Rose Rogombé, 3ème président de la République : Confusionnisme
Nulle part et dans aucun domaine, les intérimaires ne sont traités comme des anciens titulaires de fonctions. En France, Alain Poher a assuré l’intérim à deux reprises. Il ne figure pourtant pas sur la liste des anciens présidents de la République.
Rose Francine Rogombé, ancien président de la République ? Depuis quatorze ans, cette question taraude les esprits. À chaque manifestation officielle, elle revient. Certains y répondent par l’affirmative. D’autres par la négative. Personne ne parvient à clore le débat. Depuis le 08 du mois courant, c’est chose faite, le Conseil des ministres l’ayant «officiellement (réhabilitée) dans son statut de 3ème président de la République gabonaise». Autrement dit, pour avoir assuré un intérim constitutionnel entre le 10 juin et le 16 octobre 2009, soit exactement quatre mois et six jours, l’ancienne présidente du Sénat est désormais considérée comme le successeur d’Omar Bongo Ondimba et le prédécesseur d’Ali Bongo. Et tant pis si elle avait par la suite retrouvé ses fonctions au Parlement. Tant pis si elle avait essayé de s’y maintenir au terme de son mandat, mais fut poussée vers la sortie par le Parti démocratique gabonais (PDG).
À chacun selon sa compréhension
Sans fournir plus d’explications, l’exécutif lui a offert une place de choix dans le grand récit national. Reconnaissant aux uns et aux autres le droit de «juger l’Histoire», il a dit ne pas avoir «le droit de la nier». N’empêche, d’aucuns le rappellent volontiers : dans la falsification des délibérations internes au PDG, comme dans le hold-up électoral de 2009 ou la répression des émeutes post-électorales, Rose Francine Rogombé joua un rôle de premier plan. Ouvertement acquise à l’idée d’une dévolution monarchique du pouvoir, elle se livra, à Port-Gentil, à des commentaires douteux sur ces «Gabonais de passage», accusés d’avoir incendié ou pillé des édifices publics. Au passage, elle s’autorisa une tirade en langue maternelle, faisant peu de cas des compatriotes d’autres origines ethniques. Peut-on passer par pertes et profits ces moments à la fois douloureux et peu glorieux ? Peut-on y voir la marque d’un attachement à la République et à ses valeurs ? À chacun selon sa compréhension.
Pour l’heure, cette décision est retournée dans tous les sens, chacun essayant ou d’en mesurer la validité ou d’en cerner la signification. Et pour cause : Rose Francine Rogombé n’a jamais été élue. Elle n’a non plus jamais fait acte de candidature à la fonction présidentielle. En faire un ancien président de la République revient à assimiler l’intérim à un mandat validé par les institutions compétentes. Or, nulle part et dans aucun domaine, les intérimaires ne sont traités comme des anciens titulaires de fonctions. En France, Alain Poher a assuré l’intérim à deux reprises. Il ne figure pourtant pas sur la liste des anciens présidents de la République française. Le Conseil des ministres l’ignore-t-il ? On ne saurait le croire. Pourquoi s’est-il autant avancé ? Pour «réhabiliter» la mémoire d’une personnalité pas toujours bien traitée par le régime déchu ?
Rappel historique
Certes, Ali Bongo n’a pas toujours été élégant avec Rose Francine Rogombé. Certes, il n’avait même pas jugé nécessaire d’assister à ses funérailles. Mais on ne saurait corriger des manquements à la courtoisie républicaine par une entorse aux principes de la République. Surtout quand on se souvient combien la concernée a pu faire passer des intérêts privés ou partisans avant ceux de la communauté. Sauf à la rapporter au contexte et à y voir une indication quant au statut du président de la Transition, cette décision s’explique difficilement. Parvenu au pouvoir à la faveur d’un putsch jugé salvateur, Brice Clotaire Oligui Nguéma s’imagine-t-il jouissant du statut d’ancien président de la République au terme de la période actuelle ? Veut-il créer un précédent ou une jurisprudence pour en tirer bénéfice par la suite ? Sans sombrer dans le procès d’intention, nombre d’observateurs se posent ces questions. Parmi eux, beaucoup le pensent et l’affirment.
Réduire cette mesure à une manœuvre de portée personnelle serait toutefois injuste et, peut-être, pas honnête. En reconnaissant à Rose Francine Rogombé le statut d’ancien président de la République, le Conseil des ministres a implicitement fait ce rappel historique : avant son entrée en fonction, la présidente du Sénat prêta serment hors de toute base légale, mais dans les formes requises. En ordonnant cela, la Cour constitutionnelle ouvrit la voie au confusionnisme actuel, assimilant l’intérim à un mandat régulier. Sur ce fondement discutable, la présidente intérimaire usa de tous les pouvoirs, se permettant même un changement de Premier ministre et de gouvernement à la suite de la démission de Jean Eyéghé Ndong. Comme si elle avait été élue. N’en déplaise à leurs auteurs, les décisions de la juridiction constitutionnelle n’ont pas fini de cracher leur venin.
9 Commentaires
Ah Roxanne Bouenduidi, elle a une plume cette femme, je prend beaucoup de plaisir à la lire, vraiment…bravo
Mais que dit la constitution a ce sujet? Qu’en pense la cour et son president? Je ne pense que c’est lors d’un conseil de ministres qu’une telle decision doit etre prise. Il faut que la cour face comprendre a BCON que ni lui, ni son conseil des ministres ont le droit de prendre une telle decision. Il me semble que BCON ne connait pas ses limites, ce qu’il peut faire et ne doit pas faire en tant president transitoir. Pour moi quoi Makaya
Omar ou Ali ont ils été élu?
Rose Rogombé a-t-elle seulement fait acte de candidature à la fonction présidentielle ? Les Bongo, oui. Mal élus ou pas élu…
Pourquoi voulez-vous toujours qu’on s’inspire de ce que fait la France ? Il est question de faire les choses à la gabonaise. Essayez de voir autrement. Vous nos journalistes êtes un peu limités
Bonjour R. Bouenguidi,
Rose Francine Rogombé, ancienne Présidente de République gabonaise?
J’aurai plutôt souhaité qu’on lui rendre un grand hommage national avec décorations à titre posthume. Quant à modifier les manuels d’histoire, je manifeste une réserve forte.
Déballons tout le linge sal dans ce cas-là! Enlevons le doigt devant la bouche! Le deuxième PR a t-il été élu en 1993 et par la suite? Le 4ème PR a t-il été élu en 2009 et en 2016? Ceux qui ont été nommés durant les cinq années d’absence d’ABO, ont-ils » historiquement » usurpé leurs fonctions? Les pages blanches de notre histoire doivent être écrites rigoureusement.
Les Professeurs de Droit Constitutionnel seront toujours mal à l’aise. Les historiens aussi. Sans évoquer les sciences dures. Parce que la vérité est tronquée.
Pour ma part, ce n’est pas aux Hauts d’Etat de faire l’Histoire. L’Histoire ne se décrète pas. Elle est l’objet de recherches, de validation et est « collectivement admise par une communauté d’historiens chercheurs. Ni l’Histoire ni la vérité scientifique ne se décrète. Donc, à ces messieurs de la reconstruction, faites une place aux historiens et aux spécialistes du droit constitutionnel pour éclairer l’Histoire de notre pays.
Mes salutations.
Notre pays est formidable….
Les 3 derniers dirigeants n’ont pas été élus… Ni Francine, ni Ali Voleur, ni Brice…
Pendant ce temps, Jean Ping et Ondo Ossa pleurent…
Suite,
Puisque l’Etat gabonais (de la Transition) reconnait R.F Rogombé (RFR) comme 3ème Présidente de la République (PR) gabonaise, il ne serait pas inutile de lui faire un rappel de ses émoluments d’ancienne Présidente de la république (PR) à titre posthume.
Selon un article GabonReview, Ali Bongo Ondimba a touché en 14 ans la somme de 45.5 milliards de francs CFA. Soit en un an 3.25 milliards en francs CFA (45.5/14). Si RFR a présidé le Gabon durant 4 mois (et 6 jours), ses émoluments s’élèvent à: 3250000000*0.33=1072500000 francs CFA (4 mois correspondent à 0.33 an) moins son salaire de Présidente de Chambre durant 4 mois (elle ne saurait cumuler les deux).
Par conséquence, je suppose que ces ayants droit toucheront un « cash flow » de 1072500000 francs plus, probablement, d’autres avantages dus à son ancienne fonction.
A t-on fait des économies? (ma question est peut-être inappropriée à ce moment précis). Car, la portée de la réhabilitation de RFR (en tant que 3ème PR) n’est pas que symbolique. Elle bouleverse l’histoire de notre pays. Elle est un pied de nez à la justice (électorale) de notre pays. « Restaurer les institutions », c’est aussi « Restaurer la vérité historique ». Car, l’histoire permet de comprendre, par un découpage précis du temps (des évènements), « ce qui s’est passé autrefois » (Frédéric Meyo-Bibang). Même si cette mémoire (histoire) dérange! Dit-on, la vérité ne tue pas. Personnellement, cette nouvelle me laisse pantois. Pourquoi refoule t-on en permanence la mémoire de notre histoire?
Selon Montesquieu, « il faut éclairer l’histoire par les lois et les lois par l’histoire ». De mon point de vue, il faut éclairer les lois par l’histoire. D’abord l’histoire. Les lois ensuite.
Cordialement.
Toute chose n’est toujours pas égale par ailleurs. En Afrique du Sud, Kgalema Petrus Motlanthe a été Président intérimaire après la démission de Thabo Mbeki jusqu’à l’élection de Jacob Zuma.
Dans tous les documents officiels d’Afrique du Sud, Kgalema Motlanthe est présenté comme le 3è Président de la République d’Afrique du Sud post-apartheid.
Tout est fonction de ce qu’un Etat décide. On peut vous citer plusieurs pays dans lequels les intérimaires ont le rang et statuts d’anciens Présidents et Chefs d’Etat.
La France n’est pas l’unique référence.