Pour des raisons indicibles, le gouvernement semble avoir pris le parti d’accélérer les choses, au risque de créer les conditions pour un travail bâclé. Déjà, nombre d’observateurs expriment leurs réserves sur l’étroitesse des délais impartis.

En 10 jours, les parlementaires pourront-ils exercer pleinement leur droit d’amendement ou devront-ils se contenter de remplir une formalité procédurale voire de jouer les utilités ? © GabonReview

 

En 10 jours et pas 15 comme communément admis, il faudra restaurer l’espoir. Au cours d’une session extraordinaire et non durant la session des lois comme annoncé en novembre 2023, il faudra parvenir à un consensus sur une question essentielle. Appelés à se pencher sur l’avant-projet de code électoral formulé par une commission nationale dédiée, les parlementaires devront être guidés par un seul objectif : l’intégrité électorale. Conscients de la délicatesse de la tâche, nombre d’observateurs n’ont d’ores et déjà pas manqué d’exprimer leurs réserves sur l’étroitesse des délais impartis. Après tout, comme l’indique le communiqué final du dernier Conseil des ministres, le projet de texte compte «383 articles, structurés en quatre livres, 18 titres et 58 chapitres». En moins de deux semaines, députés et sénateurs pourront-ils examiner toutes les thématiques induites avec toute la rigueur ? Pourront-ils aller au fond des débats ou devront-ils se satisfaire d’analyses sommaires voire de l’écume des choses ? Pourront-ils exercer pleinement leur droit d’amendement ou devront-ils se contenter de remplir une formalité procédurale voire de jouer les utilités ?

Procédés aux effets pervers

Dès à présent, l’on se demande comment ce travail sera organisé. Se fera-t-il conformément aux règles de la navette parlementaire. Autrement dit, le projet sera-t-il examiné d’abord par l’Assemblée nationale, avant sa transmission au Sénat ? Ou alors, les deux chambres travailleront synchroniquement, mais séparément ? Dans l’une et l’autre de ces hypothèses, on voit mal comment parvenir à un texte identique en si peu de temps, une commission mixte partitaire devant nécessairement être convoquée en cas de désaccord. Une autre hypothèse serait de réunir les deux chambres en même temps, dans la même enceinte, comme lors de l’examen de la Constitution. Mais, est-ce juridiquement envisageable ? En absence de certitude, on le relèvera néanmoins : ni la Charte de la Transition ni la Constitution du 26 mars 1991 ne prévoient des modalités de convocation du Congrès. Dès lors, on est curieux de voir comment ce travail va s’organiser.

Pour des raisons indicibles et pas toujours évidentes, le gouvernement semble s’être affranchi du chronogramme annoncé par le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI).  Pour des mobiles connus de lui seul, il semble avoir pris le parti d’accélérer les choses, au risque de créer les conditions pour un travail bâclé ou de faire le lit au soupçon. En juin 2024, lors de l’examen de loi ayant servi à l’organisation du référendum, comme en octobre dernier, durant la Constituante, on a vu comment l’empressement peut générer des malentendus et incompréhensions. On a aussi vu que tout ceci peut pousser à des arrangements à la lisière de l’entorse à la procédure ou à de nouveaux arbitrages. Pourquoi reproduire des méthodes et procédés aux effets pervers déjà connus ? Mystère et boule de gomme…

Rien n’est impossible

Tout au long de cette session extraordinaire, cette question hantera certainement les esprits. Dans une certaine mesure, elle influencera même le comportement des parlementaires. Et pour cause : les ajustements de calendrier, allongements ou accourcissements des délais ne peuvent être tenus pour des péripéties. Encore moins pour des faits anodins, sans incidence. Durant les 30 dernières années, le pouvoir déchu a toujours usé de ce subterfuge pour se doter d’un corpus juridique sur mesure, se placer en position de force ou prendre de vitesse ses adversaires politiques. En 2016, les législatives furent reportées à plusieurs reprises, avant d’être finalement couplées aux locales puis organisées en octobre 2018, dans la confusion la plus totale. En 2023, les élections générales furent décidées moins de deux mois avant leur tenue. On connait la suite… Echaudés par tous ces précédents, de nombreux acteurs goûtent peu à l’emballement actuel, y voyant une manœuvre politicienne de plus.

Pour autant, il ne faut ni instruire un procès en sorcellerie ni souffler sur les braises. Même si le choix d’une session ordinaire aurait sans doute offert plus temps de travail, cette session extraordinaire n’est ni dénuée de sens ni cosmétique : contrairement à la Constituante, elle n’émettra pas un simple «avis motivé», les parlementaires ayant, cette fois-ci, la possibilité d’exercer leur droit d’amendement. De ce point de vue, on peut s’attende à d’âpres débats, notamment s’agissant de l’accès aux informations et l’usage de l’argent. La voie est peut-être bordée. Mais rien n’est impossible. La bataille pour l’intégrité électorale va commencer…

 
GR
 

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