Des couacs à chacune des sorties du président de la transition, la peur qui tétanise jusqu’à ses collaborateurs les plus proches au point de n’être pas capables de riposter aux attaques politiques subies par le patron du CTRI qui l’a lui-même regretté récemment dans la Nyanga… Jonathan Ndoutoume Ngome et Amour Nziengui Mombo* soutiennent dans cette nouvelle tribune que le général Brice Clotaire Oligui Nguema a nécessairement besoin autour de lui d’«une communication politique courageuse et offensive».

Le général Brice Clotaire Oligui Nguema dans la Nyanga, en juillet 2024. © Communication présidentielle

 

Il peut paraître prétentieux de parler ou de critiquer la qualité de la communication autour du Président de la Transition, mais à la lumière de nombreux couacs observés à chacune de ses sorties, il nous semble important de nous prononcer sur un constat partagé par l’ensemble des Gabonais, le Chef de l’État lui-même compris, sur la nécessité d’une véritable communication politique qui cadre avec le courage et le caractère offensif du Président de la République, en cette période de Transition.

En séjour, du 12 au 15 juillet 2024, dans la Nyanga au sud-ouest du Gabon, dans le cadre de sa tournée républicaine, le Président de la Transition Brice Clotaire a sillonné l’ensemble des localités de la province, prononçant à chacune des étapes un discours avec des messages adaptés. Parmi tous ces discours, un seul aura retenu l’attention des observateurs avisés, celui prononcé à Moabi à l’endroit des hommes politiques membres de son gouvernement.

En effet, dans un ton ferme et martial, Brice Clotaire Oligui Nguema n’a pas hésité de critiquer publiquement ses ministres, les qualifiant d’inoffensifs et manquant de courage. Il a directement pointé du doigt les sorties médiatiques de certains de ces Ministres qui, selon lui, affaiblissent son autorité et donnent du crédit aux critiques d’Alain-Claude Bilie-By-Nze, ancien Premier ministre devenu très critique à l’égard du CTRI.

«Donc dans ce Gouvernement, personne ne peut répondre à Bilie-By-Nze ? Il vous attaque politiquement, répondez lui politiquement. Pourquoi, il vous fait autant peur ? Comme vous n’êtes pas en mesure de répondre à Bilie-By-Nze, nous les militaires allons le faire».

Si certains voient dans cette sortie les prémices d’un remaniement gouvernemental imminent, ou une énième erreur stratégique et politique, tendant à crédibiliser et mettre en relief un éventuel adversaire politique, cette sortie met plutôt au grand jour, les limites de sa communication politique dans un contexte où l’enjeu principal demeure la légitimation de son pouvoir.

Dans tous les pays du monde, les Présidents de la République ont chacun à leur manière, une stratégie de communication personnelle. Du charisme gaullien à la communication paradoxale de M. Mitterrand, de l’hégémonisme médiatique de Vladimir Poutine à la transparence de Barack Obama, la subtilité de Sarkozy et la froideur de Paul Kagamé, ou encore le paternalisme d’Omar Bongo, tous les Chefs d’État ont toujours eu des styles de communication pour lesquels ils n’étaient pas forcément préparés mais auxquels ils ont du s’accommoder car indispensables à leur survie politique.

Brice Clotaire Oligui Nguéma semble malheureusement déroger à cette règle, pour la simple raison que ce dernier ne montre aucun style dans sa communication politique. Ce qui peut se comprendre car c’est un militaire, on n’attend pas de lui des prouesses oratoires, car par principe militaire, il a été conditionné par le devoir de réserve (celle de la grande muette), qui impose aux militaires l’interdiction d’exprimer des opinions sur des sujets sensibles, sociétaux et politiques, dans le cadre de leurs services et fonctions.

Seulement devenu Président de la République à la faveur du coup d’Etat du 30 août 2023, une fonction éminemment politique même en période de Transition, Brice Clotaire Oligui doit désormais embrasser et adopter tous les réflexes d’un politique, notamment dans sa communication.

Pour avoir vu et côtoyé Omar Bongo Ondimba, le Président Oligui est un homme intelligent, il a pesé les défaillances de sa communication politique. Et, il est conscient qu’aujourd’hui, l’événement et l’actualité écrasent tout le reste. Et si un homme politique veut exister médiatiquement et favorablement auprès de l’opinion, il doit en permanence surfer sur l’événement et l’actualité à travers une communication politique courageuse et offensive.

La communication politique constitue le cœur même de l’exercice du pouvoir et de la vie démocratique moderne. Elle façonne les dynamiques sociales et politiques, influençant les perceptions, les opinions et les choix des citoyens.

À travers une série de stratégies, médias et discours, la communication politique englobe un ensemble de processus complexes qui interagissent avec le pouvoir, les politiques et la société.

Dans sa définition et son fondement, la communication politique est l’art de transmettre des messages et des idées à des fins politiques. Elle englobe divers moyens de diffusion : les discours, les débats, les médias traditionnels et numériques, ainsi que les campagnes publicitaires.

Les acteurs politiques, les conseillers en communication et stratèges politiques utilisent ces outils pour influencer l’opinion publique, remporter des élections, mobiliser les citoyens et légitimer les politiques gouvernementales.

Dans le cadre de la Transition au Gabon, la communication politique doit être intimement liée à l’exercice du pouvoir de Brice Clotaire Oligui et du CTRI, qui incarnent une nouvelle espérance auprès des populations. À cet effet, plusieurs acteurs clés à côté du Président de la République doivent jouer un rôle majeur dans ce domaine.

Ministre de la communication, Porte-paroles, Conseillers en communication et Chargés de mission, doivent être capables d’exercer une influence considérable en conseillant le Chef de l’État sur la manière de présenter ses idées pour maximiser leur impact sur les citoyens. Ils doivent également jouer un rôle important dans la gestion de l’image publique du Président de la République dans la rédaction de ses discours et la planification de sa communication.

Or, la sortie du Président de la Transition à Moabi a laissé entrevoir plusieurs défaillances dans son dispositif communicationnel. Pour de nombreux observateurs de la scène politique gabonaise, il est dommage et regrettable de voir Brice Clotaire Oligui Nguema, répondre à un acteur politique, en l’occurrence Alain Claude Billie-By-Nze pour ne pas le citer, quand on sait que ce dernier a avec lui, un ministre de la communication, un Porte-Parole, un Conseiller Spécial Chef de Département de la communication présidentielle, de nombreux Conseillers politiques et des Chargés de mission à même de le faire.

Ce constat, plus d’un observateur l’avait déjà fait, au lendemain du Dialogue National Inclusif (DNI), après le forum économique Gabon-France et la première visite officielle du Président de la Transition à l’Elysée, pour lesquels aucun service après-vente n’avait été fait. À cela s’ajoute le mutisme de ses communicants face aux sorties incisives du dernier Premier Ministre d’Ali Bongo, aux critiques de Nathalie Yamb et aux attaques des activistes politiques de la diaspora.

Aujourd’hui, les citoyens ne sont plus de simples récepteurs de la communication politique. Leur opinion et leur vote sont influencés par les messages et les discours des politiciens. La communication politique vise à mobiliser les citoyens, à les informer et à les inciter à participer activement à la vie politique. Leur réaction aux discours politiques et leur engagement via les médias sociaux a un impact sur le paysage politique et la manière dont les politiciens adaptent leurs stratégies de communication. Dans le cas de cette Transition, elle vise même à redonner espoir aux gabonais.

Les mots, la posture et le discours utilisés dans la communication politique sont essentiels dans une optique de persuasion et d’influence. Les acteurs politiques et leurs conseillers en communication choisissent soigneusement leurs mots, leurs tournures de phrases et leur ton pour influencer les émotions et les perceptions du public. Le langage émotionnel peut être particulièrement puissant, suscitant l’adhésion émotionnelle des électeurs. Les stratégies de communication englobent aussi l’utilisation de métaphores, de répétitions, de slogans mémorables et de narrations captivantes pour rendre les messages plus accrocheurs et marquer les esprits, souvent au détriment de la profondeur des idées. Ce qui, malheureusement, est loin de ce que propose les communicants de Brice Clotaire Oligui Nguema, qui semblent avoir opté pour la « parole rare ».

La stratégie de la « parole rare », est un concept théorisé par le conseiller de François Mitterrand, Jaques Pilhan dans les années 80s. Cette stratégie a eu ses moments d’efficacité et de succès dans notre pays, sous le très influent Dieudonné Orango Berre, Porte-Parole de la Présidence de la République d’Omar Bongo à l’époque. Mais en 2024, cette stratégie se confronte aujourd’hui à plusieurs défis : l’abondance de l’information des médias traditionnels, les chaînes en continue et surtout les réseaux sociaux qui permettent à chacun de s’informer et de communiquer sa propre vérité, y compris des ‘’fake news’’.

De plus, l’émotion joue désormais un rôle de plus en plus important dans la communication et elle passe bien souvent par l’image choc et les mots qui marquent plus les esprits que les discours. Il s’agit alors pour le Président de la République non pas de rendre la prise de parole rare mais de la rendre plus efficace notamment en intervenant pour donner les grandes lignes de sa politique, en prélude au référendum et à l’élection présidentielle de 2025.

Là où le président affiche une vision et une direction, les membres du gouvernement doivent agir pour donner l’image d’une équipe en action avec un Chef à sa tête. Là où il est attaqué, ils doivent être capables d’apporter une riposte appropriée voir létale et chirurgicale.

Si la politique suppose qu’on prenne des coups, elle suppose également l’obligation d’en donner.

Aussi, à la déclaration d’Alain-Claude Bilie-By-Nze exigeant le retour des militaires dans les casernes, par exemple, la réponse à lui donner était simple. En effet, autant on peut avoir des civils corrompus, autant certains militaires peuvent être de bons Chefs d’État, capables de mener leurs peuples vers la félicité ou vice versa. Et les illustrations existent, notamment avec les cas suivants :

1- Le Général de Gaulle, accédant au pouvoir en France par un coup d’État, à qui la France doit depuis 1958, la Constitution de la 5eme République, gage de stabilité des institutions hexagonales;

2- le Capitaine Jerry Rawling bien qu’ayant accédé au pouvoir par la force à deux reprises, a permis au Ghana d’entrer dans la modernité politique , économique et sociale. Le Ghana est cité aujourd’hui comme un exemple en voie de développement.

3- le Colonel Théodoro Obiang Nguema Mbazogo accède au pouvoir en 1979 par coup d’Etat contre Macias Nguema. Mais on retient d’ Obiang Nguema comme celui qui a transformé la Guinée Équatoriale sur le plan infrastructurel, de 1994 à aujourd’hui. La Guinée équatoriale a le visage d’un pays développé grâce à un militaire.

4- Paul Kagamé du Rwanda. Il prend le pouvoir en évinçant le pasteur Bizimungu, après la période sombre du génocide entre Hutu et Tutsi de 1994. Aujourd’hui, le Rwanda est cité comme un exemple de modernité en Afrique, grâce à un militaire.

Ceci pour dire que le schéma classique d’un retour des militaires dans les casernes pour un prétendu retour à l’ordre constitutionnel ou républicain n’a pas toujours réparé les vulnérabilités sécuritaires, politiques, économiques et sociales des populations africaines.

Par conséquent, le statut civil ou militaire au pouvoir importe peu aux populations africaines dont la préoccupation demeure le bien être sécuritaire, économique et social.

Quant à Natalie Yambe qui critiquait, entre autre, le mariage du Général Oligui Nguema en secondes noces, faut-il rappeler à cette activiste sa défiance vis-à-vis de la morale, qu’elle révèle à la face du monde l’identité du géniteur de son fils, avec test ADN à l’appui.

Mais tous ces éléments de réponses semblent être hors de portée de la communication présidentielle et gouvernementale qui manquent certainement de courage pour défendre le Président Brice Clotaire Oligui Nguema.

Par ailleurs, l’espace public qui est lié à la démocratisation, traduit également le phénomène de politisation de la plus grande partie des questions de société, au sens où en démocratie presque toutes les questions sont l’objet d’affrontements et de négociations. C’est l’espace symbolique où s’opposent, et se répondent, les discours pour la plupart contradictoires, tenus par les différents acteurs politiques, sociaux, religieux, culturels, intellectuels, composant une société.

De l’avis de nombreux observateurs avisés, au-delà de simples critiques, les prises de parole d’Alain-Claude Bilie-By-Nze tendent à ouvrir un peu plus les yeux au Président de la République sur la capacité des uns et des autres à répondre à ses attentes.

Le Président Oligui Nguema doit nécessairement réaménager sa stratégie de communication, en l’adaptant aux nouvelles exigences en la matière pour protéger son image et maintenir la confiance du peuple. Cela est essentiel pour mener à bien cette transition et, surtout, s’il envisage de se présenter aux élections présidentielles prochaines.

*Dr Jonathan Ndoutoume Ngome. Maître-assistant (CAMES) de Géopolitique et Géostratégie, Enseignant-chercheur des universités, Ancien ministre de la République

*Amour NZIENGUI MOMBO. Doctorant en Géopolitique et Géoéconomie

 
GR
 

5 Commentaires

  1. messowomekewo dit :

    Toujours dans l’esbrouffe, ancien ministre de la République, pour quel résultat? on est tenté de dire que vous avez été appelé au gouvernement pour faire de la figuration. La parole, toujours la parole, et rien que la parole. Côté réalisations, on peine à trouver quelque chose à l’actif de ce natif de Mitzic.
    Il faut rester à l’université, là-bas au moins vous pourrez laisser des traces.

    • Biswe dit :

      Il faut parfois arrêter avec vos conneries qui cachent des haines rances et éculées. Avec quoi un ministre est supposé faire ce que vous attendez de lui? En volant l’argent du contribuable? A quoi sert donc l’Etat? Même les « imbéciles sont heureux », à plus forte raison lui !!!

      • messowomekewo dit :

        Il n’est question de haine , rappeler sans cesse qu’on est ancien ministre a quelque chose de lassant quand chacun se souvient de votre passage au gouvernement.. Quel texte de loi ou réglementaire avez vous initié ne fut ce que pour améliorer la vie des gabonais vivant avec un handicap? c’est ça gouverner, il s’agit de poser des actes , non pas avec vos propres moyens mais en orientant l’action de la puissance publique vers les priorités qui impactent la vie du plus grand nombre .

        • Biswe dit :

          « Quel texte de loi ou réglementaire avez vous initié ne fut ce que pour améliorer la vie des gabonais vivant avec un handicap? »….votre problème est résumé dans cette question. Tantôt vous le renvoyez à ses origines (Mitzic) , maintenant et de manière tout à fait arbitraire pour ne pas dire discriminatoire, à ses capacités physiques (handicap) C’était le ministre des handicapés? A quand celui des fangs et des géopoliticiens.

          Vous avez trop infusé semble-t-il, dans cet écosystème politique et culturel ou le mélange de genre surdétermine les comportements et d’abord, l’appréhension des choses… non?

  2. messowomekewo dit :

    Ce monsieur était ministre délégué aux affaire sociales si mes souvenir sont bons, c’est à ce titre et à ce titre seulement qu’il aurait pu prendre des initiatives pour améliorer le quotidien de nos compatriotes vivant avec un handicap. S’il avait été dans un autre département ministériel, la question ne se poserait pas dans les mêmes termes.
    Vous voulez déplacer le débat, ce monsieur était ministre de la République, il est normal qu’un citoyen lambda s’interroge sur son action du temps où il était aux responsabilités, d’autant qu’il semble se prévaloir de ce statut d’ancien membre du gouvernement. Pour ne pas faire une polémique inutile,le débat est clos.

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