[Satire] Libreville, capitale du tricycle : l’émergence passe à la troisième vitesse
Libreville entre dans l’histoire, ou du moins dans un embouteillage historique. Avec l’arrivée triomphale de 400 tricycles motorisés, la capitale gabonaise se prépare à un avenir où chaque rue deviendra une piste d’obstacles, chaque passager un acrobate en puissance, et chaque klaxon une symphonie du chaos. Bienvenue dans l’ère de l’émergence… à trois roues !
Le 15 janvier 2025 restera dans les annales comme le jour où Libreville a enfin trouvé sa voie… sur trois roues. Dans une annonce digne d’un roman de science-fiction, le président de la Transition gabonaise, le général Brice Clotaire Oligui Nguema, a révélé son grand plan pour résoudre les problèmes de chômage et d’économie : la distribution de 400 moto-tricycles, dans une ville où, depuis le 8 août 2012, les mototaxis sont interdites par décision municipale. Avec les moto-tricycles d’Oligui Nguema, cette particularité gabonaise vient d’entamer son crépuscule. Par voie de conséquence avec ce nouveau mode de transport en commun, Libreville pourrait, dans un avenir proche, avoir ses Bend-Skin comme on les appelle au Cameroun, ou ses zémidjans (zem) comme on dit au Bénin et au Togo.
Les tricycles : nouvelle vision du Gabon émergent ?
Ces élégantes machines, estimées entre 1 et 3 millions de francs CFA, seront accessibles moyennant un modique dépôt de 10% à la BCEG. Rien de tel pour initier nos jeunes à l’entrepreneuriat : un modèle d’affaires à mi-chemin entre la débrouillardise et la roulette russe. Parce que rien n’endigue mieux le fléau des stupéfiants qu’un moteur qui sera très vite poussif et des amortisseurs défaillants.
On imagine déjà des tricycles en pleine bataille rangée avec les taxis et taxi-bus bondés, et la fanfare de klaxons idoine. Avec leur allure d’escargot sous stéroïdes et leur maniabilité approximative, ces tricycles promettent déjà un ballet chaotique. En y ajoutant une touche de pluie tropicale et des routes cabossées, on obtient une chorégraphie urbaine où l’esquive devient un art de survie. Les Librevillois pourront bientôt inclure «slalomer entre tricycles» dans leur liste de compétences professionnelles.
Solution à long terme ou pansement sur une jambe de bois ?
Mais, que résolvent vraiment ces tricycles ? Est-ce une réponse aux problèmes structurels de chômage, d’inégalités sociales et de manque d’infrastructures ? Ou est-ce une solution temporaire, vouée à créer plus de chaos sur les routes que de véritable autonomisation ? Ces engins finiront-ils comme des vestiges d’une tentative maladroite de modernisation, abandonnés sur les trottoirs, ou deviendront-ils les icônes d’un Libreville en pleine mutation ? Une chose est sûre : ils feront beaucoup de bruit — au sens propre comme au figuré.
Il faut en effet être réaliste : avec les moteurs actuels, la pollution sonore et atmosphérique risque d’atteindre des sommets, rendant chaque trajet aussi agréable qu’un concert improvisé de klaxons.
Sinon, quoi de mieux qu’un tricycle motorisé pour compléter le tableau déjà bien chargé des clichés du sous-développement ? Après les pannes de courant et les infrastructures branlantes, voici l’emblème mobile d’un futur douteux. Rien ne dit «Gabon émergent» mieux qu’une procession de ces engins, vrombissant laborieusement dans des embouteillages interminables, pendant que les SUV des élites peinent majestueusement dans les embouteillages s’exacerbant avec l’ajout de ce nouveau transport en commun.
Les réseaux sociaux entre sarcasme et louanges
Pendant ce temps, sur Facebook, les avis vont bon train — ou plutôt bon tricycle. Certains y voient un acte salvateur. «Merci mon président, grâce à toi je vais enfin devenir entrepreneur !», s’exclame un jeune visiblement ravi. D’autres, cependant, ne cachent pas leur scepticisme. «Et pendant ce temps, les fils des riches roulent en SUV et accèdent aux postes ministériels. Nous, on nous donne des tricycles pour trimbaler leurs ordures», ironise un internaute acerbe.
Un autre commentaire, tout en subtilité, résume le sentiment général : «Finalement, on n’est pas si mal. Nos routes, notre dignité et maintenant nos tricycles. Libreville devient la capitale du slow-business.» En tout cas, dans les réseaux sociaux les Gabonais rivalisent de créativité pour commenter l’arrivée des tricycles. «Avec ces engins, on a enfin notre version locale de Fast & Furious : Slow & Curieux !», s’amuse un internaute. D’autres réclament une adaptation de Mario Kart spécial Libreville, avec des obstacles tels que des nids-de-poule géants et des policiers zélés prêts à tout pour un bakchich. Entre sarcasmes et éclats de rire, une chose est sûre : ces tricycles n’ont pas fini d’enflammer les discussions en ligne.
1 Commentaire
Très bel article. C’est exactement ce à quoi je pensais. Bravo de dire si haut et clairement ce que plusieurs disent tout bas