sont sans commune mesure avec le népotisme, la prévarication, la corruption industrielle, etc. des dirigeants de notre jungle républicaine. Comme vous le reconnaissez si bien, aucun article, aucun reportage n’est neutre; tout acte d’écriture est déjà une prise de position, et pour l’honneur du journaliste nous avons la faiblesse de croire qu’il prend d’abord position pour la vérité. Mais le fait que la vérité passe par de multiples voies pour voir le jour ne signifie pas qu’il y ait autant de vérités que de journalistes. Un ministre qui aurait volé, puis demandé qu’on écrive le contraire, gaspillerait son argent car tout l’or qu’il dépenserait ne changerait rien au fait qu’il soit un voleur. Il n’y a qu’une seule vérité, celle qui vaille, celle qui n’a pas de prix, excepté celui de sa propre conviction. L’argent ne saurait acheter, ni taire la vérité. Cela suffit à montrer que le mercenariat, dans son principe et dans sa pratique, est un non-sens dans l’exercice libre du journalisme. Vive L’Aube, vive Gabonreview!

    • Geneviève Mendouang dit :

      Merci pour ce billet @kame djinne,

      vous êtes une personne qui connaît sa chose. Au que les autres viennent faire des procès d’intention et manifester leur relent belliqueux, voilà ce qu’ils devraient faire. L’article de Gabon review a un seul mérite: celui d’avoir eu le courage de lever la lumière sur une situation qui discrédite terriblement la presse gabonaise. Sur ce point, on leur reconnait d’avoir mieux fait. maintenant, tout ce qu’on peut dire de l’article dépend de la façon de voir et d’appréhender les choses de tout un chacun.Ici, je constate que personne n’est accusée. Il n’y a que la presse gabonaise qui devrait faire d’avantage d’effort pour rester neutre, même cette neutralité est le fruit de nos positionnement.

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