Le Comité constitutionnel national n’a pas encore livré la première mouture de la nouvelle Constitution aux plus hautes autorités de la Transition que déjà la campagne pour le référendum semble avoir été lancée, opposant ainsi les partisans du OUI à ceux du NON, sur un texte dont le contenu demeure inconnu. Cette situation créée de ce fait, un sentiment d’inquiétude et d’incompréhension au moment où le Gabon se prépare à un référendum crucial. Quels sont alors les enjeux de ce troisième référendum au Gabon, le deuxième depuis l’Indépendance du pays ? Dans cette nouvelle tribune, Dr Jonathan Ndoutoume Ngome et Amour Nziengui Mombo* tentent d’y répondre. 

« Le plus souvent, les citoyens doivent répondre par « oui » ou « non » à une question dont l’autorité consultante a défini les termes. » © D.R.

 

Rappelons d’abord qu’un référendum est une procédure par laquelle tous les citoyens d’une collectivité particulière se prononcent sur une question d’ordre politique. C’est un procédé par lequel une autorité politique consulte l’ensemble des citoyens.

Le plus souvent, les citoyens doivent répondre par « oui » ou « non » à une question dont l’autorité consultante a défini les termes.

La décision d’organiser un référendum peut émaner du pouvoir exécutif de la collectivité, d’un groupe participant au pouvoir législatif, ou d’une démarche pétitionnaire dans le cas d’une initiative populaire.

Le référendum a pour objet de légitimer une décision politique par consultation des personnes concernées.

La définition des participants à un référendum est en général celle du corps électoral. Si la plupart des démocraties contemporaines ont organisé des référendums au cours de leur histoire, peu de pays l’ont institué comme un mode de gouvernement régulier.

Pour ce qui est du Gabon, c’est la troisième fois qu’un référendum sera organisé au sein de son territoire. En effet, le premier référendum a eu lieu le 28 septembre 1958, alors que le pays était encore une colonie française. Il s’agissait de se prononcer pour ou contre la Communauté franco-africaine qui devait conduire les colonies françaises d’Afrique progressivement vers plus d’autonomie et plus tard vers l’indépendance.

Toutes les colonies, le Gabon compris, votèrent oui, à l’exception de la Guinée de Sékou Touré, à qui la France du Général Charles de Gaulle accorda une indépendante immédiate avec toutes les conséquences connues.

Le deuxième référendum dans l’histoire du Gabon s’est déroulé le 23 juillet 1995, au cours duquel les Gabonais se sont prononcés à 96,48% en faveur d’une modification de la Constitution pour permettre la ratification des « accords de Paris » conclus en septembre 1994 par le pouvoir et l’opposition. Les accords de Paris avaient été négociés après les troubles du 21, 22 et 23 février 1994 qui avaient suivi la réélection d’Omar Bongo, entachée de nombreuses fraudes, en décembre 1993. Il visait à faire du Gabon un véritable État de droit, prévoyant notamment une révision du code électoral et la mise en place d’une commission nationale électorale afin de garantir des élections transparentes ainsi que la transformation de la Garde présidentielle en une Garde républicaine dont le rôle se limiterait à la protection des personnalités et des biens publics.

La troisième consultation référendaire de l’histoire du Gabon pourrait se dérouler en décembre 2024 afin que les Gabonais adoptent le projet de la nouvelle constitution dont les grandes orientations ont été adoptées lors du dialogue national inclusif organisé par le CTRI.

N’ayant pas encore été soumis à l’appréciation des Gabonais, ledit projet commence à diviser au moment où les appels à se prononcer en faveur du OUI ou du NON se font déjà entendre, alors que son contenu est encore méconnu du plus grand nombre. Cette situation suscite des doutes qui pourraient influencer l’issue de ce référendum dans un sens comme dans l’autre, au regard des enjeux qu’il y a autour de cette échéance importante pour le pays.

Deux types d’enjeux déterminent cette consultation référendaire: les enjeux apparents et les enjeux souterrains.

Au niveau des enjeux apparents, si l’adoption d’une nouvelle constitution reste le principal objectif, l’enjeu derrière est de sortir le pays de la spirale des contestations des résultats et des violences post-électorales après chaque scrutin politique.

Mais c’est beaucoup plus au niveau des enjeux souterrains, que notre attention se porte. D’abord parce que ce référendum est le premier véritable test de légitimité du Président Brice Clotaire Oligui Nguéma avant la présidentielle de 2025, après la composition de son gouvernement et la mise en place des institutions de transition, ainsi que le Dialogue National Inclusif d’Angondjé, qui ont partagé les Gabonais, car n’ayant pas reçu un assentiment populaire du fait de certains choix.

Bien qu’il s’agisse cette fois-ci de l’adoption d’une nouvelle constitution, il s’agit surtout aussi de sa capacité à convaincre l’ensemble des Gabonais pour que le OUI l’emporte de manière écrasante. Une victoire du OUI à hauteur de 50 ou 60% serait un coup porté à la Transition, car il ne parviendrait pas à distinguer l’autorisation de continuer à gouverner, à la sanction des gouvernants précédant, et pourrait laisser entrevoir le scénario de la prochaine présidentielle. Il faudrait donc une adhésion massive pour atteindre au moins 75 à 80% de OUI pour que le Président de la Transition remporte cette première victoire de légitimité accordée par le peuple gabonais.

Deuxième enjeu souterrain, la capacité du Ministère de l’Intérieur, qui récupère ses prérogatives perdues après les Accords de Paris et d’Arambo au détriment des Commissions électorales autonomes (Ceni, Cenap, CGE) à organiser des élections crédibles.

En effet, la reprise en main de l’organisation des élections par cette administration, pose un certain nombre de questions, pour avoir échoué depuis 1990 à organiser des scrutins crédibles et aux lendemains apaisés, jusqu’à ce qu’on lui retire l’organisation complète des élections.

L’autre enjeu de ce référendum pour le Ministère de l’Intérieur sera sa capacité à distribuer le matériel électoral à temps, à confectionner les listes électorales et à distribuer des cartes d’électeurs dans les délais, mais surtout dans sa capacité à rendre les résultats issus des urnes dans les délais les cours, au lieu d’attendre une à deux semaines.

Toute cette organisation en amont et en aval du processus électoral par rapport à ce référendum, sera un véritable test pour les futures échéances de 2025.

Le troisième enjeu souterrain du référendum tient en la capacité des militaires du CTRI à pouvoir assurer la sécurité et la neutralité du processus électoral sans en influencer les résultats au regard du contexte, car quoi que l’on dise, ce sont bien les militaires qui sont à la manœuvre, le Ministère de l’Intérieur n’étant que l’organisateur apparent. On verra donc la capacité de ces derniers à tenir ce scrutin et à pouvoir gérer tout le processus.

Enfin le dernier enjeu souterrain concerne le peuple gabonais dans sa capacité de mobilisation à se rendre aux urnes. En effet, depuis un temps, le peuple gabonais a souvent observé un abstentionnisme très élevé par rapport à toutes les élections organisées dans le pays, en raison de leur mauvaise organisation par l’ancien régime PDG.

Le référendum étant un instrument qui permet d’abord d’assouvir une certaine soif de participer à la décision, son usage est également de nature à restaurer une confiance des citoyens dans les institutions politiques.

Nous espérons donc que le peuple gabonais répondra massivement à l’appel de ce référendum afin de se prononcer sur des questions qui engagent l’avenir du pays.

Si les autorités de la Transition semblent avoir déjà débuté la campagne sur l’adoption de la nouvelle Constitution, alors que le projet de constitution se trouve encore entre les mains du Comité constitutionnel national, cette démarche interroge plus d’un Gabonais, d’autant plus que le corps électoral ignore toujours à ce jour le contenu du texte. La position d’un certain nombre d’électeurs éclairés étant dictée par un jugement direct sur le texte et sur les conséquences de son application sur la vie politique, cette campagne pourrait s’apparenter rapidement à de la manipulation de l’opinion et faire le lit aux tenants du NON.

Bien qu’il n’ait pas encore déclaré son intention de se présenter, il est largement admis que le Général de Brigade Brice Clotaire Oligui Nguema briguera la présidence de la République en 2025, c’est pourquoi le score du OUI sera un véritable révélateur pour la suite.

*Dr Jonathan Ndoutoume Ngome, Maître-assistant (Cames) de géopolitique et géostratégie, Enseignant chercheur des universités, Ancien Ministre de la République

*Amour Nziengui Mombo, Doctorant en geoéconomie, Fonctionnaire au ministère de l’Économie et des Participations

 
GR
 

2 Commentaires

  1. Mikouma Paul dit :

    3ème enjeux : offrir la possibilité aux opportunistes de tous genres de se faire remarquer et obtenir leur place au soleil de la Transition.

  2. Marcus Garvey dit :

    4ème enjeux: Bonjour le kounabélisme otchotcha!

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