Tchad : une commission spéciale pour rompre les accords militaires avec la France
Le Tchad annonce la création d’une commission spéciale chargée de la résiliation des accords militaires historiques avec la France. Cette décision, motivée par des considérations de souveraineté, intervient dans un contexte marqué par des tensions régionales croissantes et une réévaluation des partenariats stratégiques.
Dans un arrêté signé par le Premier ministre tchadien, N’Djamena a officialisé, le mercredi 4 décembre 2024, la mise en place d’une commission spéciale. Chargée de piloter la dénonciation des accords de coopération militaire avec Paris, cette instance devra notamment notifier officiellement la résiliation des accords auprès des autorités françaises par voie diplomatique.
Elle aura également pour rôle d’élaborer un plan visant à mettre fin aux obligations prévues par la convention. Ce plan inclura une identification des enjeux juridiques, logistiques et sécuritaires liés à la résiliation. Par ailleurs, la commission devra s’assurer d’une coordination efficace avec la France afin de garantir un retrait ordonné des engagements bilatéraux. La date de la première réunion de cette commission n’a pas encore été annoncée, mais selon l’accord consulté par l’AFP, le délai de résiliation est fixé à six mois à compter de la notification officielle.
Une décision au nom de la souveraineté nationale
L’annonce de cette rupture, faite le 28 novembre dernier, marque un tournant dans les relations bilatérales entre Paris et N’Djamena. Selon les autorités tchadiennes, cette décision découle d’une «évaluation minutieuse» et s’inscrit dans une logique de renforcement de la souveraineté nationale.
Lors d’une déclaration officielle, le président tchadien a précisé : «Cette décision ne remet pas en question nos relations diplomatiques avec la France ni notre engagement en faveur de la coopération internationale».
Cette démarche, bien que surprenante pour Paris, intervient dans un contexte de révision globale des partenariats stratégiques de la France en Afrique. La diplomatie française, par la voix de Jean-Noël Barrot, a pris « acte » de cette décision, tout en exprimant son souhait de maintenir un dialogue constructif pour assurer une mise en œuvre harmonieuse.
Un contexte géopolitique et sécuritaire complexe
Le Tchad est le dernier pays du Sahel à accueillir encore une présence militaire française. Actuellement, environ 1 000 soldats français sont stationnés sur trois bases stratégiques. Cependant, cette présence est de plus en plus critiquée localement.
Sur le plan sécuritaire, le pays fait face à une recrudescence des attaques du groupe jihadiste Boko Haram dans le nord-ouest, exacerbant une situation déjà fragile. En parallèle, un afflux massif de réfugiés fuyant le conflit au Soudan voisin exerce une pression supplémentaire sur les ressources nationales. À cela s’ajoutent les dégâts causés par une saison des pluies exceptionnellement violente, qui a déplacé plus de deux millions de personnes, laissant de nombreuses communautés sans abri ni assistance adéquate.
Parallèlement à ces défis, le pays reste en transition politique depuis le coup d’État de 2020 qui a porté au pouvoir le général Mahamat Idriss Déby Itno. Son élection contestée en avril dernier a renforcé les critiques sur le manque d’avancées démocratiques.
Une tendance régionale de rejet des bases françaises
Cette décision s’inscrit dans une dynamique plus large observée au Sahel et en Afrique de l’Ouest. Après les retraits forcés des troupes françaises du Mali, du Burkina Faso et du Niger, la fermeture des bases françaises a également été récemment évoquée par le nouveau président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye.
Pour N’Djamena, il ne s’agit pas d’un alignement politique ou d’un basculement vers une autre puissance. Le président tchadien a clairement affirmé qu’il ne s’agit pas de «remplacer une puissance par une autre», mais de réaffirmer l’indépendance stratégique du pays.
La création de cette commission spéciale marque une étape cruciale dans le repositionnement géopolitique du Tchad. Si la transition promise par N’Djamena est perçue comme un acte d’émancipation, les défis économiques, humanitaires et sécuritaires à venir pourraient mettre à l’épreuve cette nouvelle orientation stratégique.
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