[Tribune] Femmes gabonaises, femmes pionnières: de Hyacinthe Antini à Rose Christiane Ossouka Raponda
Hyacinthe Antini, la première religieuse gabonaise, Yvette Hélène Ndjengué Berre et Sophie Merey, les deux premières bachelières du Gabon, Myriel Oyane, la première actrice du Gabon, Cathérine Azizet Fall Ndiaye, la première sage-femme du Gabon, entre autres pionnières du Gabon moderne, sont ici commémorées à l’occasion de la célébration en différé, ce samedi 7 mai, de la Journée nationale de la femme gabonaise. Une contribution de Emmanuel Mba Allo (journaliste et ancien diplomate), Sophie K. Boating (écrivaine) et Ghislain Ondias Okouma (enseignant).
Le Gabon célèbre en différé samedi, 7 mai, la Journée nationale de la femme gabonaise. C’est l’occasion de « descendre les marches de l’escalier du temps » pour aller à la rencontre des femmes – des pionnières – qui ont marqué l’histoire du Gabon d’hier à aujourd’hui. Il a fallu malheureusement les choisir, l’espace offert par Gabonreview ne peut rassembler tous les personnages féminins illustres de l’histoire de notre pays.
Connaissez-vous Hyacinthe Antini, la première religieuse gabonaise, Yvette Hélène Ndjengué Berre et Sophie Merey, les deux premières bachelières du Gabon, Myriel Oyane, la première actrice du Gabon, Cathérine Azizet Fall Ndiaye, la première sage-femme du Gabon? Ce sont là quelques-unes des pionnières qui illustrent les participations féminines à l’histoire d’un pays toujours en écriture.
Pour ouvrir le récit de la longue marche des femmes qui ont marqué l’histoire du Gabon, nous ne pouvions que commencer par Sœur Hyacinthe Antini, qui a disparu de nos mémoires alors qu’elle a bien inscrit son empreinte sur l’histoire gabonaise (Cf. Sœur Marie Sidonie Oyembo Vandji, Les Sœurs de l’Immaculée Conception de Castres. 150 ans de présence missionnaire au Gabon, CERGEP/les Editions Udégiennes, p. 114). Mais qui est-elle ? Antini est née vers 1870 à Andimi, un village situé à l’époque aux environs de Franceville, dans la province du Haut-Ogooué. Benjamine d’une famille de sept enfants, Antini est avec ses parents lorsqu’ils sont capturés et embarqués dans la caravane de Pierre Savorgnan de Brazza. Ils moururent successivement au cours de la caravane qui les menait de Lastourville à Libreville. Voilà Antini, orpheline de père et de mère, alors qu’elle n’a que six ou sept ans. De Brazza la prend sous sa protection, elle devient alors sa pupille et la confia aux Sœurs bleues (Immaculée Conception) à Saint-Pierre à Libreville pour son éducation et sa formation. En signe de reconnaissance pour son père adoptif, Antini prit le prénom de Hyacinthe le jour de son baptême, en mémoire de la mère de Savorgnan de Brazza prénommée Giacinta.
Au cours de sa formation, Hyacinthe Antini choisit de devenir religieuse de l’Immaculée Conception. C’est la première religieuse gabonaise et de l’Afrique Equatoriale Française (AEF). Sa vie durant, à Saint-Pierre de Libreville, à Donguila et à Sainte Anne du Fernan-Vaz, elle sera une éducatrice infatigable des filles et des femmes. C’est l’ancêtre des pionnières de l’émancipation des femmes gabonaises. La première religieuse gabonaise décède le 16 juin 1952 à Sainte Anne du Fernan-Vaz à l’âge de 83 ans.
Sœur Hyacinthe Antini est un produit de l’œuvre éducative des congrégations religieuses catholiques. Elles se sont investies depuis le XIXème siècle au Gabon pour l’éducation et la formation de la jeune fille ainsi que pour la promotion de la femme gabonaise. L’Institution Immaculée Conception, fondée en 1957 par Mère Jean-Gabriel Brenckle, et exclusivement réservé aux jeunes filles, a été le navire amiral de cette formation de l’élite féminine au Gabon. La Première Dame du Gabon, Madame Sylvia Bongo Ondimba ; la présidente du Sénat, Madame Lucie Milebou Aubusson épouse Mboutsou, tout comme les anciennes ministres, Nadine Anguilé, Pierrette Djouassa, Paulette Missambo et de nombreux hauts fonctionnaires ont été formés dans cet établissement.
L’enseignement officiel public introduit au Gabon à partir de 1907 a également œuvré à la formation d’une grande partie de l’élite féminine de notre pays. En juin 1957, Mesdemoiselles Yvette Hélène Ndjengué Berre et Sophie Merey, élèves au Lycée Moderne de Libreville (aujourd’hui Lycée National Léon Mba) sont les premières gabonaises à obtenir le diplôme de baccalauréat.
Avant l’indépendance, les femmes s’activent déjà pour intégrer le monde professionnel qui se dessine et demeure très masculin.
Ainsi, Cathérine Azizet Fall Ndiaye deviendra la première sage-femme du Gabon en 1949.
Lucie Soulounganga, quant à elle, sera la première institutrice de notre pays en 1958.
Dans le domaine des médias, Vicky Fournier devient la première animatrice radio en 1961. Une professionnelle jusqu’alors saluée par ses successeurs.
En 1962, dans le tournage du premier long-métrage gabonais « LA CAGE », on verra apparaître la première actrice gabonaise Myriel Oyane aux côtés de Philippe Maury.
C’est en 1967 que Rose Francine Rogombe prête serment en tant que magistrate, devenant ainsi la première femme gabonaise à exercer cette fonction. Elle aura un parcours politique des plus remarquables. Elle sera successivement ministre, présidente du Sénat et Présidente de la République par interim, suite à la disparition du Président Omar Bongo Ondimba en juin 2009.
Si Robert Zotoumbat, auteur de « Histoire d’un enfant trouvé » est considéré, à juste titre, comme le premier romancier gabonais, il est établi qu’Angèle Rawiri est la première romancière gabonaise. Elle publie son premier roman « Elonga » en 1980. En 1983, dans « G’amérakano au carrefour », elle parle du choc de la tradition face au monde moderne, du métissage et du statut de la femme dans le monde contemporain. Le sujet le plus polémique fut abordé en 1989 dans son roman « Fureur et cris de femmes ». Elle y parlait de l’homosexualité féminine.
En ce domaine littéraire, l’écrivaine gabonaise la plus récompensée demeure aujourd’hui Bessora (de son vrai nom Sandrine Bessora Nan Nguema), auteur d’une vingtaine d’ouvrages et Grand Prix Littéraire d’Afrique Noire en 2007 pour son roman « Cueillez-moi, jolis Messieurs ».
Nous en sommes convaincus, les figures culturelles, mais aussi les sportives sont sources d’inspiration et d’émulation pour les jeunes générations.
Aussi est-il important de rappeler que Odette Mistoul aura été la première femme à porter très haut le drapeau national dans les compétitions sportives internationales. Celle qui fit partie de la délégation gabonaise aux Jeux Olympiques de 1984, aura remporté à trois reprises le titre du lancer du poids aux championnats d’Afrique en 1979, 1982 et 1984.
En politique, c’est en 1961 que sont élues les deux premières députés de la République Gabonaise. Il s’agit d’Antoinette Tsono pour la Ngounié et Virginie Ambougou pour l’Estuaire. Toutes les deux militantes du Bloc Démocratique Gabonais (BDG) de Léon Mba et de Gondjout.
De 1957, date d’instauration du premier Conseil du gouvernement de notre pays, jusqu’à aujourd’hui, ce sont 460 personnalités qui ont occupé des postes ministériels dont 87 femmes. Le 17 avril 1975, Jeanne Nzaou Mabika et Agnès Nyare Nkoghe sont les premières à entrer dans un gouvernement (cf. Pierre Saulet, Les gouvernements du Gabon, 2019, Editions Meyeni). Jeanne Nzaou Mabika, par ailleurs, sera la première femme à être nommée à un poste d’ambassadeur.
S’agissant des postes régaliens, Pascaline Mferri Bongo Ondimba sera la première femme ministre des Affaires étrangères en 1991, Sophie Ngwamassana, la première Garde des Sceaux, ministre de la Justice en janvier 1987 et Angélique Ngoma, la première à la Défense nationale en octobre 2009. Et depuis le 16 juillet 2020, Rose Christiane Ossouka Raponda est la première à occuper le poste de Premier Ministre du Gabon. Après avoir été notamment la première édile de la capitale gabonaise.
C’est l’occasion de rappeler le rôle joué également, aux premières années de l’indépendance, par certaines femmes au plan local. Jeanne Valentine Piraube sera, non seulement la première personnalité élue pour diriger la mairie de Port-Gentil, de 1956 à 1963, mais aussi la première femme à exercer cette haute fonction locale.
Une autre institution majeure est placée sous la responsabilité d’une éminente juriste, au parcours professionnel salué par tous. C’est Marie-Madeleine Mborantsuo, Présidente de la Cour Constitutionnelle depuis sa création en 1991.
Concernant les Forces de Défense et de Sécurité, la première promotion de femmes dans l’Armée gabonaise date de 1962. C’est 28 ans plus tard, en 1990, que seront élevées au rang de Général de brigade les deux premières femmes, Hélène Sipamio Berre et Fabienne Ovouguiyissa.
L’histoire des femmes au Gabon, c’est aussi des combats. Comment ne pas citer Agathe Okoumba d’Okwatsegue, pionnière et militante active de la promotion et de la défense des droits des femmes au Gabon. Ce combat pour l’égalité entre hommes et femmes, ainsi que pour d’autres causes sociales, a été porté avec détermination par les Premières Dames du Gabon de 1960 à aujourd’hui :
- Pauline Mba de 1960 à 1967 ;
- Joséphine Kama Bongo de 1967 à 1986 ;
- Edith Lucie Bongo Ondimba de 1990 à 2009.
Et depuis 2009, Sylvia Bongo Ondimba, dont l’engagement pour la réduction des inégalités entre femmes et hommes ou la protection de la veuve et de l’orphelin est reconnu au Gabon et à l’étranger. La Fondation Sylvia Bongo Ondimba pour la Famille a notamment lancé en 2019 le Prix Agathe Okoumba d’Okwatsegue pour récompenser les associations profondément engagées dans les luttes contre les violences faites aux femmes.
Comme ses prédécesseurs, le Président Ali Bongo Ondimba œuvre activement pour l’intensification de la promotion des droits des femmes avec l’ambition d’une transformation de leur condition sur tous les plans : juridique, économique, politique et social.
La Décennie de la Femme Gabonaise 2015-2025 proclamée par Ali Bongo Ondimba poursuit ce noble objectif.
Emmanuel Mba Allo, Journaliste, ancien diplomate
Sophie K. Boating, Ecrivaine
Ghislain Ondias Okouma, Enseignant
4 Commentaires
Même s’il manque quelques éléments sur divers domaines de la promotion de la femme au Gabon depuis Omar Bongo, et sous Ali Bongo Ondimba, je voudrais saluer ce travail prodigieux de Mme Sophie Boating et de MM. Emmanuel Mba Allo et Ghislain Ondias Okouma.
Vous avez oublié de souligner que ce régime a tué aussi des femmes parmi lesquels :
Martine Olabou et bien d’autres, morts en couche ou dans des hôpitaux par manque de médicaments à cause de ce system Bongo-PDG.
Cet article de pré-campagne ne nous fera pas oublier que ce régime est cruel et sanguinaire
.
Excellente initiative !
Belle initiative, cependant je ne vois nulle part le nom de Marie Madeleine AVOMO NZE, première et peut-être l’unique gabonaise docteure en physique nucléaire, thèse soutenue le 6 juin 1979 à l’Université de Clermont-Ferrand II, à vérifier en tapant son nom sur Google.