A quelques jours de la tenue du One Forest Summit, l’un des porte-paroles d’Ali Bongo lors de la présidentielle de 2016, ex-conseiller municipal de la commune de Libreville pour le compte du Parti démocratique gabonais (PDG) dont il a démissionné, Jo Dioumy Moubassango, s’interroge sur la cohérence de la politique gabonaise en matière d’environnement et de climat, pointant notamment le paradoxe du Gabon : champion de la préservation de l’environnement et des forêts, et champion de l’exploitation forestière et de l’exportation du bois. S’il assure ne pas être opposé à la tenue au Gabon du One Forest Summit, il rappelle dans le même temps qu’aucun citoyen autre que le gabonais lui-même, ne peut adouber un candidat à une élection politique au Gabon. Sa tribune libre est une sorte de discours à l’adresse des Gabonais.

«Peut-on être champion de la préservation de la forêt, et dans le même temps, champion de l’exportation du bois ?», interroge Jo Dioumy Moubassango. © D.R.

 

Jo Dioumy Moubassango fut l’un des porte-paroles d’Ali Bongo lors de la présidentielle de 2016. Ex-conseiller municipal de la commune de Libreville, il a démissionné du Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir) dont il était Conseiller porte-parole. © D.R.

Mes chers compatriotes,

Le temps est venu pour nous, de traiter avec lucidité, calme et sérénité, de la question de la préservation des forêts tropicales.

Notre pays le Gabon, du fait de son potentiel forestier et de ses ambitions environnementales, s’est rendu volontaire auprès de la communauté internationale, pour jouer un rôle central, dans le combat contre le changement climatique, duquel dépend fortement l’humanité.

Depuis 2002, et même avant, de la plus belle des manières, le Gabon a compris avant les autres, qu’il était vital pour le monde de préserver ses forêts, son environnement, sa biodiversité, pour sauver la planète. C’est à mon sens une ambition noble qui mérite d’être saluée.

Cependant, je voudrais rappeler à la communauté nationale et internationale, que la préservation de nos forêts, doit aller de pair avec la recherche permanente du bien-être social de nos compatriotes. Nous le savons, la forêt est le bien le mieux partagé entre les Gabonais. Elle couvre plus de 80% de notre territoire. A l’origine de nos rites et traditions, la forêt gabonaise est avec la terre, nos seuls trésors inaliénables.

Mes chers compatriotes, la forêt, c’est NOUS, peuple du Gabon.

Par conséquent, nous pouvons en même temps, sauver la planète en préservant les forêts gabonaises, et nous pouvons sauver les Gabonais, en les préservant de la misère.

Sur ce, et à titre personnel, je ne suis pas opposé à la tenue du ONE FOREST SUMMIT dans notre pays. En revanche, je voudrais dire très clairement, qu’aucun citoyen autre que le Gabonais lui-même, n’a le pouvoir d’adouber un candidat à une élection politique dans notre pays le Gabon. Nous devons nous garder de laisser transpirer dans l’opinion une telle hypothèse, qui, entamerait sérieusement, l’idée infalsifiable de la souveraineté de notre peuple.

Pour rester sur le sujet qui focalise l’attention des esprits éclairés et libres de notre pays : l’environnement et le climat, il serait juste de ma part, d’exprimer mes hautes préoccupations, au sujet de la sincérité de la politique gouvernementale en la matière.

Qui peut aujourd’hui croire que le Gabon pratique une politique de préservation de ses forêts, quand on voit le nombre de grumes qui en sortent par voie terrestre et ferroviaire ? qui peut le croire ? Peut-on être champion de la préservation de la forêt, et dans le même temps, champion de l’exportation du bois ?

Qui peut croire en la sincérité de la parole publique quand personne, à ce jour, n’a été capable de nous faire le point au sujet du scandale du kevazingo? Où est le bois saisi ? A-t-il été vendu? Où est passé l’argent de cette transaction ?

Qui peut donc croire en la sincérité de la parole publique? Depuis 2021, nous avons appris par la presse que 9,2 milliards de Francs CFA, ont été décaissés dans le cadre de l’accord qui nous lie à la Norvège, d’une valeur globale de 90 milliards sur 10 ans.  L’un des projets retenus par les autorités gabonaises était la mise en place d’un jardin botanique à l’arboratum Raponda walker. Après vérification, nous n’avons trouvé aucune trace d’un quelconque jardin botanique.

Qui peut croire en la sincérité de la politique gouvernementale en la matière, quand on voit dans la douleur, ce qui se fait dans nos forêts? Des rivières entières sont dévastées et retournées au mépris des règles environnementales de base. Le bois est abandonné dans des parcs un peu partout sur le territoire national. Le code forestier gabonais piétiné. Dans ces conditions, qui peut encore croire en la sincérité de la parole publique ?

Mes chers compatriotes,

L’absence de clarté et de sincérité dans la politique conduite par les autorités gabonaises, met en danger l’écosystème forestier de notre pays.

Notre forêt est exploitée depuis des décennies. À ce jour, personne n’est capable de nous présenter une forêt secondaire, qui serait la conséquence de l’exigence de reforestation, pourtant faite aux exploitants forestiers. Où sont ces forêts secondaires qui feraient le témoignage de la cohérence de la politique forestière gabonaise ?

Nos engagements sont pourtant clairs, simples et accessibles :  Déforestation, restauration, reforestation et mise en place d’une gestion durable des forêts.

Nous devons travailler avec les organisations de la société civile, les intellectuels du domaine, avec les collectivités locales à consolider une éco-responsabilité chez nos compatriotes.

Ce que nous souhaitons avant tout, est que le Gabonais soit au centre de notre politique environnementale et climatique. Nos compatriotes doivent être, en même temps les premiers acteurs et les premiers bénéficiaires des conventions que nous signons dans le cadre du CAFI, Central Africa Forest Initiative.

Ce que nous souhaitons est que la manne financière, issue de la vente des crédits carbone, serve à la préservation de nos forêts, mais aussi à indemniser nos compatriotes, qui voient leurs plantations dévastées.

A ce sujet, il faut établir des critères d’indemnisation qui tiennent compte de l’investissement, de la difficulté, du sacrifice quotidien, et des journées et nuits blanches, passées à taper dans une cloche, dans le but de faire fuir les éléphants des plantations. Il serait bon pour les autorités concernées de présenter à l’opinion, les critères qui vont fonder cette indemnisation. Malheureusement, comme en témoignent les derniers évènements de Mékambo, dans la province de l’Ogooué-Ivindo, le bilan humain s’est aussi alourdi dans le conflit qui oppose désormais les pachydermes aux populations gabonaises. Nous le regrettons sincèrement.

Aussi, souhaitons-nous que les populations gabonaises dans leur diversité, soient consultées.  Les pygmées du Gabon par exemple ne doivent pas être tenus à l’écart de la politique de préservation de nos forêts, parce que leur vie en dépend. Chacune de nos communautés nationales, dans son histoire, a fait l’expérience des forêts interdites, qui étaient déjà, à cette époque-là, une volonté de préserver nos forêts.

J’émettrais des réserves, quant à l’efficacité de la solution barrière électrique, inadaptée au contexte gabonais. Nos plantations sont familiales et non communautaires. Combien de barrières électriques faudra-t-il ériger dans un village qui compte 200 familles avec chacune au moins une plantation et en combien de temps ?

Mes chers compatriotes,

La forêt n’est pas une question partisane, puisqu’elle engage la vie de toutes et de tous. Il est donc légitime pour chacun de nous, d’analyser et de confronter, les choix opérés par le Gouvernement de la République.

La cohérence nous commande de planifier. Nous devons nous dire sur 10 ans, combien de jeunes gabonais vont-ils trouver de l’emploi dans ce secteur? Combien de PME et ONG gabonaises vont-elles être associées aux différents projets? Combien de communautés villageoises vont-elles bénéficier des ressources liées à la vente de crédits carbone? Et combien de nos jeunes seront-ils formés ? La préservation de la forêt gabonaise doit aussi être une opportunité pour l’arrière-pays.

Sur la même lancée, le peuple gabonais a le droit de savoir. Nous serions en droit, par exemple, nous, peuple gabonais, au nom duquel les décisions politiques sont prises, de nous demander, ce qui a été fait dans le cadre de la gestion des parcs nationaux ces 15 dernières années et d’exiger une enquête parlementaire à ce sujet. Il semble se dessiner pour certains, une volonté de faire ce qu’ils veulent, comme ils veulent, où ils veulent, quand ils veulent. Cela est inacceptable !

Le peuple gabonais a le droit de savoir, combien va lui coûter l’organisation du One Forest Summit, dans un contexte économique difficile pour nos compatriotes. Va-t-on encore une fois, sacrifier l’urgence sociale pour la réputation internationale ?  Cela est inacceptable !

A propos de l’arrivée du Président Emmanuel Macron au Gabon, je rappelle que le peuple gabonais n’a rien contre la France, ni contre son président qui est à la co-initiative du One Forest Summit. Nos deux pays entretiennent depuis fort longtemps, des liens économiques, diplomatiques et de coopération. Les gabonais veulent simplement s’assurer que ce qui est fait en leur nom, est aussi fait à leur bénéfice.

En définitive, nous pouvons sauver la planète et en même temps sauver le peuple gabonais de la misère. Les questions environnementales et climatiques nous intéressent, autant que nous intéresse le développement du pays. Au-delà de la volonté de quelques-uns, de ne rien voir, de ne rien entendre, de ne rien anticiper de la gravité de la situation économique du pays, nous avons urgemment besoin d’une autre intelligence, d’une autre imagination politique, pour reprendre en mains les affaires du pays, dans un Gabon plus juste et dans l’intérêt de tous. Que Dieu nous accompagne.

Je vous remercie

Jo Dioumy Moubassango

.

 
GR
 

2 Commentaires

  1. Maganga Octave dit :

    Voilà un autre qui parle de ce qu’il ne sait pas. Lui aussi parle de crédit carbone à la façon de Lee White, c’est à dire à tort et à travers…. Triste que quelqu’un puisse vous faire répéter une bêtise de cette façon. Il suffit pourtant de fouiller sur internet pour savoir ce qu’est un crédit carbone et pour comprendre que Lee White dit des bêtises à ce sujet

    • La Rédaction dit :

      S’il est dans la doxa ou la novlangue des décideurs gabonais et notamment de Lee White, on ne saurait condamner tout son texte pour la seule ignorance de ce qu’est réellement le crédit carbone. Ce monsieur, qui n’est pas un spécialiste, pose de nombreuses questions pertinentes qui fondent tout autant la légitimité de sa sortie publique. Un peu d’indulgence. Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain.

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