Suite à l’intervention d’Ali Bongo devant le Congrès : En vertu du droit de savoir
Dans un contexte défiance, la sortie du président de la République devant le Parlement ressemblait à l’annonce d’une reprise en main. Il lui reste maintenant à apporter des réponses aux interrogations sur la paternité de nombreuses décisions. Puis à en tirer toutes les conséquences.
Pour la première fois depuis 31 mois, Ali Bongo a pris la parole en direct. Ayant choisi de s’exprimer devant les deux chambres du Parlement, il a donné à cet exercice un caractère solennel et républicain. C’est dire si l’homme a conscience de l’incidence de ses ennuis de santé sur le fonctionnement de l’État. C’est aussi dire s’il en mesure les conséquences sur la crédibilité des institutions. C’est, enfin, dire s’il sait combien tout cela a sapé la confiance. En vertu du droit de savoir, les populations veulent être fixées sur sa situation personnelle. En retour, le président de la République a un devoir de responsabilité. Autrement dit, autant l’opinion est fondée à attendre des explications, autant il a l’obligation d’aider à éclairer certaines zones d’ombre.
Doigt accusateur
Dans un contexte de défiance, cette sortie publique ressemblait à l’annonce d’une reprise en main. Évoquant la nécessité de tirer «les leçons des événements passés», le président de la République a totalement assumé les dernières réformes juridiques et institutionnelles. Saluant le «discernement, la clairvoyance et la sagesse» des parlementaires, il s’est félicité de la «capacité d’adaptation et de résilience» des institutions. Mais cela n’a nullement apporté de réponse à la question de fond : la portée de la décision n° 219/CC du 14 novembre 2018. Fallait-il vraiment compléter l’article 13 de la Constitution, au risque de le réécrire ou de se substituer au constituant ? N’était-ce pas un moyen de bouleverser les compétences des pouvoirs constitués ? La Cour constitutionnelle pouvait-elle se prononcer sur le fondement des informations en sa possession à ce moment-là ? Était-elle obligée de créer la notion d’«indisponibilité temporaire» ? N’était-ce pas là le prélude aux transgressions et dérapages observés par la suite ?
De novembre 2018 à décembre 2019, le Gabon a renvoyé l’image d’un pays navigant en eaux troubles : révocation puis remplacement du Premier ministre, valse des gouvernements à un rythme effréné, déchéance de nombreux ténors du régime… Sitôt entamée la descente aux enfers de Brice Laccruche-Alihanga, de nombreux bannis d’hier sont revenus en grâce. Coïncidence ou relation de cause à effet ? Pour une bonne partie de l’opinion, la réponse coule de source : surfant sur l’incertitude née de l’«indisponibilité temporaire» du président de la République, son directeur de cabinet en profita pour prendre les commandes de l’État. Aujourd’hui encore, d’aucuns l’affirment avec conviction. Pis, d’autres voient l’histoire repasser les plats, pointant un doigt accusateur vers certains membres de l’entourage du chef de l’État.
Doutes sur la paternité de nombreuses décisions
Même s’il ne l’a pas clairement exprimé, Ali Bongo semble être au fait des doutes exprimés par l’opinion. En évoquant les «moments difficiles, éprouvants» vécus «ces dernières années», il a établi le lien entre le fonctionnement des institutions et sa situation personnelle. En parlant de «tempête et (de) tourmente (…) au niveau de l’exécutif, du législatif ou du judiciaire», il a souligné son influence dans le jeu institutionnel. Clef de voûte des institutions, le président de la République est, en effet, l’acteur principal de la scène politique nationale. A la fois meneur et arbitre, il jouit d’une influence à nulle autre pareille. Quand il ne peut exercer ses prérogatives, tout l’édifice vacille. Or, en justifiant la dernière révision constitutionnelle par le souci de prévenir les «multiples interprétations» de certaines dispositions, Ali Bongo a reconnu avoir évolué dans le clair-obscur. En affirmant vouloir éloigner les mobiles de «contestation», il a affirmé ne rien ignorer des événements. Il lui reste maintenant à lever les doutes sur la paternité de nombreuses décisions. Puis à en tirer toutes les conséquences.
Le 25 octobre 2018, un tweet de la journaliste du Washington Post, Siobhan A’Fraidy, informait l’opinion des ennuis de santé du président de la République. Le 27 novembre de la même année, un autre tweet, signé de Sylvia Bongo, annonçait son transfert pour Rabat au Maroc. Le 4 décembre suivant, des images montraient Pierre-Claver Manganga Moussavou, Emmanuel Issoze Ngondet et Marie-Madeleine Mborantsuo autour d’Ali Bongo. Dans chacun de ces cas, les explications ne permirent guère de rassurer l’opinion ou de confondre les sceptiques. Cette communication minimaliste a servi de terreau à l’éclosion puis à l’enracinement de toutes les thèses, y compris les plus farfelues. Puisse tout cela inciter à faire la lumière sur certain passé récent.
3 Commentaires
Oubliez ce type. Il est décédé à Riyad.
« Assumer la paternité des décisions »? Non mais vous voulez que Sylvia lui donne des baffes en rentrant le soir.
Bof !