[Tribune] “RÉAGIR” pour une véritable rupture, au-delà des visages et des discours
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Dénonçant les dérives de la transition gabonaise post-coup d’État du 30 août 2023, le président transitoire du parti RÉAGIR, Michel Ongoundou Loundah, pointe notamment l’accélération du calendrier électoral, les dépenses massives engagées et le possible maintien au pouvoir du président de la transition. Il appelle à une véritable rupture avec les pratiques du passé.
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En rejoignant les forces politiques et civiles, et avec elles tout le peuple gabonais, les militaires ont-ils participé à la libération du Gabon par ce coup d’Etat salutaire pour… tout simplement se substituer aux anciens dirigeants ? © GabonReview
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Michel Ongoundou Loundah, Sénateur – 4e Secrétaire du Bureau, président transitoire de RÉAGIR. © D.R.
Le 30 août 2023, le peuple gabonais s’est réveillé sous un ciel différent. Ce matin-là, les chaînes du système oppressif qui l’étranglaient depuis des décennies ont enfin commencé à se briser. Ce matin-là, l’Histoire a retenu l’acte courageux d’Hommes en uniforme, qui ont mis fin à un régime de confiscation, d’injustice et d’abandon. Ce matin-là, le Gabon s’est redressé. Mais, un coup d’Etat, si nécessaire soit-il, ne suffit pas, à lui tout seul, à garantir un avenir nouveau. C’est la raison pour laquelle nous, citoyens, avions espéré que la transition en cours, plutôt que d’être un simple passage de relais entre les mêmes cercles d’influence, sous de nouveaux oripeaux, constituerait, au contraire, une opportunité historique, pour reconstruire l’Etat, la République, le vivre-ensemble dans un espace où TOUS LES GABONAIS allaient enfin être égaux.
Malheureusement, une fois débarrassés de la sidération et de la résignation qui ont marqué les esprits au lendemain des « évènements du 30 août 2023 », de plus en plus de Gabonais découvrent que la Charte dite de la Transition, qui est l’émanation du seul Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI), présente plusieurs insuffisances. Et pas des moindres !
Un premier projet de Constitution, caricatural à bien des égards, a été soumis au Parlement de la Transition. Nous avons, sept (7) collègues Parlementaires et moi, voté contre. Une version édulcorée, mais tout de même lestée de plus de huit cents (800) amendements, a ensuite été adoptée à la hussarde par voie référendaire. Quelques semaines plus tard, et toujours au pas de charge, un nouveau Code électoral a été promulgué. L’annonce, dans la foulée, de l’organisation de l’élection présidentielle au 12 avril prochain, tombait sous le sens tant les Autorités de la Transition semblent s’être véritablement lancées dans une course contre la montre. « Ntiin’evula w’ognuri abarighi ». Par cette maxime, les Ambaama nous enseignent qu’à vouloir aller trop vite, on risque une sortie de route. Prévu donc de se tenir le 12 avril, en pleine année scolaire et pendant la saison des pluies, ce scrutin va exclure de la course les principaux leaders politiques, au motif qu’ils ont participé aux organes de la Transition. Or, paradoxe flagrant : celui qui les a nommés et leur a donné leurs instructions – le général Président de la Transition lui-même – est, quant à lui, autorisé à se porter candidat. Si ce n’est pas du verrouillage politique, cela y ressemble fortement.
Dès lors, une question se pose : en rejoignant les forces politiques et civiles, et avec elles tout le peuple gabonais, les militaires ont-ils participé à la libération du Gabon par ce coup d’Etat salutaire pour … tout simplement se substituer aux anciens dirigeants ?
Des engagements trahis ?
Les militaires sont réputés pour leur sens de l’Honneur et de la Loyauté. J’ai eu, moi-même, l’honneur de servir sous le Drapeau : Matricule 811-061, Classe 81 A de la Gendarmerie Nationale. La promesse formulée par le général Président de la Transition de transférer le pouvoir aux civils au terme de la transition était belle, majestueuse. Elle aurait dû être tenue. Or, selon certains indices concordants, il ne fait quasiment plus aucun doute qu’il cédera aux appels à candidature qui lui sont adressés par des individus et des groupuscules dont les desseins inavoués n’abusent personne. Et pourtant, le général le général Président de la Transition serait bien avisé de ne pas les écouter. Il entrerait ainsi dans l’Histoire par la grande porte. A l’instar du Ghanéen Jerry John Rawlings ou du Malien Amadou Toumani Touré.
Un régime de transition a, par nature, des pouvoirs limités. Lorsque l’État s’effondre, comme c’est le cas après un coup d’État, la mission première de la transition est de reconstruire les institutions dans un processus dit de “nation-building”, dont l’ultime étape est l’organisation d’élections générales dans un délai restreint.
Ainsi, le régime transitoire actuel n’a ni la vocation ni la légitimité d’engager l’État dans des investissements dont la maturité excède très largement la durée de la période d’exception et, de surcroît, financé par un endettement massif, auprès, entre autres, de traders internationaux. Pourtant, en seulement 12 mois, plus de 2 000 milliards de francs CFA ont été dépensés, soit un montant dépassant une année entière de nos recettes budgétaires propres.
Si les informations faisant état de l’attribution de plus de 700 milliards de francs CFA à un opérateur économique ouest-africain, du financement d’un programme de construction de tours d’habitation pour des centaines de milliards confié à des entreprises étrangères – qu’elles soient basées sur les rives du Bosphore ou en Côte d’Ivoire – ou encore du projet d’érection d’un nouveau palais présidentiel alors que l’actuel, rénové à grands frais il y a une quinzaine d’années, est encore en parfait état, étaient avérées, cela signifierait que les pratiques du passé ont survécu au coup d’Etat.
Les véritables urgences du Gabon
Notre pays est en ruine après plus de 25 ans de prédation par une élite irresponsable et insatiable. Nous manquons de tout, et les investissements n’ont jamais suivi l’évolution des besoins démographiques. Nos compatriotes sont à la fois animés d’une ferme volonté d’enrayer le déclin organisé de leur pays et profondément imprégnés d’un sentiment de colère et d’impuissance.
Nos enfants doivent se lever à l’aube pour espérer se rendre à l’école, et ceux qui en ont la chance passent désormais deux heures dans les embouteillages du Grand Libreville pour parcourir quelques kilomètres. Nous manquons d’hôpitaux, de logements, et près de 80 % des principales agglomérations du pays sont sous-équipées.
L’urgence est donc de revenir à l’essentiel :
- L’accès à l’électricité et à l’eau potable.
- La réhabilitation et la construction d’infrastructures hospitalières dignes de ce nom.
- Le développement du système éducatif (écoles maternelles, primaires, collèges, lycées, universités).
- Une politique de logement adaptée.
- La refonte de l’administration pour la rendre plus moderne et efficace.
- Une justice impartiale, garante des droits de tous.
À cet effet, Ali Bongo Ondimba et sa famille doivent être jugés dans le cadre d’un processus équitable, transparent et impartial, ou être purement et simplement libérés. Il en est de même pour Yann Ghislain Ngoulou, les frères Océni Ossa, Cyriaque Mvourandjiami et leurs compagnons d’infortune. Aujourd’hui, personne ne sait réellement quel est leur statut juridique. La justice ne doit pas être un instrument politique : elle doit protéger tous les citoyens ou punir sans distinction.
De même, Hervé Patrick Opiangah est aujourd’hui en fuite. Le revirement soudain des accusations portées contre lui par ses anciens amis soulève des interrogations.
Enfin, pourquoi le lieutenant Kelly Ondo est-il toujours en prison ? Pourquoi n’a-t-il pas été décoré comme les autres officiers du CTRI, alors qu’ils poursuivaient le même objectif ? Pour ma part, je ne désespère pas qu’un jour, une rue, une place ou un monument porte son nom.
Un tournant décisif pour le Gabon
Une transition biaisée porte en elle les germes des crises de demain. Notre pays doit aller résolument vers la construction d’un État moderne, dirigé par des personnes légitimes, compétentes, patriotes et intègres.
Aujourd’hui, entre espoir et inquiétude, le Gabon est à la croisée des chemins. Il a toujours été un havre de paix, un acteur clé de la diplomatie africaine.
Le 12 avril 2025 marquera l’ouverture d’un nouveau chapitre. Le peuple gabonais aura alors un choix crucial à faire :
- Mettre un terme définitif au système prédateur et corrompu qui nous a menés au bord du gouffre ;
- ou replonger dans les mêmes logiques d’accaparement et de compromission avec, à la clé, le risque de voir s’installer chez nous une ethnocratie fasciste.
Le parti RÉAGIR, fidèle à ses idéaux, prône la Réappropriation du Gabon par ses citoyens et entend jouer un rôle central dans la reconstruction du pays. Nous aspirons à une société solidaire, équitable, juste et tournée vers le progrès.
Le Gabon mérite mieux. Le Gabon doit réagir !
Michel Ongoundou Loundah
Président transitoire de RÉAGIR
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