Alors que plus aucune raison convaincante n’explique le maintien du couvre-feu, au Gabon, la violation de cette mesure prise au lendemain du coup d’État du 30 août 2023 semble désormais figurer au nombre des crimes les plus graves dont la répression donne lieu à des actes d’humiliation, voire de mise en danger de la vie d’autrui, à l’image des dernières interpellations effectuées à Libreville par la gendarmerie nationale.

Des personnes ayant violé le couvre-feu libérées après avoir été partiellement rasées. © GENA

 

À Libreville et dans toutes les grandes villes du Gabon, c’est l’exaspération. Et sur les réseaux sociaux, la colère commence à monter tant le maintien du couvre-feu est incompréhensible plus d’un an après le coup d’État du 30 août 2023. La récente rafle effectuée par la gendarmerie nationale à Libreville, en raison des dérives observées, est loin de rassurer les populations qui avaient pourtant bien accueilli cette mesure dont la violation semble désormais figurer parmi les pires crimes à commettre dans le pays au point que sa répression donne lieu à des actes d’humiliation, voire de mise en danger de la vie d’autrui par ceux-là même qui sont censés assurer la sécurité des personnes et des biens.

Des raisons convaincantes…au début 

L’instauration du couvre-feu au lendemain de l’arrivée des militaires au pouvoir visait plusieurs objectifs qui, il y a 15 mois, étaient légitimes. Il s’agissait notamment de maintenir l’ordre public après un événement aussi marquant que la chute d’un régime établi depuis plusieurs décennies. L’objectif était donc de limiter les déplacements et les rassemblements, réduisant ainsi les risques de troubles et de violences en représaille à l’initiative des militaires.

Il s’agissait également de faciliter les opérations des nouvelles autorités de transition en limitant les activités nocturnes. Le but, à l’époque, était de permettre aux putschistes de mettre en place de nouvelles mesures visant à sécuriser les institutions de manière plus efficace, tout en prévenant les actes de sabotage. Enfin, beaucoup avaient espéré que cette mesure permette d’empêcher la sortie du territoire d’anciens collaborateurs du président déchu et de permettre aux enquêteurs de faire leur travail. Seulement, en dehors des interpellations effectuées la nuit même du coup d’État, la machine semble s’être enrayée. Mieux, la plupart, voire tous les tenants de l’ancien régime sont actuellement au service du CTRI.

Dès lors, qu’est-ce qui explique le maintien du couvre-feu actuel ? Les services de renseignement auraient-ils connaissance de l’existence de groupes d’opposants à la transition susceptibles d’organiser des actions de sabotage ou de déstabilisation ? Mais surtout, qu’est-ce qui justifie le déchaînement de violence de la part des forces de l’ordre à l’occasion des simples violations d’une mesure qui, elle-même, ne se justifie plus vraiment ?

Une vue des personnes interpellées à Libreville aux heures du couvre-feu dans la nuit du 13 au 14 décembre 2024. © GENA

Humiliation et mise en danger de la vie d’autrui

S’il convient de reconnaître que la mesure du couvre-feu a été progressivement assouplie à des occasions précises (fêtes de fin d’année, Journée de la libération, 17-Août), témoignant ainsi d’une certaine stabilisation de la situation sécuritaire du pays, il faut aussi dénoncer les dérives observées depuis son instauration. Après l’épisode tragique de décembre 2023 à Port-Gentil, les images de la rafle de la nuit du 13 au 14 décembre dernier sont loin d’être rassurantes. La gendarmerie nationale qui dit poursuivre son opération baptisée «Coup de poing» informe avoir interpellé 348 personnes de nationalités diverses. Les forces de l’ordre, qui précisent qu’il s’agissait de 111 femmes et 237 hommes, ne précisent pas qui ont été interpellées pour «braquage» et pour «violation du couvre-feu». Comme quoi, les violeurs du couvre-feu semblent désormais traités au même titre que les braqueurs.

La même gendarmerie, sur sa page Facebook, ne précise pas qu’après les avoir conduits à la Brigade Nord Libreville par sa patrouille mixte, ces contrevenants ont été rasés. Ce qui constitue une forme d’humiliation interdite par la nouvelle Constitution (article 12). Plus grave, des témoignages de plusieurs individus interpellés avant d’être relâchés le lendemain font état de l’utilisation d’un seul rasoir et d’une seule paire de ciseaux pour tout le monde sans désinfection préalable avant usage. Des images diffusées sur les réseaux sociaux montrent des blessures infligées à certains. Ceci constitue indéniablement une mise en danger de la vie d’autrui. En quoi ces personnes constituent-elles un danger pour l’intégrité des institutions de la République, au point de subir un tel traitement ?

Avant un nouvel assouplissement dans le cadre des fêtes de fin d’année, au Gabon, il reste interdit de circuler dans l’espace public entre 24 heures et 5 heures du matin. «Seuls les détenteurs d’une attestation dérogatoire seront épargnés», indique la gendarmerie.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. DaSx dit :

    🤔Dérives dérives dérives!!!!!Certains signes ne trompent pas,ouvrons les yeux!!!🤨🤨🤨

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