Le tribalisme et l’ethnisme exacerbé sont devenus des menaces sérieuses pour l’unité nationale au Gabon. Alors que le pays se veut une nation unie et indivisible, la montée en puissance d’associations ethniques, comme Ossimane et Tsoumou, révèle une fragmentation sociale inquiétante. Ces regroupements, censés défendre les intérêts de leurs membres, risquent paradoxalement d’accentuer les divisions et de fragiliser le vivre-ensemble. Sommes-nous Gabonais avant d’être Fang, Punu ou Téké, ou l’inverse ? Cette question fondamentale mérite une réflexion approfondie, tant les tensions ethniques mettent en péril la cohésion nationale et le développement du pays. En réaction de quoi Sylvestre Abessolo* analyse ici les dangers du tribalisme exacerbé pour le pays.

Sommes-nous gabonais avant d’être Fang, Nzébis ou Obamba, ou sommes-nous d’abord Kota, Nzébis ou Ndoumou avant d’être gabonais ? © GabonReview

 

Sylvestre Abessolo. © D.R.

Le Gabon, pays riche de sa diversité culturelle et ethnique, est confronté à un défi majeur : celui de la coexistence pacifique et harmonieuse entre ses différentes communautés. Parmi les groupes ethniques du Gabon, les Fangs, les Myénès, les Punus, les Nzébis et les Tékés occupent une place prépondérante, mais des associations telles que OSSIMANE (regroupant essentiellement les personnes d’ethnie fangs) et TSOUMOU (regroupant essentiellement les personnes d’ethnies Tékés), pour ne citer que celles-là, ont soulevé des tensions qui mettent en péril le vivre-ensemble. Ces regroupements, dont la préoccupation principale semble être la défense des intérêts de groupes ethniques, soulèvent la question de l’identité nationale : sommes-nous gabonais avant d’être Fang, Punu, ou Téké, ou sommes-nous d’abord Fang, Punu ou Téké avant d’être gabonais?

La montée des associations tribalistes : un reflet des divisions internes

Les associations telles que celles citées plus haut trouvent leur origine dans des réalités sociétales. Le Gabon, tout comme de nombreux pays africains, a été marqué par des processus de colonisation qui ont favorisé certaines ethnies tout en en marginalisant d’autres. Après l’indépendance, l’État gabonais a tenté de construire une nation unifiée autour de l’idée d’une citoyenneté commune, transcendant les divisions tribales. Cependant, des facteurs économiques, politiques et sociaux ont conduit certains groupes à se regrouper autour de leur identité ethnique pour défendre leurs droits, leurs intérêts et leurs privilèges.

OSSIMANE, par exemple, s’est formé autour de la communauté Fang soutenant les actions du Président de la République le Général Brice Clotaire Oligui Nguema, et a progressivement pris de l’ampleur dans le domaine politique et économique, tout comme l’association TSOUMOU, qui rassemble principalement les membres de la communauté Téké et alliés. Ces regroupements, bien que parfois légitimes dans leur volonté de défendre les intérêts de leurs membres, contribuent paradoxalement à accentuer les divisions au sein de la société gabonaise. En concentrant leurs actions sur des questions ethniques, elles risquent de perdre de vue l’unité nationale et le principe fondamental de solidarité entre toutes les communautés du pays.

Les dangers du communautarisme pour le vivre-ensemble

Le danger majeur que représente la montée des associations, que je peux qualifier de tribalistes, est qu’elles fragilisent le principe du vivre-ensemble qui doit fonder la société gabonaise. En élevant l’ethnie au-dessus de la nation, ces associations participent à l’érosion de l’identité gabonaise commune. Dans un tel contexte, les individus se voient d’abord comme Lumbu, Myénès, ou Ghisir, avant de se définir comme Gabonais. Or, une nation ne peut se construire sur des bases communautaires trop marquées, car cela conduit à une logique de division et de compétition entre les groupes ethniques, au lieu de favoriser une coopération harmonieuse et inclusive.

Le vivre-ensemble implique de construire un idéal national commun où chaque citoyen se sent partie prenante d’un projet collectif, fondé sur le respect mutuel et l’égalité des chances. Or, l’exacerbation des identités ethniques, poussée par des associations tribalistes, peut mener à des tensions intercommunautaires, parfois violentes, et empêcher la consolidation de la paix sociale. Tout récemment, nous avons observé la diffusion de plusieurs audios à caractère tribaliste mettant aux prises les communautés autochtones Myénès de l’Ogooué–maritime et autres dites non-autochtones. De plus, ce phénomène alimente des pratiques de clientélisme ethnique où l’on privilégie des intérêts de groupe au détriment du bien-être collectif et du développement national.

L’importance de l’identité nationale : être Gabonais avant tout

La question qui se pose alors est cruciale : sommes-nous gabonais avant d’être Fang, Nzébis ou Obamba, ou sommes-nous d’abord Kota, Nzébis ou Ndoumou avant d’être gabonais ? La réponse à cette question doit être fondée sur l’idée d’une identité nationale partagée, qui repose sur les principes d’union, de tolérance et de paix.

Le Gabon, comme tout autre pays, doit se doter d’une identité nationale forte, qui dépasse les appartenances ethniques et place la citoyenneté gabonaise au-dessus de toute autre considération. Chaque Gabonais doit se sentir avant tout membre d’une nation commune, héritière d’une histoire et porteuse d’un avenir collectif. Cela n’implique pas de nier ou d’effacer les spécificités ethniques, mais de les intégrer dans un cadre national qui valorise l’unité dans la diversité.

La Constitution gabonaise, qui évoque la « nation une et indivisible », doit être le socle sur lequel s’appuie la construction d’une société inclusive, où l’appartenance à une communauté ethnique n’empêche pas la pleine participation à la vie nationale. Le Gabon doit encourager un modèle d’intégration dans lequel les individus sont avant tout unis par leurs valeurs républicaines, leurs droits et leurs devoirs en tant que citoyens gabonais.

Les conséquences d’une telle division : un frein au développement national

Les rivalités ethniques exacerbées par les associations tribalistes nuisent non seulement à la paix sociale, mais aussi au développement économique et politique du Gabon. Un pays où les citoyens se voient d’abord comme membres d’une communauté ethnique et non comme des Gabonais est un pays où les divisions risquent de paralyser les initiatives collectives.

Le Gabon, pour réussir son développement, doit mettre en place des politiques inclusives qui favorisent l’égalité des chances et la solidarité entre tous ses citoyens, quel que soit leur groupe ethnique. Le clientélisme basé sur l’ethnie nuit à la méritocratie et engendre des inégalités qui ralentissent le progrès du pays. Si nous continuons à privilégier l’appartenance ethnique au détriment de l’appartenance nationale, nous risquons de renforcer la marginalisation de certains groupes au sein même de la société gabonaise.

Appel à l’unité Nationale

Le Gabon doit faire face à une réalité difficile : la montée des associations tribalistes et la compétition ethnique au sein de la société sont des menaces qui doivent être combattues. La question fondamentale de savoir si nous sommes gabonais avant d’être Obamba, Puvi ou Akélé, ou l’inverse, doit trouver sa réponse dans l’affirmation d’une identité nationale forte. Le Gabon ne peut se permettre de se diviser en groupes rivaux; il doit, au contraire, s’unir autour de son appartenance commune à une nation indivisible. Il est essentiel que les leaders politiques favorisent l’intégration et non la division, et qu’ils encouragent une politique de réconciliation et de solidarité nationale. Si cette voie est suivie, le Gabon pourra relever ses défis sociaux, économiques et politiques et offrir un avenir de prospérité à toutes ses communautés, dans le respect des principes de l’unité dans la diversité.

Par Sylvestre ABESSOLO, Géologue dans l’industrie pétrolière, membre du Think Tank Gabon Forum Libre, citoyen engagé.

 
GR
 

2 Commentaires

  1. leance dit :

    je me permet de répondre a cet article au fin d’apporter quelques précisions, car au regarde ce qui est écris principalement sur l’association Tsoumou, pour votre gouverne Tsoumou est une association qui a plus de 20 ans d’existence et ne regroupe en son seins principalement que les ressortissant du village de Ngouoni et de quelques allié, elle ne représente pas tous les téké et n’est pas une association qui se veut nationale comme Ossimane, aujourd’hui la confusion règne a cause de tendance expansionniste d’ossimane. Et pour finir TSOUMOU n’est pas une association des tous les Téké, ou du G2, mais des ressortissants de Ngouoni, même si son adhésion n’est pas totalement fermée aux autres ressortissants du G2, mais a condition d’avoir un lien familiale avec NGOUONI.

  2. Biswe dit :

    La préoccupation est légitime, en ce quelle s’inscrit en contrepoint d’un phénomène qui existe depuis belle lurette dans notre pays…sans que cela n’offusque personne ou disons-le, personne n’ose en parler.

    En effet, comparer Ossimane et Tsoumou, c’est déja céder à la vulgate du « Tout sauf les fangs », et oublier de dire que Tsoumou,et les autres Nyangou ou Ngounié Forte c’est longtemps bien avant Ossimane, et enfin, que cette dernière est surtout et pour cette fois, l’émanation…allons, mettons les pieds dans le plat, une émanation disais-je, des fangs.
    Quant on connaît la phobie atavique de leurs compatriotes dits « bilops » envers eux…oui cela peut être perçu comme un danger!!!

    Mais rassurer vous, il y a longtemps que les gabonais ne pratiquent plus l’endogamie…je sais, pour travailler dans une institution que pourrait être le Gabon en miniature, que les actes de mariages ou de naissance qui passent devant moi me rassurent puisqu’en matière de d’amour ou de « pays-bas », les Gabonais ne connaissent se fichent un peu royalement du fait ethnique ou tribal…quoi, même la « Grenouille d’Andjogo » à des enfants avec des femmes fangs, à plus forte raison un Nzebi des PK avec une Punu de d’Isaac (Quartier de Lambaréné), ou un fang de Port-Gentil!!!

    Rassurez-vous donc, des dynamiques profondes sont en action et irriguent l' »Etre Gabonais » aujourd’hui. Nous n’en avons pas conscience ou le nions un peu, mais surtout par confort et paresse.

    Bien à vous!

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