Malgré des révélations faites par la presse sur des scandales financiers, la Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite (CNLCEI) a du mal, depuis près de douze ans, à tenir son rôle : veiller à la bonne gestion des deniers publics et de procéder à des enquêtes délicates. Au moment où certains observateurs demandent sa dissolution pure et simple, car, vu ses résultats, elle commence à coûter cher au contribuable, la CNLCEI se doit plus que par le passé de sortir de sa léthargie. 

© facebook.com/cnlcei.ga
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Où est donc la CNLCEI ? Que fait-elle ? On a du mal à voir ce qui coince. La CNLCEI dispose depuis quelque temps déjà d’une administration d’une quarantaine de personnes, de moyens roulants et de textes législatifs et réglementaires pour dépister les gestionnaires indélicats. L’institution a aussi et surtout, à sa tête, des magistrats rompus à la tâche. Après deux magistrats de l’ordre financier -Pascal Ndzemba et Vincent Lebondo Le-Mali – entre 2003 et 2013, c’est au tour d’un magistrat de l’ordre judiciaire, Odounga Awassi, de présider aux destinées de cette autorité administrative indépendante. Qu’est-ce qui coince alors ? Pourtant, ce ne sont pas les cas de détournement qui manque.

Il est vrai que les magistrats n’ont pas beaucoup réussi dans l’organisation des élections au Gabon depuis la mise en place des autorités indépendantes comme la Commission nationale électorale (CNE), ancêtre de la Commission électorale nationale autonome et permanente (CENAP). Il est vrai que c’est un corps de métier qui n’a pas toujours bonne presse au Gabon, mais on avait quand même cru que, nommés pour diriger une institution comme la CNLCEI, les magistrats mettraient tout leur savoir-faire pour faire éclater la vérité, feraient infliger des sanctions aux mauvais gestionnaires et qu’ils feraient même -pourquoi pas ?- tomber des têtes.

Avant l’arrivée d’Odounga Awassi il y a une quinzaine de mois comme président de la CNLCEI, son prédécesseur avait affirmé que la corruption causait d’année en année une perte sèche de 500 milliards CFA aux caisses de l’Etat. Celui-ci s’était complu à n’organiser que des séminaires de sensibilisation devant conduire, croyait-il, les responsables financiers à une certaine orthodoxie. Mais il n’avait rien fait des ’’92 dossiers’’ qu’il disait détenir et qui allaient être instruits par la justice. Résultats des courses : il s’en est allé comme Pascal Ndzemba, avant lui, avec un bilan illisible et invisible. Les deux mandats de cinq ans assurés par l’un et l’autre se sont achevés sans qu’on ait pu voir un début de frémissement dans la mission qui est la leur de «lutter contre l’enrichissement illicite». Pourtant, les champs d’intervention de la CNLCEI sont immenses.

Des détournements de deniers publics, des indélicatesses en tout genre, souvent relayées par la presse, laissent l’autorité administrative indépendante de marbre. Il reste que ce mutisme de la «Commission de London» fait tâche dans un Etat qui a décidé d’assainir les finances publiques et d’asseoir une orthodoxie dans la gestion des deniers publics. Des institutions comme la CNLCEI devaient participer à cette nécessaire «révolution des esprits» que l’opinion appelle de tous ses vœux. Les autorités politiques n’ont pas, elles aussi, fait mystère de leur volonté de voir la CNLCEI passer enfin à l’action.

Mais que fait cette commission ? Que peut faire cette institution qui devait être classée parmi les institutions incorruptibles, dynamiques et efficaces de la République ? Trop embourbée dans un excès de prudence qui la confine à la léthargie, la CNLCEI semble avoir mis des œillères, et elle donne le sentiment qu’elle ne voit rien, qu’elle n’entend rien, et qu’elle n’a rien à dire. Dans des pays comme la France, une dépêche, un article de presse, un reportage radio ou télévisuel font réagir la justice. Des enquêtes sont parfois diligentées après une révélation par voie de presse. La CNLCEI qui suscite, depuis près de douze ans, du scepticisme dans l’opinion, est, bien que frappée d’une myopie originelle et apparemment incurable, à un tournant : ou elle perdra définitivement sa crédibilité si elle ne donne aucune suite aux dossiers en sa possession, et on devra la fermer, car elle commence à coûter cher au contribuable, ou elle donnera d’elle une image positive en montrant un peu de volontarisme. En effet, des universitaires et des ONG anti-corruption comme ’’Publiez ce que vous payez’’,  se demandent s’il ne vaudrait pas mieux renforcer les missions de la Cour des Comptes et dissoudre la CNLCEI.

En tout cas, alors que son prédécesseur avait demandé à être jugé sur ses résultats -qu’il n’a finalement pas eus, Odounga Awassi, lui, «ne dit rien, ne fait pas grand-chose», pour reprendre l’expression de Maître Louis-Gaston Mayila. Alors que Vincent Lebondo Le-Mali voulait marquer les esprits par des actions spectaculaires – il ne s’était finalement limité qu’à des séminaires et conférences de presse, la position du président actuel faite de discrétion et d’un effacement total, est incompréhensible et plutôt embarrassante pour les institutions internationales qui en avaient sollicité la création et pour les garants d’une nouvelle gestion des fonds publics. Comment entend-il faire de la CNLCEI une institution reconnue et respectée, une structure à l’indépendance affirmée, dont les décisions seraient peu critiquées ?

Au moment où le gouvernement vient de lancer, à travers la Cour des Comptes et les services de renseignement, une opération ’’mani pulite’’ (mains propres) à la gabonaise – de nombreux administrateurs de crédits sont en effet auditionnés depuis quelque temps à la Cour des Comptes, à la DGR et au B2-, Odounga Awassi et ses collaborateurs ont là une occasion de «se montrer» face à la haute administration et à ses gestionnaires dévoreurs de fonds publics et corruptibles à souhait !

 

 
GR
 

10 Commentaires

  1. maak dit :

    Awassi encore pire que les autres cest a dire bilan fantomatique .

  2. jean jacques dit :

    Ils ont quel pouvoir? pitier….ils mangent leurs millions chaque fin du mois graduit l’argent du contribuable gabonais qui va dans leurs poches.

    On parle de la creation d’une cours contre ces crimes financieres, vraiment si ceux la n’arrivent pas cette cours ne va plus s’appeler cours mais le terrain.

  3. Bouka Rabenkogo dit :

    Il faut commencer par Ali Bongo Ondimba qui entretien la tradition de « Voler à Soit Même » établit par Albert Bongo (son père adoptif) et son clan, qui sont incapables de justifier aujourd’hui, la provenance de leur immense fortune.
    « La charité bien ordonnée commence par soit même »
    Vous avez transformer tous les gabonais en voleur de leur propre richesse. Le mouvement « ÇA DOIT SE FAIRE MAINTENANT » soutien à 100% le propos du Révérend Mike Jocktane qui appelle au départ d’Ali Bongo pour l’Avènement de la « Nouvelle République » et d’une « Nation ».
    « Le Patriote »

  4. Le maréchalat du Roi Dieu dit :

    «lutter contre l’enrichissement illicite» : aucun Gabonais n’y croit ,on sait tous qui sont les voleurs de la République ,on sait ou les trouver .Alors tout cela est de la pure distraction, en 12 ans quel bilan de la CNLCEI?

  5. l'observateur dit :

    Les pauvres est ce vraiment de leurs fautes ? ils subissent le même sors de toutes nos institutions impuissantes, parce que notre pays « les hommes forts  » de la présidence et des partis politiques contrôlent tous ,la preuve ils s’attaque à leurs adversaires de l’opposition pour les détournements de fond public quelle blague mon Dieu .
    je pense que le gabon n’a pas besoin de cette commission il faut juste de donner les moyens qu’il faut à la cour des comptes et nos agents de la police judiciaire le pouvoir qu’il faut, ils sont capables de bien faire se travail.
    Tous le reste n’est que diversion pour plaire aux bailleurs de fond pour faire croire que notre pays lutte contre les crimes économiques.
    Reformons toutes nos institutions elles seront toutes plus efficaces,je sais que notre pays a encore des dignes fils et filles de bonne foi et compétents qui peuvent bien faire leurs travail si toutes les conditions sont réunies .

  6. Kleths dit :

    Je préfère en rire…Cette institution sert à tout sauf à traquer les détournements. Il faudra un jour qu’on réfléchisse réellement à ce que deviendra ce pays dans les prochaines années. Par nos comportements, nos compromis mais surtout nos compromissions, nous conduisons ce pays dans un gouffre sans fond dont il faudra des décennies pour en sortir. Certains me diront qu’ils ne seront plus là pour vivre une telle déchéance, mais quelle trace laisserons nous à notre progéniture ? Sommes-nous fiers de lire qu’en 12 ans d’existence cette institution n’ait pas pu mettre la main sur un seul bandit a col blanc? Ce genre de situation doit nous amener tous à un profond examen de conscience.

  7. albert dit :

    Au gabon avant d’accuser un type de détournement, même si tu as des preuves, il faut t’assurer que toi même tu n’as pas de bien acquis sur le dos de l’Etat.
    c’est le grand dilem des membres de cette commission et de tous les présidents qui y sont passés.

  8. Mouthou dit :

    Au Gabon, plus corrompu qu’un magistrat, tu ne trouveras pas…….!

  9. Pays Riche Peuple Pauvre dit :

    la CNLCEI qui fait passer des auditions à des instituteurs et petits fonctionnaires alors que les grands voleurs de la république sont connus…Et l’argent du contribuable pour « même pas rien ». Pitié du Gabon des Bongo et ses Amis

  10. o_nome dit :

    cette commission est elle même un DETOURNEMENT de fonds parce que inefficace (pas par manque de moyen ou d hommes a punir) mais parce qu’elle ferme les yeux VOLONTAIREMENT et a mon avis participe (en tant que témoin) au PILLAGE du PAYS.

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