Des sommes allant de centaines de millions au milliard de nos francs. Des membres de la famille nucléaire du président de la République. Des ténors du cabinet présidentiel. En balançant, l’ancien A-DG de la SNH a décrit un système fondé l’abus de pouvoir, le trafic d’influence, la prévarication et les passe-droits.

Les déclarations de Patrichi Tanasa décrivent un système fondé l’abus de pouvoir, le trafic d’influence, la prévarication et les passe-droits. Elles présentent un appareil d’État gangrené par la corruption, où l’abus de pouvoir le dispute à l’irresponsabilité. © Gabonreview

 

Des chiffres astronomiques, des noms ronflants, des titres censés inspirer le respect, des structures de droit privé et de droit public. Durant son procès, l’ancien administrateur-directeur général de la Société nationale des hydrocarbures (SNH, communément appelée Gabon oil company – Goc) a balancé. Il a parlé de sommes allant de centaines de millions au milliard de nos francs voire plus. Il a cité des membres de la famille nucléaire du président de la République : son épouse et son fils ainé. Il a indexé des ténors du cabinet présidentiel : le directeur de cabinet et le coordonnateur général des Affaires présidentielles. Bon gré mal gré, il a mis en lumière les liens entre la présidence de la République, la Fondation Sylvia Bongo Ondimba pour la famille (FSBO), la SNH et la Société gabonaise de raffinage (Sogara). Au total, il a levé un coin du voile sur des liaisons peu conformes aux principes de bonne gouvernance.

Graves dysfonctionnements

Par ses révélations, Christian Patrichi Tanasa a pointé de graves dysfonctionnements au cœur de l’appareil d’Etat. Mélange des genres, confusion entre biens publics et biens privés, primauté des liens matrimoniaux et de sang sur les relations politiques et institutionnelles… En vertu de quel lien hiérarchique ou fonctionnel, un cadre de la FSBO pouvait-il recommander à l’A-DG de la SNH de «soutenir la première dame» ? Pourquoi le porte-parole de la présidence de la République s’était-il senti dans l’obligation de formuler la même exigence ? Pourquoi le concerné se sentait-il «obligé» d’y répondre favorablement ? Pour ne pas hâter son «pensionnat à la prison centrale» ? Mais, de quelle infraction pénale se serait-il alors rendu coupable ? Quel rapport entre les activités d’une fondation de droit privé et la mise en œuvre des politiques publiques ? Pourquoi la SNH devait-elle s’engager à appuyer la mise en œuvre du Plan stratégique Gabon émergent (PSGE) ? N’assure-t-elle pas déjà une mission de service public ?

Au demeurant, les révélations de Christian Patrichi Tanasa détonent. Si elles accréditent l’idée d’une confusion des rôles, elles suscitent des interrogations sur le sens des responsabilités des uns et des autres. Les porosités entre le cabinet présidentiel et la FSBO ? Elles alimentent les doutes sur la paternité de certaines décisions. Les risques d’instrumentalisation de la justice ? Ils ruinent le discours officiel sur l’État de droit, laissant plutôt croire au règne de l’arbitraire. En République, la chose publique, le bien commun et l’intérêt général sont sacrés. Mieux, les détenteurs du pouvoir l’exercent en vertu d’un mandat conféré par le corps social ou en délégation de celui-ci. En tout cas, ils doivent agir conformément aux règles admises par tous. En aucun cas, ils ne peuvent assouvir des besoins ou intérêts particuliers. Et nul n’a le droit de jeter autrui en prison pour convenances personnelles ou par souci de vengeance.

Dans le soupçon

Pourtant, les déclarations de l’ancien A-DG de la SNH décrivent un système fondé l’abus de pouvoir, le trafic d’influence, la prévarication et les passe-droits. Elles présentent un appareil d’État gangrené par la corruption, où l’abus de pouvoir le dispute à l’irresponsabilité. Les sectateurs du régime parleront de «médisance», ou d’«accusation sans fondement.» Leurs dénégations se heurteront aux prénotions découlant de l’expérience. Ils convoqueront nos «valeurs traditionnelles» ou l’ «héritage des pères de la nation.» Ils auront même le loisir de flétrir «ces perfides trompeurs qui répandent la haine et sèment le poison» ou d’en appeler «à la loyauté envers les plus hautes autorités.» Leur discours sera toujours contredit par le train de vie extravagant de nombreux proches du pouvoir. Sauf à publier les contrats de mécénat ou à faire la lumière sur les audits réalisés à la SNH, les personnes mises en cause seront toujours soupçonnées d’avoir abusé de leurs positions pour jouir de l’argent sale, quitte à encourager la fraude fiscale.

Volens nolens, les accusations de Christian Patrichi Tanasa ont révélé une curieuse conception du mécénat et une singulière approche de la gestion de chose publique. Du coup, on baigne dans le soupçon. Quant à la question des primes, prétendues décidées par Ali Bongo, elle n’est pas faite pour arranger les choses. Au-delà des montants, l’on cherche à comprendre pourquoi devaient-elles être versées par le SNH. On cherche aussi à savoir pourquoi n’était-elles pas imputées au budget de la présidence de la République. Comme à propos de l’origine et de la légalité des financements de la FSBO, l’opinion s’interroge.

 
GR
 

2 Commentaires

  1. Belossi dit :

    Et q’est-ce que la justice et le Ministre Nkeya attendent pour passer a l’action.Il est temps de sauver notre pays chers messieurs….Des noms ont été balances,il est temps d’au moins les écouter..

  2. Asphalt dit :

    Il y’a tellement de zone d’ombres, tellement de questions non posées lors du procès de ce Mr.appelez les vrai instigateurs de ce beau merdier venir répondre, on sait tous que le foutoir là vient de la présidence de la République même.
    J’ai mal pour mon pays!

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