[Tribune] Vie chère : La nécessité d’une loi portant information et protection du consommateur
Prenant exemple sur plusieurs pays à travers le monde, en Occident notamment, Samuel Minko Mindong* soumet aux nouvelles autorités ayant récemment décidé, via l’arrêté numéro 0646 /PM du 17 octobre 2024 de suspendre les droits et taxes sur certains produits de grande consommation soumis au plafonnement des prix pour une durée de six mois l’idée de la rédaction et de l’adoption d’une loi portant information et protection du consommateur. Dans sa nouvelle tribune que nous publions ci-après, l’ancien inspecteur des Services à la Direction générale de la Concurrence et de la Consommation (DGCC) fait d’abord l’historique de tous les arrêtés publiés depuis 2012 pour lutter contre la cherté de la vie au Gabon avant de faire plusieurs propositions à l’endroits des dirigeants.
Dans le cadre de la lutte contre la vie chère, l’administration vient de publier l’arrêté numéro 0646 /PM du 17 octobre 2024 portant suspension des droits et taxes sur certains produits de grande consommation soumis au plafonnement des prix pour une durée de six mois.
Avant d’aborder la problématique de la cherté de la vie au Gabon et des initiatives prises par l’administration pour lutter contre ce phénomène, il importe de donner quelques indications sur l’environnement législatif et réglementaire du sujet qui rentre dans le cadre général de la protection des intérêts du consommateur gabonais.
Les principaux points de repère sont les suivants :
-la loi n°29/63 du 15 Juin 1963 portant réglementation des prix en République Gabonaise ;
-l’ordonnance 50/78 du 21 Août 1978 portant contrôle de la qualité des denrées alimentaires et répression des fraudes ;
-la loi 14/98 du 23 Juillet 1998 fixant le régime de la concurrence en République Gabonaise ;
-le Décret n°00253/PR/MER du 29 Septembre 2022 portant création, attributions et organisation de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ;
-l’arrêté n°138/MEEDD/CABMIN/SG/DGCC du 14 Août 2012 soumettant les produits importés de consommation courante au régime de la liberté contrôlée des prix ;
-l’arrêté n°139/MEEDD/CABMIN/SG/DGCC du 14 Août 2012 soumettant les produits vivriers et autres produits locaux au régime de la liberté contrôlée des prix ;
-le protocole d’accord n°02453 du 6 Novembre 2012 signé entre le Gouvernement, les opérateurs économiques et les associations de consommateurs ;
– l’arrêté n°241/MEEDD/SG/DGCC du 23 Avril 2013 soumettant les produits importés de consommation courante aux régimes de blocage et de liberté contrôlée des prix ;
-l’arrêté n°0160 du 28 Décembre 2012 portant création, attributions et organisation de la Commission Tripartite de lutte contre la vie chère ;
-l’arrêté n°0020 /MEPPDD/DGCC du 10 Juillet 2017 soumettant les produits importés de consommation courante aux régimes de blocage et de liberté contrôlée des prix ;
–la Directive numéro 02 /19-UEAC-639-CM-33 du 08 Avril 2019 harmonisant la protection des consommateurs au sein de la CEMAC (Communauté Economique et Monétaire d’Afrique Centrale) qui remédie pour l’instant à l’absence de loi nationale portant information et protection du consommateur;
-l’arrêté n°32/PM du 18 Juillet 2023 ;
–les initiatives de la société civile, notamment celles des associations de défense des intérêts du consommateur ;
C’est dans ce contexte que se situe la présente réflexion sur les initiatives prises par l’administration pour lutter contre le vie chère et les propositions pour améliorer l’approche actuelle. La présente réflexion a par ailleurs été envoyée comme contribution au dernier dialogue national.
Il convient de rappeler que ces initiatives sont prises dans le cadre du libre jeu de la concurrence dans une économie de marché que le Gabon a consacré dans la loi n°14/98 du 23 Juillet 1998 fixant le régime de la concurrence en République précitée.
En effet, l’article 4 de la loi n° 14/98 dispose : «Sous réserve de la réglementation en vigueur, sont libres par le jeu de la concurrence :
-les prix des biens et services ;
-les importations et les exportations.
Toutefois, le Gouvernement peut, en tant que de besoin, et après avis de la Commission de la concurrence prévu à l’article 3 ci-dessus, réglementer les prix des biens et services, notamment lorsque la concurrence par les prix est faussée dans les secteurs ou se sont constitué des monopoles ou qui sont soumis à une réglementation particulière des prix »
Il est important de rappeler que la doctrine et les principes généraux en la matière limitent dans le temps ces exceptions à la liberté des prix qui nécessitent l’avis de la Commission de la Concurrence qui n’a, pour l’instant, pas encore été mise en place.
Après une analyse de l’état des lieux des différentes initiatives prises par l’administration, nous proposerons une approche devant aboutir à la définition d’une politique nationale de protection du consommateur gabonais aussi bien au niveau de ses intérêts économiques que de sa santé et de sa sécurité face aux produits et services qui lui sont proposés sur le marché.
I. ETAT DES LIEUX DES INITIATIVES CONTRE LA VIE CHÈRE
La première initiative d’envergure a été lancée avec l’arrêté n°241/MEEDD/SG/DGCC du 23 Avril 2013 soumettant les produits importés de consommation courante aux régimes de blocage et de liberté contrôlée des prix.
Une liste de 166 produits importés était jointe à cet arrêté.
La dernière initiative actuellement menée est basée sur l’arrêté n°0646 /PM du 17 Octobre 2024 portant suspension des droits et taxes sur certains produits de grande consommation soumis au plafonnement des prix pour une durée de six mois.
I.1 La méthodologie employée
D’une manière générale les travaux présidés par les représentants de l’administration sont menés au sein d’une commission tripartite comprenant l’administration (principalement ministères en charge de l’économie et du commerce), le secteur privé représenté par la Confédération Patronale Gabonaise (CPG) devenue Fédération des Entreprises du Gabon (FEG) et les associations de défense des intérêts du consommateur.
En pratique l’administration est souvent représentée par les Directions Générales concernées des ministères en charge de la lutte contre la vie chère (économie , commerce , agriculture ) , les entreprises par leur regroupement (FEG) et les consommateurs par l’Organisation Gabonaise des Consommateurs (OGC) et SOS Consommateurs.
C’EST SUR LA BASE DES INFORMATIONS (LES ÉLÉMENTS DES STRUCTURES DES PRIX A RETENIR) FOURNIES PAR LE SECTEUR PRIVE QUE LES TRAVAUX SE FONT POUR ABOUTIR AUX PRIX RETENUS DANS LES DIFFÉRENTS ARRÊTÉS.
Les travaux aboutissent en pratique à un blocage des prix de vente des produits à tous les stades de distribution.
La liste et les prix retenus à tous les stades sont consignés dans un arrêté qui est ensuite publié.
Après publication de l’arrêté, l’administration lance généralement une grande campagne nationale d’information auprès du public et des commerçants.
Cette campagne est suivie d’une opération de contrôle de grande envergure pour vérifier si les commerçants respectent les prix fixés.
Depuis le lancement de ces initiatives en 2013 le constat est que les prix bloqués ne sont pas respectés par la grande majorité des commerçants comme l’indiquent les différents rapports de la cellule chargée de la vie chère au Ministère de l’Economie.
Il importe de signaler, comme lors des précédentes initiatives, que les produits retenus bénéficient souvent d’une exonération fiscale presque totale dans la plupart des cas.
En 2013 par exemple, les exonérations fiscales accordées (TVA et droits de douane) aux familles de produits listés ci-après avaient délesté le Trésor Public plusieurs dizaines de milliards de FCFA : viande, volaille, poissons, conserves de poissons, produits laitiers ,fruits et légumes , légumes en boîtes , pâtes alimentaires et riz.
I.2 Les limites de la méthodologie employée
Nous pouvons les décrire en présentant les forces et les faiblesses des membres de la commission tripartite dont le travail est de fixer les prix de vente des produits importés et locaux retenus.
L’administration : elle recueille les informations sur les structures de prix communiquées par le secteur privé ; ne disposant pas de système d’information performant, elle n’est pas souvent à mesure de recouper ces informations pour s’assurer de leur sincérité.
Avant la mise en application du blocage des prix pour une durée de six mois, l’administration n’a pas, par elle-même, les éléments des structures des prix qui vont être bloqués alors qu’une bonne enquête effectuée avant la mesure devrait les lui fournir.
Ne disposant pas de ces éléments, l’administration n’est pas en mesure de vérifier la justesse de la répercussion mécanique à la baisse des prix qui est attendue après la défiscalisation dont les produits bénéficient souvent en pareille circonstance.
Pour observer le fonctionnement du marché, l’administration doit mener périodiquement des enquêtes d’envergure pour alimenter son système d’information.
Les entreprises : elles sont très bien organisées avec un réseau national et international performant qui dispose des informations qui vont structurer les prix à bloquer.
Au regard de cette situation, les travaux se basent essentiellement sur les éléments des structures de prix fournis par les entreprises, informations que l’administration et les associations de consommateurs ne peuvent efficacement vérifier ; du fait qu’elles ‘ont pas mené d’enquêtes préalables ciblées et ne disposent pas de système d’information performant.
Les associations de défense des intérêts du consommateur : elles sont naissantes, peu structurées et n’ont pas les outils modernes de vérification des informations communiquées pendant les travaux pour aboutir à la fixation des prix.
II PROPOSITIONS POUR LUTTER CONTRE LA VIE CHÈRE
Il est important de rappeler la transversalité de la problématique de la vie chère en ce sens que plusieurs administrations sont concernées pour lutter contre ce phénomène :
–agriculture : insuffisance de la production agricole nationale, absence d’une politique d’encouragement du retour à la terre aussi bien pour ceux qui n’ont pas d’emploi que pour les salariés qui peuvent avoir des exploitations agricoles indépendamment de leur travail ;
–réseau routier et transport : réseau routier en très mauvais état ne facilitant pas le transport des produits vers les grands centres de consommation ;
–industries nationales peu développées pouvant mettre des produits locaux finis (alimentaires et non alimentaires) sur le marché local ;
–parafiscalité exacerbée permanente: abus de prélèvements irréguliers (contrôles irréguliers de toute nature le long du corridor routier et sur les lieux de vente) ;
–instruction civique : absence de politique d’incitation des consommateurs à consommer les produits locaux qui sont généralement frais et issus de l’agriculture biologique rurale ;
– autorités publiques et associations de consommateurs : absence d’une politique coordonnée, absence de mutualisation réelle des efforts dans les domaines de l’information, de l’éducation et de la protection du consommateur de manière professionnelle et performante.
Depuis la première campagne d’envergure de lutte contre la vie chère en 2013 consistant uniquement à bloquer les prix de vente des produits retenus, les résultats attendus ne sont pas au rendez-vous.
Nous proposons les pistes de réflexion suivantes à court terme :
II.1 Restructuration des administrations en charge de la lutte contre la vie chère en les dotant de systèmes d’information modernes et performants
La campagne de lutte contre la vie chère est menée par plusieurs administrations, notamment la Direction Générale de la concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) dont les principales missions sont les suivantes:
-une mission concurrence dont l’objectif est de promouvoir un environnement économique concurrentiel propice au développement des entreprises tout en protégeant les intérêts des consommateurs ;
-une mission consommation qui comprend le contrôle de la qualité et de la sécurité des produits et services avec comme outil central le laboratoire ; l’information, l’éducation et la protection des consommateurs.
Un des facteurs limitants de l’efficacité de l’administration dans la lutte contre la vie chère est qu’elle n’a pas actuellement les outils modernes pour accomplir les importantes missions qui lui sont assignées du fait de difficultés qui peuvent rapidement être surmontées:
-l’absence paralysante d’un système d’information performant lui permettant d’observer activement le fonctionnement du marché afin de prévenir les attentes aussi bien des opérateurs économiques que des consommateurs.
L’expérience des administrations en charge de la protection du consommateur similaires en Afrique et en Occident démontre que la constitution d’une banque de données performante nécessite des enquêteurs chevronnés qui collectent des informations pertinentes au niveau de l’importation, de la production, de la distribution des produits et des services dans le cadre d’enquêtes bien programmées avec, parfois, la collaboration d’autres administrations telles que la Douane, l’Agriculture et la Santé par exemple selon les circonstances.
Doter les administrations concernées et les associations de consommateurs d’un système d’information performant pourra être un bon outil d’aide à la décision gouvernementale.
Avec un système d’information performant, l’administration gérerait mieux l’opération de lutte contre la vie chère, avant, pendant et après l’opération afin de comprendre POURQUOI, L’EFFORT IMMENSE DE DÉFISCALISATION DES PRODUITS DONT LES PRIX SONT BLOQUES SE CHIFFRANT EN DIZAINES DE MILLIARDS DE FCFA NON PERÇUS PAR L’ETAT NE S’EST JAMAIS RÉPERCUTÉ EN BAISSE SUR LES PRIX DE VENTE AU DÉTAIL COMME MÉCANIQUEMENT ATTENDU.
-le nombre de plus en plus restreint de fonctionnaires capables de mener efficacement des enquêtes économiques d’envergure pour bâtir un système d’information performant.
II.2 Signature d’un contrat d’objectifs Administration publique/Associations de défense des intérêts du consommateur.
Le mouvement consumériste gabonais est embryonnaire avec deux structures principales, à savoir l’Organisation Générale des Consommateurs (OGC) et SOS Consommateurs.
La sagesse africaine nous enseigne qu’on n’est jamais mieux défendu que par soi-même.
Pour que la politique de protection du consommateur puisse susciter l’adhésion de tous, il est important d’associer activement les consommateurs eux-mêmes au-delà des cérémonies d’ouverture de séminaires et d’autres manifestations organisées par l’administration.
Des associations de consommateurs outillées seront un partenaire actif de l’administration, les deux entités ayant le même objectif de protection des intérêts économiques et sanitaires du consommateur.
Sur la base de notre banque de données, nous prenons un exemple concret dans le domaine de l’information active et dynamique du consommateur qui peut être utilisée dans la campagne de lutte contre la vie chère en ce qui concerne les prix de vente détail du poisson local frais dans l’Estuaire.
Cette approche peut être utilisée à l’échelle nationale sur n’importe quel produit ou service lorsque l’administration et les associations de consommateurs mutualisent leurs efforts, mènent des enquêtes pour constituer une banque de données performante.
TABLEAU COMPARATIF DES PRIX DE VENTE DETAIL DU POISSON FRAIS RELEVÉS SUR LE TERRAIN A LIBREVILLE, BAMBOUCHINE ET ROUTE NTOUM/COCOBEACH OCTOBRE 2023
Catégories de poissons | Prix détail kg
CAPAL LBV |
Prix détail kg
Marchés de Libreville |
Prix détail kg
Débarcadère Bambouchine |
Prix détail kg
Débarcadères route Ntoum/Cocobeach (Milembié,Messotié, Iboundji) |
Catégorie 1
(capitaine,rouge, dorade,sole,mérou) |
3.500 FCFA |
4.000 à 4.500 FCFA |
3.500 à 4.000 FCFA |
2.500 FCFA |
Catégorie 2
(bécune,bar,bossu , disque, carpe de mer)
|
3.000 FCFA |
3.500 à 4.000 FCFA |
2.500 à 3.000 FCFA |
2.000 FCFA |
Au regard des prix mentionnés dans le tableau ci-dessus, le prix du kilogramme de poisson est plus intéressant au débarcadère de Bambouchine et à ceux situés sur l’axe routier Ntoum /Cocobeach qu’à Libreville à CAPAL et dans les marchés.
Question : QUI APPORTE CETTE INFORMATION AUX CONSOMMATEURS POUR QU’ILS PUISSENT ACHETER DU POISSON FRAIS SELON LEUR POUVOIR D’ACHAT ET LEURS CHOIX ?
Dans la plupart des réglementations, l’obligation d’informer le consommateur incombe au commerçant sur le lieu de vente.
Cette règle ne permettant pas d’être opérationnel en l’espèce, il revient à l’administration et aux associations de consommateurs d’être inventives en trouvant les voies et moyens modernes pour recueillir l’information et la communiquer rapidement au consommateur pour que ce dernier puisse faire un choix éclairé en espérant que le réseau routier lui permette de se rendre facilement à Bambouchine ou sur l’axe Ntoum/Cocobeach.
D’où notre proposition de signature d’une convention d’objectifs entre l’administration et les associations de consommateurs qui ont le même objectif de protéger le consommateur.
En se basant sur la directive de la CEMAC mentionnée plus haut, cette convention pourra -entre autres- préciser les obligations des parties, l’aide que l’Etat doit apporter à la structuration et au fonctionnement des associations de défense des intérêts du consommateur, le renforcement des capacités et les modalités d’actions communes.
A moyen terme nous proposons une définition de la politique nationale de protection du consommateur gabonais comme l’exige la réglementation de la CEMAC.
II.3 Définition d’une politique nationale de protection du consommateur gabonais
A ce propos, en l’absence d’une loi nationale protégeant les consommateurs gabonais, nous nous référons aux dispositions des articles 125 et 126 de la Directive communautaire n°02/19-UEAC-639-CM-33 du 8 Avril 2019 Harmonisant la protection des consommateurs au sein de la CEMAC.
« Article 12
. Responsabilité première des autorités publiques
La protection, la promotion et la défense des intérêts des consommateurs est un intérêt collectif qui relève prioritairement de la responsabilité des autorités publiques ».
« Article 126. Institution publique responsable
(1) Les Etats membres désignent l’institution publique responsable de la définition, de la supervision, de la coordination et de la mise en œuvre de la politique nationale de protection du consommateur en veillant à garantir l’autonomie des compétences de cette institution… »
Dans les pays d’expression française, un des éléments essentiels pour la définition d’une politique nationale en la matière est l’élaboration d’une loi portant information et protection du consommateur.
Le Gabon n’a pas encore élaboré cette loi malgré un premier projet initié en Juin 2013 par le Ministère de l’Economie. Aux dernières nouvelles un nouveau projet de loi aurait été récemment introduit dans le circuit pour combler cette lacune.
Il est par conséquent urgent de faire aboutir le projet de loi portant information et protection du consommateur dans l’optique de la définition de la politique nationale de protection du consommateur ; la lutte contre la vie chère n’étant qu’un des aspects concernant la protection des intérêts économiques du consommateur.
D’une manière générale les lois sur l’information et la protection du consommateur s’inspirent de la résolution adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 22 Septembre 2015 sur les principes directeurs pour la protection des consommateurs.
En s’inspirant de la résolution des Nations Unies précitée et de la Directive CEMAC, le projet de loi actuellement dans le circuit devrait prévoir les principales dispositions suivantes:
1-L’objectif de la loi : fixer le cadre général de la protection du consommateur en veillant à assurer au consommateur un niveau élevé de protection et de qualité de vie.
2-Les droits fondamentaux du consommateur :
-le droit à l’éducation, portant en particulier sur les conséquences économiques, sociales et environnementales des choix qu’il fait ;
-le droit à l’information requise pour lui permettre de faire un choix éclairé selon ses souhaits et ses besoins ;
-le droit d’accéder aux biens et services essentiels ;
-le droit à des modes de consommation durables ;
-le droit à un environnement sain ;
-le droit à la protection contre les risques pour sa santé et sa sécurité ;
-le droit à la qualité des biens et des services placés sur le marché ;
-le droit à la protection et à la promotion de ses intérêts économiques ;
-le droit à la protection de sa vie privée et de ses données personnelles ;
-le droit à des recours appropriés et à des modes effectifs de règlement des litiges de consommation ;
-le droit à la représentation des intérêts collectifs avec les autres consommateurs ;
-le droit de constituer des associations ou des organismes de défense des consommateurs ;
-le droit de participer aux processus de prise de décisions le concernant.
3-Le champ d’application : toutes les transactions entre un consommateur et un opérateur économique relatives à la fourniture, la distribution, la vente, l’échange et l’usage de biens ou de services.
Les transactions mentionnées ci-dessus concernent notamment les secteurs de la santé, la pharmacie, y compris la pharmacopée traditionnelle, l’alimentation, les appareils ménagers, les voitures, l’eau, l’énergie, l’habitat, l’éducation, les services financiers et bancaires, les assurances, le transport, le tourisme, les télécommunications et les services de communication électroniques.
4-Education et information du consommateur :
-élaboration des programmes d’éducation, de sensibilisation et d’information portant sur des aspects importants de la protection du consommateur, les lois applicables et les services, les associations ou organismes chargés de la protection, de la défense et de la représentation des consommateurs ;
-élaboration de programmes spécifiques destinés aux consommateurs ruraux et aux consommateurs analphabètes ;
-inscription de la protection du consommateur dans les matières enseignées à l’école primaire, au collège et à l’université ;
-l’obligation générale d’informer le consommateur qui incombe à l’opérateur économique
(information sur les prix , la qualité, la quantité, l’origine du produit, les caractéristiques essentielles du bien ou du service, l’identité de l’opérateur économique)
5-Pratiques commerciales :
-interdiction des pratiques commerciales déloyales ;
-interdiction des pratiques commerciales abusives.
6-Sécurité et qualité des produits et services :
-interdiction de mettre sur le marché des produits ou des services mettant en danger la santé et la sécurité du consommateur ;
-obligation d’assurer la traçabilité du produit mis sur le marché.
7- Responsabilité du fait d’un produit dangereux : le producteur, l’importateur et les distributeurs sont responsables du dommage causé par un produit dangereux.
8- Mise en place et organisation des institutions chargées de la protection du consommateur
Plusieurs options sont possibles :
-un ministère ou un secrétariat d’Etat chargé de la protection du consommateur ;
-une direction générale spécialement chargée de la protection du consommateur dépendant du ministère en charge de l’économie;
-une autorité de statut public et indépendante.
Les missions principales de l’institution chargée de la protection du consommateur :
-contribuer à la définition de la politique nationale de protection du consommateur ;
-proposer des mesures visant à assurer l’intégration de la politique de protection du consommateur dans les autres politiques publiques ;
-superviser la mise en œuvre de la politique de protection du consommateur ;
-mettre en place un système d’information performant permettant d’observer le fonctionnement du marché, d’identifier les besoins et les attentes des consommateurs en menant des enquêtes et des collectes d’informations aussi bien au niveau national qu’international.
-coopérer avec les institutions provinciales, municipales et locales pour le développement et la mise en œuvre de la politique de protection du consommateur au niveau national ;
-coopérer avec les institutions chargées de la politique de protection du consommateur aux niveaux régional et international.
9-Une attention spéciale pour les associations de défense des consommateurs :
Aider à la création, à l’établissement et au développement des associations de consommateurs, de soutenir leurs activités par des financements appropriés et des séminaires de formation périodiques pour renforcer les capacités de leurs membres.
10-Mise en place d’un conseil national de la consommation placé sous l’autorité du Ministre en charge de la protection du consommateur.
Ce conseil aura pour mission de permettre la concertation entre les représentants des consommateurs, des opérateurs économiques et des diverses institutions publiques dont les attributions concernent la protection des consommateurs.
11-Mise en place d’un Observatoire des structures des prix des denrées alimentaires et autres biens de première nécessité et de consommation courante.
Dans le cadre de l’observation du fonctionnement du marché et de l’information économique cet observatoire aura-entre autres- les missions principales suivantes.
11.1 Recueillir directement auprès des entreprises les éléments qui concourent à la formation des prix afin de suivre leur évolution au niveau de la production, de l’importation et de la distribution. L’Observatoire pourra également obtenir des informations pertinentes par d’autres voies.
La liste des entreprises refusant de communiquer les informations nécessaires à l’accomplissement des missions de l’Observatoire pourra être communiquée aux Ministères de tutelle (Economie , Agriculture , Commerce et autres).
11.2 Informer les agents économiques des résultats de l’analyse des informations collectées.
11.3 Comparer – si les données le permettent-le résultat des analyses avec les autres pays membres de la CEMAC.
11.4 Rédiger un rapport annuel d’activités.
*Samuel Minko Mindong, Consultant, Fondateur gérant du cabinet juridique Business Nkembo Consulting (BNC), société d’expertise en matière de prix, de concurrence, de consommation et de protection du consommateur, Ancien Inspecteur des Services au ministère de l’Economie en poste à la Direction générale de la Concurrence et de la Consommation (DGCC).
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