Suite aux vœux du président de la République : Un enterrement de première classe pour le PSGE
En se livrant à une plaidoirie sur la «culture du résultat», en revenant sur l’égalité de tous devant la loi, Ali Bongo a pointé les errements de la gouvernance actuelle, reconnaissant l’échec du Plan stratégique Gabon émergent (PSGE) et de son bureau de coordination.
Derrière sa plaidoirie pour la gestion axée sur les résultats (GAR), Ali Bongo a offert au Bureau de coordination du Plan stratégique Gabon émergent (BCPSGE) un enterrement de première classe. © Montage Gabonreview
Depuis le début de l’année, le président de la République n’a de cesse de disserter sur la nécessité de lier la gestion des ressources aux résultats concrets. Délivrant son message au soir de la Saint-Sylvestre, il a affirmé attacher une «importance particulière à la culture du résultat», mettant les responsables publics en demeure de «passer d’une logique d’annonces à une logique de résultats». Répondant aux représentants de l’Etat, sept jours plus tard, il s’est prononcé pour une action publique plus «efficace», à même de «produire des résultats.» C’est dire si Ali Bongo se pose désormais en héraut de la rationalisation budgétaire et, par voie de conséquence, de la gestion axée sur les résultats (GAR). Pourtant, on croyait l’homme acquis à la GAR depuis toujours.
Echec du PSGE
En effet, le Plan stratégique Gabon émergent (PSGE) est fortement imprégné des fondamentaux de la GAR. Enonçant une vision, des orientations stratégiques, des objectifs stratégiques, des programmes phares, des plans sectoriels, des actions et un dispositif de pilotage, il en reprend l’esprit. Même s’il semble hors sol et coupé du réel, quand bien même une redondance certaine ne facilite pas toujours son décryptage, ce document de politique ressemble à ceux utilisés par les programmes de développement. De nombreux acteurs locaux l’ont d’ailleurs encensé, le présentant comme le vade-mecum du responsable public, le recueil des solutions aux maux de notre société. Le brandissant avec assurance au cours d’un débat télévisé, Liban Soleman, alors chef de cabinet du président de la République, avait lancé à un Louis-Gaston Mayila dubitatif : «Tout est ici ! Tout est là-dedans !»
En se livrant à un plaidoyer pour la GAR, Ali Bongo a reconnu l’échec du PSGE. En revenant sur l’égalité de tous devant la loi, il a ouvert le débat sur la responsabilité des dirigeants. En creux, il a pointé la méthode, mettant à l’index les errements de la gouvernance actuelle. Malgré une suite d’auto-satisfécits régulièrement adressé au gouvernement, la rationalisation budgétaire n’a jamais été au rendez-vous. En dépit de l’adoption d’une loi organique sur les lois de finances, la réforme budgétaire a été abandonnée au milieu du gué : lancée le 1er janvier 2015, la budgétisation par objectifs de programme (BOP) a été remise en cause le 17 mai 2018. Si un nouveau cadre institutionnel a été mis en place (Contrôle général de l’Etat, direction générale de la Comptabilité publique et du trésor, direction générale du Budget et des finances publiques et Unités opérationnelles), ces changements ont été conduits à la hussarde, sans consulter la société civile et encore moins sensibiliser les usagers.
Echo aux doutes de la population
De fait, sans songer à garantir la transparence et l’imputabilité de la dépense publique, l’administration et le Parlement ont tout validé. Plus grave, l’articulation et la coordination des actions sont demeurées des vœux pieux : créé pour les besoins de la cause, le Bureau de coordination du PSGE a brillé par son absence, au point d’être absorbé par le secrétariat général du gouvernement. Ainsi, depuis 2010, le Gabon peine à s’arrimer au processus d’harmonisation du cadre de gestion des finances publiques en zone Cemac (Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale). Pendant un peu plus de deux ans, il a essayé d’internaliser la BOP. En pure perte. À ce jour, personne ne peut se prononcer avec certitude sur le cadre budgétaire et le règlement général de la comptabilité publique. Du coup, le suivi/évaluation de l’action publique s’en trouve complexifié voire rendu impossible.
En indiquant avoir «décidé de renforcer les mécanismes d’évaluation», en affirmant vouloir assurer le suivi de l’action publique «de manière plus rigoureuse», Ali Bongo a fait écho aux doutes de la population. Et pour cause : pour suivre et évaluer l’action publique, il faut avoir la capacité de mobiliser l’ensemble des intervenants, apprécier la pertinence des ressources (humaines, matérielles et financières) et, définir les priorités. Or, de notoriété publique, le Bureau de coordination du PSGE n’a jamais eu ces compétences-là. Sans jamais l’énoncer clairement, le président de la République a pris acte de l’inefficacité de cet organe. Derrière sa plaidoirie pour la GAR, il a offert au Bureau de coordination du PSGE un enterrement de première classe. En vantant la «culture du résultat», il s’est ainsi ouvert deux possibilités : concevoir un nouveau système de suivi/évaluation ou remettre les institutions de contrôle au centre du jeu. En tous les cas, il lui revient de donner une suite concrète à son propos.
3 Commentaires
A t-il encore le sens de l’orientation ? Si oui alors il tente de « sauver »ce qu’il a perdu depuis 2009 .
Que de temps et d’énergie perdus ! Pour quoi ? Ceux qui se sont sucrés en lui vendant des fantasmes sont partis. Mais est-ce parce que lesdits doctrinaires se sont évanouis dans la nature, que le président s’oriente à présent vers quelque chose de plus concret et à portée de main ? Une fois de plus, je pense sincèrement qu’il gagnerait, pour sa politique et le bonheur de ses compatriotes, à apprendre à faire de plus en plus confiance aux Gabonais.
Bjr. Honnêtement. il s’agit là de la reconnaissance de la faillite des hommes et des objectifs choisis.