Face à la montée inquiétante de la criminalité au Gabon, une solution audacieuse émerge pour s’attaquer à sa racine : le chômage. Dans la première partie de sa tribune, Léopold-Auguste Ngomo, ancien Ambassadeur de l’Union africaine, propose un ambitieux Programme d’Industrialisation Accélérée (PIA) visant à créer massivement des emplois et à dynamiser l’économie nationale. Son approche, mêlant intervention étatique et développement du secteur privé, pourrait non seulement réduire la délinquance, mais aussi positionner le Gabon comme un acteur industriel majeur sur les marchés régionaux et internationaux.

«La création massive et soutenue d’emplois pourra permettre de réduire non seulement le chômage mais aussi, in-fine, la criminalité ». © GabonReview

 

Auguste Ngomo, ancien Ambassadeur de l’UA en Afrique australe, à la SADC et à la COMESA ; Directeur de l’Administration et de la Gestion des Ressources Humaines de la ZLECAf au Ghana. © D.R.

Les niveaux de criminalités prennent des proportions de plus en plus inquiétantes à Libreville et dans tout le Gabon. Et finalement peu importe le niveau des actions de la police judiciaire, des sanctions ou les peines de prisons infligées par la justice gabonaise, la progression des crimes semble inexorable. Intuitivement beaucoup de Gabonais pensent qu’il y a une nette corrélation entre le niveau de la criminalité et le niveau élevé du chômage. Les Gabonais pensent que traiter le problème du chômage pourrait contribuer à sérieusement réduire les niveaux de criminalités dans le pays. Et cette intime conviction est vraie. Des études sérieuses ont démontré qu’il existait effectivement un lien étroit entre le chômage et la criminalité.  Il est donc certain que seule une création massive et soutenue d’emplois pourra permettre de réduire non seulement le chômage mais aussi in-fine la criminalité. Mais comment traiter efficacement et rapidement le problème de chômage au Gabon ? Cet article proposera une solution a travers le projet P.I.A (Programme d’Industrialisation Accélérée).

Soyons clair sur un point important : Le secteur privé gabonais n’est ni assez organisé, ni assez puissant en ressources financières, technologiques et humaines pour mener à bien, et seul, le chantier de l’industrialisation massive et accélérée du Gabon. Comme dans les années post indépendance, une intervention massive de l’Etat est nécessaire.

Le projet PIA a pour ambition la création massive des emplois dans les usines et les services, l’augmentation de la richesse nationale, le contrôle de l’économie nationale par l’Etat et les nationaux, l’augmentation du Produit Intérieur Brut, l’augmentation des revenus et taxes de l’Etat et la création d’une élite entrepreneuriale gabonaise puisée au sein d’une communauté autochtone dynamique, appuyée sur l’activité économique du pays.

Le projet Programme d’Industrialisation Accéléré (PIA) s’articule autour des 4 idées fondamentales suivantes :

  1. Pour chaque secteur clé identifié (BTP, Pharmaceutique, Aquaculture, Pisciculture, Agro-alimentaire, transports fluvial et maritimes, Tourisme etc…), L’Etat Gabonais devra créer des entreprises étatiques qui seront baptisés les Champions Nationaux Sectoriels (CNS). Ces champions équipés d’usines de production assureront la collecte, la transformation industrielle et la commercialisation des produits transformés sur le marché national, régional (CEMAC), continental (ZLECAf) et international (AGOA etc…). Par exemple en agro-alimentaire, un CNS pourra par exemple produire massivement de la tomate en boite (entière ou en purée) ou des jus de tomates.
  2. Les Champions Nationaux Sectoriels seront entourés de plusieurs PME/PMI/TPE nationales qui leur assureront, dans le cadre de leurs chaînes de valeurs de production, un approvisionnement régulier et constant en produits bruts nécessaire à son processus de transformation industriel. Ces Petites et moyennes entreprises seront donc des fournisseurs agrées des CNS. Elles auront donc accès à un marché stable et régulier. Dans l’exemple donnée précédemment pour la CNS produisant de la tomate, ces PME/PMI gabonaises livreront des tomates brutes, des oignions, du sels, poivres, étiquettes d’emballage, transport, produits chimiques de conservation etc…
  3. Pour s’assurer que les PME/PMI et TPE seront bien gérées, l’Etat gabonais s’engagera, a travers un programme spécifique, à sélectionner, à former, à encadrer, à financer puis à lancer 100 Jeunes Capitaines d’industrie tous les ans pendant 5 ans.
  4. Et enfin, pour assurer un fonctionnement harmonieux de tout ce système, il serait important de mettre en place un cadre institutionnel (création d’une Agence Publique Nationale pour l’Industrialisation du Gabon (APNIG) dédiée à cette stratégie d’industrialisation accélérée, un cadre juridique propre, un système financier, bancaire et fiscal dédié (Banque de développement et d’industrialisation, Fonds d’investissement de l’Etat, Exonérations fiscales).

Depuis son indépendance, l’économie du Gabon a toujours été une économie extractive, une économie de cueillette rentière. Alors que de nombreuses opportunités économiques et commerciales s’offrent maintenant à lui à travers le libre échange commercial de la CEMAC, de la CEEAC et de la ZLECAf, il serait opportun de saisir sérieusement ces opportunités en menant une réelle politique vigoureuse et résolument ambitieuse d’industrialisant rapide. Il est intéressant de noter que si le Produit National Brut du Gabon en 2022 était de 35.53 milliards de dollars, il faut remarquer que l’Afrique a importé plus de 100 milliards de dollars de produits alimentaires uniquement. Donnons-nous les moyens d’enrichir le Gabon et donc les Gabonais. En créant le plein emploi, nous nous donnons la possibilité de réduire drastiquement la criminalité et de vivre enfin sans peur dans nos rues et dans nos maisons. Nous pouvons le faire et nous en avons les moyens.

Par Leopold-Auguste Ngomo,

Ancien Ambassadeur de l’Union Africaine

Directeur de l’Administration et de la Gestion des Ressources Humaines ZELCAF (Union Africaine), Accra, Ghana

 
GR
 

4 Commentaires

  1. Ignace Meyet Ondo dit :

    Je suis Gabonais et passionné par les affaires !!
    Quand je regarde ce qui se passe au Gabon, les systèmes passés et actuels valorisent les politiciens ( je ne doute pas de l’importance de leur lutte) au détriment des potentiels leader économiques dont le pays a drôlement besoin. Le texte que je viens lire est tellement pertinent que je me demande ce que le gouvernement prévoit comme stratégie pour écouter les gabonais moins visibles qui ont des idées innovateurs en terme économique !!
    Pour dire les choses de façon simple : où aller pour soumettre nos idées dans ce brouhaha politique où seuls les plus en vus sont pris en considération ?

  2. NGOMO PRIVAT dit :

    Très bonne proposition, Excellence Ngomo.
    Ce texte, qui amorce une réflexion en temps, devrait être lu par les responsables politiques et administratifs des secteurs concernés.
    Il est de mon point de vue pertinent et faisable pour peu qu’on lui accorde l’intérêt qui lui sied.
    Pour ma part, j’en ferai l’écho à qui de droit.

    Encore MERCI et FELICITATIONS pour cette importante réflexion.

    ABIMTE !

  3. DesireNGUEMANZONG dit :

    Bonjour Monsieur Auguste NGOMO,

    Le point de départ de votre analyse est frustrant. Quelle proportion de gabonais.es font le lien entre la criminalité et le chômage des jeunes? Quel est le profil de ces chômeurs (chômeuses)? Quelle est le niveau de corrélation entre la criminalité et le chômage? Je rappelle que la corrélation est significative lorsqu’elle est supérieure à 0.8. Statistiquement parlant.

    Le corpus théorique qui conduit à votre modèle normatif d’économie keynésienne est discutable. Voire contestable en l’absence de données sérieuses qui soutiennent votre modèle.

    Une autre faiblesse de votre modèle normatif est l’absence de la variable infrastructurelle. Il n’y a pas de développement sans infrastructure routière et fluvial pour absorber les flux économiques et migratoires. Qui dit développement dit croissance démographique et urbaine. Avec son lot de criminalité et de chômage.

    Votre article est très intéressant et pour cette raison que je me permets d’apporter un regard différent.

    Bonne continuation à vous.

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