Un mort et des blessés à Mékambo : le conflit hommes-faune tourne au conflit hommes-hommes
Un éco-garde du parc national de Mwagna a été tué, le samedi 29 mai à Mékambo, du tir à bout portant d’un conseiller pédagogique. Le chef-lieu du département de la Zadié a connu une semaine mouvementée avec plusieurs altercations faisant dire que 13 coups de feu, souvent des sommations, y ont été tirés en quelques jours. Le tableau d’une situation né du conflit faune-humains et vraisemblablement mal gérée par le gouvernement.
Des coups de feu à Mékambo durant la semaine écoulée. Un mort dans la même ville de l’Ogooué-Ivindo, le 29 mai. Interrogé au téléphone par le représentant local de l’Agence gabonaise de presse (AGP), le président du Comité des sages du chef-lieu du département de la Zadié, Marcel Izembi, parle «avec réserve» de 13 coups de feu en quelques jours ayant fait un mort et trois blessés «du côté des corps habillés».
Tir mortel d’un enseignant et chasseur
Selon des témoignages concordants dont celui du président du Comité des sages de Mékambo, un enseignant affecté à la base pédagogique de cette ville, Jean-François Yobandjia, a ouvert le feu sur des éco-gardes qui avaient encerclé sa maison. Poursuivant leurs enquêtes du fait de la rumeur faisant état d’éléphants tués en forêt, ceux-ci étaient à la recherche de défenses d’éléphants et soupçonnaient l’enseignant d’en détenir. Malgré, une altercation verbale entre les enquêteurs et les occupants de la maison, la fouille a été effectuée sans résultats.
Sortant de forêt et voyant son habitation, dans le quartier Corniche, encerclée, l’enseignant, sans doute pris de panique et en courroux, a ouvert le feu sur les éco-gardes, faisant un mort sur le champ. Selon d’autres sources, notamment relayées par les réseaux sociaux, la famille de l’enseignant suspect aurait été violentée. «Ses enfants et sa femme ont été bastonnés parce qu’ils s’opposaient à la perquisition de la maison», indique un leader d’opinion de la localité. En réaction de quoi, le chef de famille s’est résolu à user de son fusil de calibre12. Ce diamètre de canon correspond au type le plus courant de munitions pour fusils de chasse. Un jeune éco-garde, originaire du Woleu-Ntem, est mort de ce tir.
L’ire et coup de feu d’un ancien policier
Un jour auparavant, après la réunion tenue jeudi entre les membres du gouvernement, plus précisément le ministre d’État aux Relations avec les institutions, Denise Mekam’ne, assurant l’intérim du ministre de l’Intérieur, son collègue de la Défense, Michaël Moussa Adamo, et les notables de la localité, un policier à la retraite, François Mpoumboué, résident du quartier Paris Bouyon, avait déjà ouvert le feu sur une camionnette transportant des éco-gardes.
À l’origine de cette première rixe, un ordinateur volé durant la mise à sac du camp des éco-gardes et s’étant retrouvé au quartier Paris Bouyon, du fait de sa récupération par une jeune dame commanditée par le propriétaire de la machine en vue de la retrouver. Pour nécessité d’un procès-verbal relatif à l’affaire, la jeune dame devait être embarquée par les agents de la force mixte composée de gendarmes, de policiers et d’éco-gardes menant l’enquête. Son grand-père, le susnommé François Mpoumboué, ne l’entendant pas de cette oreille, a sorti son «calibre 12» avec lequel il a ouvert le feu sur la camionnette après les tirs en l’air de sommation des éco-gardes. S’étant aplatis par instinct de survie, seules les vitres, parebrise et carrosserie de l’automobile ont été touchés. François Mpoumboué s’est rendu, de son propre chef, le lendemain aux forces de l’ordre qui l’ont mis aux arrêts.
Chasse à l’homme
La rumeur fait état du décès, lors de son évacuation sur Makokou, d’un autre éco-garde également touché par la grenaille de plomb ou chevrotine tirée par Jean-François Yobandjia, l’agent de la base pédagogique de Mékambo. Il n’en serait rien. Aucun éco-garde et aucun agent de l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN) contacté par Gabonreview ne l’a confirmé.
Pour l’heure, Jean-François Yobandjia l’enseignant et chasseur ayant fait un mort, est introuvable. Il s’est engouffré dans la forêt juste après son tir mortel. On le dit toujours armé et de nombreuses sources indiquent que sa traque a commencé dans les forêts du Nord-Est Gabon. Sur les réseaux sociaux, notamment les forums WhatsApp et les plateformes Facebook dédiés à Mékambo, à l’instar de ‘’Echos de Méroé’’ et ‘’Métandou Mia Mékambo’’, il se raconte qu’un renforcement du dispositif coercitif devrait arriver dans chef-lieu du département de la Zadié. Est-ce la solution pour une localité où pullulent chasseurs et braconniers armés, une localité frontalière du Congo-Brazzaville, pays pouvant servir de base de repli aux séditieux traqués ?
Des interrogations et un appel de Thierry d’Argendieu Kombila
Le contexte et l’évolution de la crise de Mékambo amène de nombreuses questions. Visant la clarification de la situation, l’apaisement de la tension et la restauration de l’autorité de l’Etat, la séance de travail, jeudi 27 mai, entre les membres du gouvernement et notables de la localité a-t-elle donc été un coup d’épée dans l’eau ? Pourquoi avoir opté pour le «tout-répressif» quand on sait, par divers exemples de par le monde, que cette méthode ne résout jamais durablement les problèmes de radicalisation ? Pourquoi n’avoir pas opté pour la seule sécurisation, par un renfort de la gendarmerie, des symboles de l’autorité de l’État dans la localité et le déploiement d’une campagne d’explication et sensibilisation ? Quel est le réel statut juridique des éco-gardes, leurs collègues syndiqués et les grévistes des Eaux et Forêts clamant qu’il n’existe rien de formel consacrant les prérogatives dont ils usent et parfois abusent ? Quelle disposition légale leur autorise le port d’armes à feu et la conduite des enquêtes ?
Natif de la localité, Thierry d’Argendieu Kombila s’est interrogé, lors d’une déclaration dimanche 30 mai, sur la coordination chargée de la résolution de la crise de Mékambo. Le président de l’Union nationale des Forgerons (UNF) questionne également «le périmètre réel de la compétence des éco-gardes», Mékambo n’étant pas un parc national, le plus près du genre (le parc national de Mwagna) se situe à plus 50 km de cette ville. L’agglomération urbaine disposant d’une brigade de gendarmerie et d’une antenne de la Direction générale de la documentation et de l’immigration – DGDI – (Ex-Cedoc), le leader politique estime qu’une certaine «confusion amène à se poser des questions sur les perquisitions intempestives [menées par les éco-gardes] dans la ville depuis la manifestation du 25 mai 2021». Condamnant l’acte «criminel» de l’enseignant en fuite, il demande à celui-ci de sortir de la forêt et d’éviter l’usage de son arme sur qui que ce soit et de s’en remettre à la justice, afin qu’il puisse se défendre devant celle-ci et «que la postérité retienne son témoignage [sur des faits] intervenus dans des conditions particulières.»
Thierry d’Argendieu Kombila appelle à une cessation de la répression, «qu’elle vienne des populations ou qu’elle vienne de l’Etat. L’option de la répression ne peut aboutir nulle part. Nous souhaitons que le gouvernement donne des gages, donne des signaux de sa bonne volonté à apporter des solutions aux problèmes qui sont posés à Mékambo.»
3 Commentaires
Attention la bande de parasites qui s’accaparent du pouvoir à Libreville ont tendance à oublier que les Kota ne sont pas des Okoukouts!
Ils vivent leur petite vie à Mekambo et voilà que vous les empêchez d’abattre les éléphants qui saccagent leurs champs!
Attention les kota sont les authentiques habitants de Mekambo. À ce titre la république gabonaise qui est toute récente doit s’adapter à eux et non être dans la connerie et l’arrogance des parasites gouvernants autoproclamés!
@Labels, ils s’en foutent des kotas ou de n’importe quelle autre ethnie du Gabon, en dehors de celles du Haut Ogouee. Le fameux président bien portant dit quoi de ce problème extrêmement grave dans ce coin du Gabon ? Rien. La seule chose qu’ils ont en tête, c’est la préparation de leur mascarade électorale présidentielle de 2023. Ils achètent déjà les armes en préparation de cette nouvelle mascarade électorale présidentielle.
Ne pensez surtout pas à une élection libre et transparente en 2023. Elle sera identique aux précédentes présidentielles: ce sera encore un Bongo. Et pas Ali qui est bien HS.
Le divorce consommé depuis depuis entre les populations et les dirigeants tourne à la guerre civile.
Rien de réjouissant !