Au Gabon où l’opposant politique reste une figure centrale du jeu démocratique, avec la transition politique et la nouvelle Constitution, la question de son rôle et de son statut a pris une résonance particulière. L’article 94 de la Loi fondamentale dispose qu’«en dehors des cas expressément prévus par la Constitution, la loi fixe les règles concernant le statut de l’opposition», mais cette formulation tout en posant les bases d’une reconnaissance, laisse dubitatif. À l’issue de la présidentielle du 12 avril, Alain-Claude Bilie-By-Nze, arrivé en deuxième position, peut-il se prévaloir de ce statut d’opposant ?

Alain-Claude Bilie-By-Nze aura-t-il le statut d’opposant ? © D.R.

 

Depuis la fin du régime Bongo et la transition institutionnelle enclenchée, le Gabon cherche à refonder ses institutions sur des bases plus démocratiques. Le débat sur le rôle et le statut de l’opposant a pris une importance nouvelle avec la reconnaissance d’un véritable contre-pouvoir politique. Le pays a voulu garantir un espace clair pour la contradiction politique en reconnaissant un statut de l’opposition à travers l’article 94 de la Constitution qui stipule qu’«en dehors des cas expressément prévus par la Constitution, la loi fixe les règles concernant le statut de l’opposition». Une disposition qui bien que posant les bases d’une reconnaissance légale claire ouvre la voie à plusieurs interprétations.

Entre reconnaissance symbolique et nécessité d’une loi

Si cette Constitution reconnaît implicitement la nécessité d’un cadre législatif précis pour définir qui peut être considéré comme «opposant», quels sont ses droits, ses devoirs, et la reconnaissance institutionnelle dont il peut bénéficier, elle en appelle surtout à une loi spécifique pour fixer les contours de ce statut qui peut recouvrir plusieurs réalités : moyens alloués, temps de parole dans les médias publics, sécurité des figures de l’opposition, accès à certaines informations publiques, voire un rôle institutionnalisé dans le contrôle de l’action gouvernementale.

Ce, d’autant plus que dans d’autres démocraties africaines, le statut d’opposant est clairement défini. Au Sénégal, par exemple, la loi n° 2021-35 du 23 juillet 2021 reconnaît un chef de l’opposition : il s’agit du candidat arrivé deuxième à la présidentielle, s’il n’appartient pas à la majorité parlementaire. Ce dernier bénéficie d’un rang protocolaire, de moyens logistiques, et d’un rôle institutionnel dans le débat public. En clair, en l’absence d’une loi organique claire, tout reste à écrire. Qui peut revendiquer ce statut ? Doit-on avoir un siège à l’Assemblée ? Faut-il être chef de parti ? Candidat malheureux à une présidentielle ? La loi pourrait tout aussi déterminer si le statut d’opposant est accordé automatiquement ou à la demande, voire s’il peut être refusé à un ancien membre du gouvernement récemment converti à l’opposition.

Le cas Bilie-By-Nze

Dans ce contexte flou, la situation d’Alain-Claude Bilie-By-Nze intéresse. Ancien Premier ministre d’Ali Bongo, il est arrivé deuxième à l’élection présidentielle du 12 avril. Depuis le renversement d’Ali Bongo, il adopte une posture d’opposant et s’exprime régulièrement contre les choix du pouvoir de transition. Peut-il pour autant incarner officiellement le statut d’opposant, voire de chef de l’opposition si une loi venait à le prévoir ? Si son parcours politique suscite le débat, ses partisans arguent qu’il représente une force politique réelle, avec une base électorale et un discours structuré en plus de sa rupture publique avec l’ancien régime.

Mais une chose est sûre : si le critère retenu pour définir le statut d’opposant repose sur les résultats à l’élection présidentielle, alors Alain-Claude Bilie-By-Nze pourrait en être le premier bénéficiaire. Encore faut-il que le législateur tranche. Car pour l’heure, tout reste suspendu à l’adoption ou non d’une loi précisant les modalités d’application de l’article 94.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. DesireNGUEMANZONG dit :

    L’élection présidentielle n’est pas une épreuve olympique dans laquelle les trois premiers (premières) auraient droit à une médaille et le chèque qui va avec. Les priorités du futur gouvernement sont le chômage, l’éducation, la satisfaction des besoins primaires, les retraites, la sécurité alimentaire, etc.

    Avec moins de 4% du suffrage universel exprimé, pourquoi Monsieur Alain-Claude Billie-by-Nzé aurait droit à un statut particulier de l’opposant? Contre Brice
    Clotaire Oligui Nguema, il y a eu au total sept (7) candidatures à l’élection présidentielle. Les six (6) ne sont pas moins des adversaires politiques à
    Brice Clotaire Oligui Nguema.

    Une force politique se mesure au nombre de parlementaires élu.e.s au deux
    chambres. Il y a des élections législatives, sénatoriales (et locales) à venir. « Ensemble pour le Gabon » et « La République, c’est nous » auront t-ils 5 à 10% des sièges pour former un groupe parlementaire? Auquel cas, ces partis
    politiques auraient droit à des subventions publics. Par conséquent, une reconnaissance publique de leur engagement dans le débat public.

    A bientôt.

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