À l’origine censé guider l’organisation des quatre prochaines élections politiques, la nouvelle loi électorale ne devrait s’appliquer qu’au référendum, pourtant régi jusque-là par la loi n° 20/96 du 15 avril 1996. Pourquoi n’avoir pas accédé, dès le départ, à la demande de nombreux députés ?

Le gouvernement doit quand même entendre l’argument principal des parlementaires: toute révision du Code électoral est subordonnée à l’adoption de la prochaine Constitution, censée définir les principales règles du jeu politique. © GabonReview

 

Une loi au champ d’intervention mal défini, votée sous la pression. Depuis la chute du régime incarné par Ali Bongo, jamais un texte n’a autant créé de tension. Jamais, le gouvernement n’a autant laissé le sentiment de ne pas savoir quelle direction prendre. Jamais, il n’a autant donné l’impression de se laisser porter ou de ne pas avoir fait le tour de la question, avant de déposer son projet de loi. A en croire le 3ème vice-président du Sénat de la Transition, certaines dispositions du texte adopté au terme d’une commission mixte paritaire (CMP), «ne s’appliqueront spécifiquement qu’au référendum». En clair, il s’agit là non pas d’une loi électorale, mais bien d’une loi spéciale sur le référendum. Était-ce l’objectif initial ? On peut le penser. Mais, pourquoi n’avoir pas accédé, dès le départ, à la demande de nombreux députés ?

Un projet jugé prématuré

Si l’on s’en tient à son intitulé, le texte révisé était à l’origine censé guider l’organisation des quatre prochaines élections politiques, à savoir : la présidentielle, les législatives, les sénatoriales et les municipales. Au final, il ne devrait s’appliquer qu’au référendum, pourtant régi jusque-là par la loi n° 20/96 du 15 avril 1996. Le ministre de l’Intérieur n’avait-il pas connaissance de l’existence de cette loi spéciale ? Ses collaborateurs, notamment les fonctionnaires de la Direction générale des Élections, l’ignoraient-ils ? On n’ose le croire. Pourquoi ne lui ont-ils pas suggéré de revoir ce texte, unanimement tenu pour lacunaire ? Pourquoi ne lui ont-ils pas conseillé de le compléter en initiant des «textes législatifs et réglementaires (…) nécessaires à (son) application», comme le prévoit l’article 9 de la loi relative au référendum ? Pourquoi l’ont-ils laissé persister dans sa voie, au point de susciter des remous inutiles ? Mystère et boule de gomme…

A l’évidence, ces incompréhensions ne sont pas de nature à renforcer la lisibilité de l’action gouvernementale. Bien au contraire. Ils alimentent tous les fantasmes, ouvrant la porte au soupçon. Invité, dès le départ, à revoir sa copie et à réorienter un projet jugé prématuré, le ministre de l’Intérieur s’est finalement laissé balloté par les événements. Entre la demande de vote à bulletin secret, la mise en place d’une CMP, l’harmonisation des positions et le vote du texte en de termes identiques, il y a certainement eu des conciliabules, séances d’explication et autres exercices de clarification. Fallait-il vraiment passer par toutes ces étapes ? Qu’est-ce que cela traduit ? Une certaine impréparation ? Un déficit d’analyse en amont ? Ou un entêtement injustifié ? Voire…

Gymkhana politique et intellectuel 

Ayant malgré tout réussi à faire passer son texte, le gouvernement doit quand même entendre l’argument principal des parlementaires : toute révision du Code électoral est subordonnée à l’adoption de la prochaine Constitution, censée définir les principales règles du jeu politique. Mieux, il doit se rendre à l’évidence : dans la perspective du référendum constitutionnel, une loi dédiée suffit. Au-delà, il doit interroger le sens et la portée de l’attitude de nombreux députés : ayant milité pour l’examen et l’adoption du Code électoral révisé, ils ont concomitamment plaidé pour une loi référendaire, consignant cette recommandation dans leur rapport. Comme s’ils avaient voulu vider leur vote de son sens, ils sont subrepticement revenus à leur position de départ, s’accordant ensuite avec les sénateurs. Du gymkhana politique et intellectuel !

Même si elle n’a pas fait grand bruit, cette séquence historique doit inciter à la réflexion : présentés au départ ou comme des «frondeurs» ou comme des contestataires, les députés opposés à cette loi ont insidieusement été rejoints par leurs collègues ; première chambre du Parlement, l’Assemblée nationale s’est involontairement placée à la remorque du Sénat ; quant au ministre de l’Intérieur, il  a donné l’impression de naviguer en eaux troubles. Tout ceci doit pousser les uns et les autres à l’introspection voire à une remise en cause. S’ils veulent contribuer à doter notre pays d’«institutions fortes, crédibles et légitimes», parlementaires et membres du gouvernement ne peuvent enjamber cet exercice.

 
GR
 

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