Son 13ème congrès extraordinaire n’a pas débouché sur la désignation d’un candidat. Mais le Parti démocratique gabonais (PDG) n’a jamais mené Ali Bongo à une victoire dans la transparence. À chaque fois, le président déchu fut contraint de recourir à la fraude et la répression. Il faut s’en souvenir et le méditer.

En cherchant à se réinventer auprès du CTRI, le PDG ne fait que répéter son réflexe historique d’allégeance au pouvoir, trahissant ainsi l’esprit même d’une transition censée rompre avec les pratiques du passé. © GabonReview

 

Si la politique se définit comme l’art et la manière de gouverner, elle doit être décryptée à l’aune de l’histoire. Annoncé à grand renfort médiatique, le 13ème congrès extraordinaire du Parti démocratique gabonais (PDG) n’a pas débouché sur la désignation d’un candidat, son premier vice-président s’étant contenté d’indiquer : «Toutes les options sont ouvertes.» Aussitôt, les supputations se sont enchaînées. «Brice Clotaire Oligui Nguéma met le PDG en ordre de bataille en vue de la présidentielle», a titré Africa intelligence, précisant : «La composition du directoire du (…) PDG (…) a été dessinée par (lui)». Affirmant avoir été victime de censure, l’ancien ministre Ali Akbar Onanga Y’Obégue a, pour sa part, appelé les Gabonais à rejeter «cette alliance contre-nature entre le CTRI (Comité pour la transition et la restauration des institutions – NDLR) et le directoire (du PDG)».

Explication courte

Aux commandes du pays pendant 56 ans, le PDG a toujours fait du président de la République en fonction son «candidat naturel». Comme on pouvait l’anticiper, la chute d’Ali Bongo lui a fait perdre ses repères, l’obligeant à reprogrammer son logiciel. N’empêche, cette explication semble courte.  Et pour cause : lors de sa rentrée politique, Paul Biyoghé Mba avait déclaré : «Le PDG doit être disposé à apporter son soutien responsable au président du CTRI et au CTRI tout entier, dès lors que nos intérêts au niveau du parti sont garantis.» Ancien ministre, Charles Mvé Ellah s’était voulu encore plus clair : «Nous sommes un parti de pouvoir, un parti qui est là pour accompagner celui qui dirige», avait-il asséné. Il n’en fallait pas plus pour accréditer la thèse d’un Oligui Nguéma candidat du PDG.

Depuis lors, l’ex-parti unique a tout mis en œuvre pour conforter cette idée. Â rebours de toute logique, il s’est démené pour l’ancrer dans l’opinion. Lors de la campagne référendaire, ses cadres ont poussé à la dérive plébiscitaire, assimilant le «Oui» à une adhésion à l’action et à la candidature éventuelle du président de la Transition voire à une allégeance à sa personne. Durant l’examen du Code électoral, les parlementaires issus de ses rangs ont rivalisé d’arguments spécieux pour défendre le projet gouvernemental. «Je pense que c’est un grand pas et je pense que les scrutins qui sont prévus très prochainement (…) devront se dérouler de manière plus satisfaisante», s’était réjoui Paul Biyoghé Mba, omettant de signaler un fait d’importance : dans un avis rendu le 08 janvier 2024, le Conseil d’État avait recommandé de «présenter tous les aspects de la matière électorale évoqués sous forme de textes distincts».

Dans quel intérêt ?

Que veut le PDG ? Assurer le président de la Transition de son soutien ? Lui garantir une victoire en cas de candidature à la présidentielle ? Ou l’accompagner du mieux possible sans chercher à peser sur ses choix ? D’ici au 12 avril prochain, ces questions doivent être mises en débat. D’abord, au sein des instances du PDG. Ensuite, au sein des autres partis engagés aux côtés du CTRI. Enfin, au sein des institutions, le PDG apparaissant désormais comme un boulet pour la Transition. Certes, à la suite de certains cadres démissionnaires, Ali Akbar Onanga Y’Obégué a déjà livre sa part de vérité, annonçant la création d’un «directoire provisoire de redressement».  Certes, le parti Pour le changement (PLC) a implicitement plaidé pour une invisibilisation des militants PDG autour du Gal Oligui Nguéma. Mais tout ceci ne suffit pas à rassurer l’opinion, alarmée par la perspective de voir les bourreaux d’hier rejouer les premiers rôles.

Comme l’a affirmé le sénateur de la Transition Jean-Rémy Yama, les «relations incestueuses» entre le CTRI et le PDG nourrissent doutes et inquiétudes. Mais, le président de la Transition se refuse à tirer les choses au clair. Dans quel intérêt ? Disposer d’«une machine politique sur laquelle il devrait s’appuyer pour la présidentielle» ? Tout dévoué à la cause d’Ali Bongo lors des trois dernières élections présidentielles, le PDG n’a jamais réussi à le mener à une victoire nette et dans la transparence. À chaque fois, le président déchu fut contraint de recourir à la fraude massive et la répression, le point culminant ayant été l’assaut contre le quartier général de Jean Ping dans la nuit du 1er septembre 2016. À la veille d’une présidentielle de portée historique, il faut s’en souvenir et le méditer.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. DesireNGUEMANZONG dit :

    Bonjour Mme Roxanne Bouenguidi,

    Je voudrais personnellement vous féliciter pour cet article inspirant. Vous suscitez mon intérêt intellectuel et politique. Ce papier pose une réflexion fondamentale sur le rôle « continuelle » du PDG dans le fonctionnement de nos institutions.

    Monsieur Le Général B.C Oligui Nguema a ceci de comparable au Général Ch. De Gaulle du fait qu’ils déteste les partis politiques. Le Général Charles de Gaulle disait que « le gouvernement des partis politiques est une catastrophe ». Ce dernier était opposé à la « dyharchie: une gouvernance bicéphale.

    En lisant la Constitution, deux éléments appuient mon idée : (1) le principe en République gabonaise (le gouvernement du peuple par le peuple pour le peuple) et le rôle du Président de la République en tant que Chef de l’exécutif en supprimant la fonction de Premier ministre qui est (en théorie) l’emanation d’une majorité législative.

    C’est sur la base de cette architecture institutionnelle qu’il est un « homme politique cohérent » (et qui a lui aussi un coeur qui bat au rythme qui est le sien).

    Au sujet du PDG, je vais échafauder une théorie en deux (2) hypothèses:

    (1) Le PDG a besoin d’Oligui Nguema. Il ne designera pas un candidat à la future élection présidentielle. Plusieurs raisons peuvent être avancées;

    (2) Monsieur Le Général B.C Oligui Nguema n’a pas besoin « réellement » du PDG pour gagner cette élection présidentielle (s’il est candidat à la future élection présidentielle);

    On peut en conclure (provisoirement) que le PDG « n’est pas dans l’air du temps « parce qu’il s’oppose « continuellement » à toute autre forme de gouvernance que
    que la sienne fondée sur la centralité d’un parti dominant sur la vie politique.

    Un proverbe Kazakh dit: » Là où l’aigle vole, le diable ne peut pas le suivre ».

    Cordialement.

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