À travers une analyse incisive de la transition politique au Gabon, Adrien Nkoghe Essingone* examine les défis et les opportunités qui se présentent au pays sous la présidence du Général Brice Clotaire Oligui Nguema. Sa tribune met en lumière l’importance cruciale de l’instauration d’un véritable État de droit, condition sine qua non pour une transformation durable du pays. L’ancien Député souligne la nécessité d’une rupture définitive avec les pratiques du passé, appelant à des actions concrètes pour lutter contre la corruption et assurer une redistribution équitable des richesses nationales.

« Les Gabonais attendent depuis 56 ans l’avènement d’un véritable État de droit, après des décennies vécues sous le joug de l’injustice et de l’impunité ». © GabonReview

 

Adrien Nkoghe Essingone, ancien Député à l’Assemblée nationale, ancien ministre de l’Habitat, du Cadastre et de l’Urbanisme. © D.R.

Toute transition politique, comme celle que traverse le Gabon sous la présidence du Général de Brigade Brice Clotaire Oligui Nguema, est une étape cruciale. C’est un moment temporaire de haute importance, un moment d’observation pour tirer les leçons des erreurs passées, notamment les dérives tant décriées. À quelques mois de la fin de la Transition, et dans la ferveur patriotique de la célébration du 64e anniversaire de l’indépendance, le Président a prononcé un discours déterminant sur l’avenir de la Nation. Ce discours, pour moi, symbolise l’acte 2 de sa bravoure, qui a commencé avec le coup de libération.

Le discours du Président de la Transition marque un tournant crucial : il rompt définitivement avec la consubstantialité supposée entre le régime déchu et la nouvelle administration. En proclamant solennellement l’instauration de l’État de droit, il pose les fondations du retour à l’ordre constitutionnel, une boussole indispensable pour la construction juridique et politique du Gabon de demain. Cette rupture avec les pratiques injustes du passé est indispensable si le pays veut réellement changer de cap.

L’État de droit, tel que voulu par le Président, doit être une réalité tangible et non un simple slogan. Cela passe par l’examen approfondi de la nouvelle Constitution qui sera soumise à la Constituante. Les Constituants devront garder en tête l’esprit de justice, la mère de l’État de droit et troisième pilier de la devise du Gabon. Une Constitution juste doit garantir un équilibre réel des trois pouvoirs, même si elle demeure à prédominance présidentielle. Cet équilibre est essentiel pour éviter toute concentration abusive du pouvoir, un phénomène qui a souvent mené à la dérive.

Les Gabonais attendent depuis 56 ans l’avènement d’un véritable État de droit, après des décennies vécues sous le joug de l’injustice et de l’impunité. Les discours officiels n’ont cessé de vanter les vertus de la loi et de la justice, mais dans la réalité quotidienne, les Gabonais n’en ont jamais ressenti les effets. Aujourd’hui, ils veulent voir l’État de droit s’imposer concrètement.

Un État de droit ne peut être un tigre en papier : il doit être capable de sanctionner immédiatement les déviances. Si les dysfonctionnements, tels que les détournements de fonds et la corruption qui gangrènent l’administration publique, ne sont pas rapidement corrigés, cette transition sera inévitablement vouée à l’échec. Le Président de la Transition doit prendre des mesures fermes et immédiates pour éradiquer ces pratiques anti-patriotiques qui paralysent l’État. Des affaires en cours comme celles concernant la Société d’Énergie et d’Eau du Gabon (SEEG) ou l’Agence Nationale des Bourses du Gabon (ANBG) témoignent des abus qui persistent et qui, si non résolus, risquent de compromettre sérieusement les réformes en cours.

Le Gabon, riche de ses ressources naturelles, se trouve dans une situation économique préoccupante. La dette est devenue presque insoutenable et le déficit budgétaire se creuse chaque année. Le pays a un besoin urgent de restructurer son économie de manière robuste. Une économie saine et stable repose nécessairement sur un véritable État de droit. Sans un environnement clair, prévisible et où les règles sont appliquées de manière égale pour tous, les investisseurs, qu’ils soient nationaux ou étrangers, resteront frileux.

Le Gabon doit instaurer un climat de confiance pour attirer les investissements massifs dont il a besoin. Cela implique que les lois soient appliquées rigoureusement, sans favoritisme ni exception. Les pratiques déviantes dans la gestion des fonds publics, telles que la surfacturation et les marchés fictifs, doivent être éradiquées. Les exemples sont nombreux : le ministre en charge des finances avait déjà révélé en 2014 des économies réalisées grâce à des contrôles de marchés publics. Plus récemment, les experts de la Commission économique des Nations-Unies pour l’Afrique (CEA) ont estimé que le Gabon perd entre 400 et 500 milliards de francs CFA par an à cause de la prédation des fonds publics.

L’ambition du Président de la Transition de doter le Gabon d’une économie redistributive est noble et nécessaire. Compte tenu de la faible population et de l’immensité des ressources naturelles, le pays a tout à gagner à une redistribution équitable des richesses. Mais cela ne sera possible que si l’État de droit s’installe véritablement et que la loi est appliquée avec rigueur.

Les pratiques criminelles qui détournent les ressources publiques doivent être éliminées. La redistribution équitable des richesses doit profiter à l’ensemble de la population, et non à une élite égoïste. C’est dans cet esprit que la nouvelle politique économique du Président peut s’implanter durablement. Si la corruption et l’impunité continuent, le rêve d’une économie robuste sera également voué à l’échec, car aucun développement durable ne pourra avoir lieu dans un tel contexte.

En tant que partisan du coup de libération du 30 août 2023 et du discours du 16 août 2024 sur l’instauration de l’État de droit, je m’engage à rappeler par devoir de dire la vérité sans tabou au Président de la Transition et de rappeler que la justice et l’éthique doivent rester au cœur de cette Transition. Si la justice n’est pas rapidement rendue, si les déviances ne sont pas sanctionnées avec fermeté, les ambitions économiques et politiques du Président de la Transition seront vaines.

Pour que le Gabon puisse connaître un avenir prospère, il est impératif que l’État de droit soit plus qu’un simple mot. Il doit être la fondation sur laquelle repose l’ensemble des réformes économiques et sociales. Seule une économie robuste, fondée sur l’équité et la transparence, permettra de garantir la stabilité politique, la paix sociale, et le mieux-être collectif du peuple gabonais.

Sortons de la culture du silence, osons maintenant pour un Gabon nouveau grâce au coup de libération.

*Adrien Nkoghe Essingone, ancien Député

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GR
 

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