Alors que le président élu Brice Clotaire Oligui Nguema s’apprête à prêter serment le 3 mai 2025, une interrogation majeure revient avec insistance : la Cour constitutionnelle de transition, encore en place malgré l’adoption d’une nouvelle Constitution, est-elle compétente pour officialiser cet acte fondateur? Un flou juridique que la plateforme Ensemble Pour le Gabon avait déjà pointé en décembre 2024, dans une déclaration alors marginalisée, mais dont la lucidité résonne aujourd’hui comme une mise en garde constitutionnelle.

Le président élu sous une toute nouvelle Constitution peut-il prêter serment pour un mandat nouveau devant une Cour qui appartient à l’ancien régime, celui de la transition ? © GabonReview

 

À l’approche de la prestation de serment de Brice Clotaire Oligui Nguema, élu président de la République le 12 avril 2025, une question capitale secoue les milieux juridiques et politiques gabonais : la Cour constitutionnelle de transition est-elle toujours compétente pour recevoir le serment d’un président élu sous une nouvelle Constitution ? Ce débat, qui agite aujourd’hui les réseaux sociaux, avait pourtant été anticipé dès décembre 2024 par la plateforme Ensemble Pour le Gabon (EPG). Une alerte que l’actualité semble aujourd’hui confirmer.

Une institution dépassée par le droit ?

Depuis le référendum du 16 novembre 2024 et la promulgation de la nouvelle Constitution le 19 décembre, la Charte de la Transition a été juridiquement remplacée. Pourtant, la Cour constitutionnelle désignée dans ce texte transitoire continue d’exercer ses fonctions comme si de rien n’était. Elle s’apprête à recevoir, le 3 mai prochain, le serment du président élu. Problème : elle tire sa légitimité d’un cadre légal aujourd’hui caduc.

L’article 53 de la Charte de la Transition limitait clairement les compétences de cette Cour au contrôle des actes pris sous l’empire de cette même Charte et de la Constitution de 1991. Or, l’actuelle loi fondamentale, adoptée par voie référendaire, ne reconnaît plus cette Cour dans sa configuration transitoire. En clair, la juridiction censée assermenter le chef de l’État n’a plus de socle juridique en vigueur.

Derrière cette question se cache un enjeu majeur : la légitimité de l’exercice du pouvoir dans un régime qui se veut désormais pleinement républicain et constitutionnel. Peut-on inaugurer un nouveau cycle politique en s’appuyant sur une institution issue d’un ordre juridique révolu ?

EPG, éclaireur d’un malaise institutionnel

Le 18 décembre 2024, la plateforme Ensemble Pour le Gabon publiait une déclaration jugée sévère à l’époque, mais dont la portée prend aujourd’hui une tout autre dimension.

La plateforme interrogeait, littéralement, comment restaurer l’ordre constitutionnel avec les outils d’un régime transitoire ? Plus précisément elle demandait : «le renouvellement de toutes Institution de la transition avant la tenue du scrutin présidentiel». Une exigence ou une question qui, posée alors dans un relatif silence, s’impose aujourd’hui à la lumière des faits. EPG alertait également sur le maintien d’une emprise de l’exécutif sur le pouvoir judiciaire, soulignant le risque de voir un président élu prêter serment devant une Cour issue d’un régime transitoire, et non fondée sur la nouvelle légalité constitutionnelle.

Ce qui, il y a quelques mois, relevait de la posture politique, apparaît désormais comme une interrogation juridique de fond. Le fait que la Cour constitutionnelle de transition n’ait jamais été dissoute, ni remplacée par une Cour réinvestie selon les nouvelles dispositions constitutionnelles, crée un flottement normatif préoccupant.

Une cérémonie entachée d’ambiguïté ?

Les partisans de la continuité soutiennent que, dans un contexte post-transition, la stabilité institutionnelle doit primer, et que la Cour actuelle, bien qu’issue de la Charte de la Transition, peut valablement recevoir le serment présidentiel au nom du pragmatisme d’État. Pour eux, la paix civile exige des ajustements fonctionnels, même si ceux-ci ne trouvent pas de fondement explicite dans la nouvelle loi.

Mais pour une partie croissante d’observateurs du droit constitutionnel, cette position fragilise symboliquement — et peut-être juridiquement — le début du mandat présidentiel. À leurs yeux, le président élu sous l’égide d’une nouvelle Constitution ne peut être intronisé par une institution issue d’un ordre juridique révolu, sauf à entamer dès l’origine la pleine légitimité de son autorité.

En définitive, la déclaration d’EPG n’était pas une sortie de circonstance, mais un avertissement sur les fondations même de la transition républicaine. Le serment à venir, s’il devait être prononcé devant une Cour non réactualisée, risquerait de transformer un moment d’unité en séquence d’ambiguïté.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. atonenze dit :

    Bonjour Gabonreview
    Quelle révélation ! Personne n’a vu ça venir?

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