Au Gabon où la révision du fichier électoral a été annoncée pour le mois de janvier 2025, Ali Akbar Onanga Y’Obegue dénonce «une décision illégale et absurde dans un contexte de refonte constitutionnelle». Le docteur en Droit affirme que cette décision du ministre de l’Intérieur constitue une violation flagrante de la hiérarchie des normes juridiques. S’interrogeant sur la démarche précipitée d’Hermann Immongault, il alerte sur le risque de perpétuer les travers du passé.

Ali Akbar Onanga Y’Obegue. © D.R.

 

Si la révision du fichier électoral inquiète certains au Gabon, Ali Akbar Onanga Y’Obegue estime que le lancement de cette révision pour l’année 2025, malgré le cadre légal en pleine mutation, suscite une légitime indignation. Le docteur en droit et ancien secrétaire général du gouvernement, parle d’une «hérésie juridique et une aberration politique» tant la décision du ministre de l’Intérieur, affirme-t-il, «s’inscrit en totale contradiction avec le processus de transition démocratique engagé depuis le changement de régime du 30 août 2023 et témoigne d’une légèreté coupable dans la gestion des deniers publics». Par arrêté n°0002392/MIS du 26 décembre 2024, il a été annoncé que cette révision s’effectuera du 2 au 31 janvier 2025.

Gaspillage d’argent

Une mesure fondée sur la loi n°07/96 du 12 mars 1996. Le hic ? Cette loi de 1996 est en cours de révision. Une commission nationale pour l’élaboration de l’avant-projet du nouveau Code électoral a été mise en place avec pour mission de revoir en profondeur les règles électorales jusqu’alors régies par la loi n°07/96 du 12 mars 1996. Un  «texte décrié pour ses nombreuses failles ayant permis la perpétuation d’un système électoral opaque et partial», note l’enseignant à la Faculté de Droit et des Sciences économiques qui rappelle que ce processus, destiné à jeter les bases d’un cadre légal renouvelé et conforme aux exigences démocratiques, est encore en cours.

Pour lui, la démarche d’Hermann Immongault soulève des problèmes majeurs qui en font «une véritable hérésie juridique doublée d’un gaspillage caractérisé des ressources publiques». «Cette décision constitue une violation flagrante de la hiérarchie des normes juridiques», a-t-il affirmé soulignant que la nouvelle Constitution promulguée le 19 décembre 2024 marquant une rupture avec l’ancien ordre constitutionnel implique une mise en conformité de l’ensemble du corpus législatif, à commencer par les lois électorales. «En lançant une révision du fichier électoral sur la base d’une loi antérieure à la nouvelle Constitution, le ministre agit en dehors de tout cadre légal valide», a-t-il argué.

La démarche précipitée d’Hermann Immongault

«C’est mettre la charrue avant les bœufs et créer une situation juridiquement intenable», alerte Ali Akbar Onanga Y’Obegue pour qui la démarche du ministre apparaît plutôt comme une tentative de «perpétuer les anciennes pratiques, en contradiction totale avec l’esprit et la lettre de la transition politique en cours». Ce, en ignorant les aspirations populaires à un véritable changement dans l’organisation des processus électoraux tout en faisant fi des engagements pris par les nouvelles autorités. Ce processus représentant un coût significatif, entreprendre une telle opération alors même que le cadre légal qui devrait la régir est en cours d’élaboration constituerait un gaspillage caractérisé des deniers publics.

Ce d’autant plus que l’adoption du nouveau Code électoral impliquera une nouvelle révision des listes selon les nouvelles règles établies. «Le travail effectué en janvier 2025 sera donc non seulement juridiquement caduc, mais également matériellement inutile», a-t-il averti regrettant une double dépense injustifiable dans un contexte où les ressources publiques doivent être gérées avec la plus grande rigueur. Il s’étonne de la précipitation d’Hermann Immongault soulignant que «cette situation ne peut que nourrir la méfiance et le scepticisme quant à la sincérité du processus de Transition» et cette révision précipitée pourrait avoir des conséquences durables sur la qualité du processus électoral à venir.

Risque de perpétuer les travers du passé !

Alors que la commission chargée de l’élaboration du nouveau Code électoral est à l’ouvrage, il se demande comment elle pourra atteindre les objectifs qui lui sont assignés si une révision est entreprise avant même leur définition. «Dans un contexte de méfiance généralisée, il est impératif d’éviter toute initiative pouvant être perçue comme une tentative de maintenir des privilèges ou de verrouiller le jeu politique», signale Onanga Y’Obégué pour le ministère de l’Intérieur compromettrait aussi bien sa crédibilité que celle du gouvernement de la Transition. «L’arrêté ministériel du 26 décembre 2024 apparaît comme une décision non seulement illégal au regard du nouveau cadre constitutionnel», a-t-il indiqué.

«Mais aussi profondément contre-productive dans le contexte de la transition politique en cours» a-t-il ajouté signalant que cette initiative risque de compromettre les efforts de réforme du système électoral et de dilapider inutilement les ressources publiques. «La situation actuelle exige une prise de conscience urgente, et la sagesse commande de suspendre toute révision des listes électorales jusqu’à l’adoption du nouveau code électoral» évoqué notant que la transition politique actuelle offre une opportunité historique de refonder le système électoral gabonais sur des bases saines et transparentes. Une chance à ne pas gâcher par des initiatives précipitées et mal conçues qui risqueraient de perpétuer les travers du passé !

 
GR
 

3 Commentaires

  1. Gayo dit :

    L`emergent Ali Akbar Onanga a raison, mais il est difficile de ne pas être écœuré en voyant ceux qui, hier encore, répondaient avec arrogance et mépris à ceux qui dénonçaient la nature antidémocratique de leur gouvernance et leur « système électoral opaque et partial », être aujourd’hui ceux qui donnent des leçons de démocratie. Ce qui est encore plus navrant, c’est de constater que ceux qui ont pris le pouvoir en dénonçant ces dérives se retrouvent maintenant à reproduire le même amateurisme, la même improvisation, et les mêmes pratiques qui justifient leur coup d’État. Révolution de palais qui au final semblent servir les ambitions megalo d`Oligui qui perd la boule.

    • Biswe dit :

      Vraiment, ça c’est du Gayo… ça défouraille à tout va et personne ne trouve grâce à ses yeux!!!!

      • Gayo dit :

        C’est votre point de vue, mais je ne partage pas votre position. Je ne fais pas partie de ceux qui offrent une virginité politique à des individus ayant accompagné Ali Bongo dans ses excès jusqu’à la fin, simplement parce qu’ils adoptent aujourd’hui le rôle de donneurs de leçons envers le pouvoir actuel. Leur comportement, à un moment où le pays et son peuple avaient le plus besoin de courage et de détermination, les rend indignes de prêcher la démocratie ou la bonne gouvernance.

        Comment peuvent-ils se poser en exemples, alors qu’ils détournaient le regard face aux actes les plus ignobles, méprisant avec arrogance ceux qui leur rappelaient leur devoir envers la patrie ? Voilà pourquoi ces opportunistes véreux continueront à abuser de votre confiance : vous leur pardonnez trop facilement, leur offrant de nouvelles occasions de vous tromper encore plus durement.

        Cher @Biswe,
        Quels gestes suffisants Ali Akbar ou Bilie Bi Nze ont-ils accomplis pour vous convaincre qu’ils ne sont pas les mêmes personnes qui ont soutenu Ali Bongo dans son projet désastreux ? Parler c’est facile, c’est le plus moins cher en politique. Et si aucun acte concret ne témoigne d’un réel engagement pour la justice, pourquoi ne devrions-nous pas leur rappeler que nous savons qui ils sont vraiment ?

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