Lors de son intervention devant l’Assemblée constituante, le Dr Séraphin Moundounga, président du CESE, a livré une analyse percutante des régimes politiques et de leur pertinence pour l’avenir du Gabon. Remettant en question l’héritage constitutionnel du pays, il a plaidé pour un système responsabilisant davantage le pouvoir exécutif. Un discours, mêlant perspective historique et vision. Retour sur une leçon de choses devant faire réfléchir.

Séraphin Moundounga : il est «nécessaire de choisir le régime le plus responsabilisant de la première et plus éminente institution du pays, mais aussi il faut protéger cette plus haute institution, pour l’intérêt supérieur de la nation et des populations » (Citation extraite du discours devant la Constituante, non incluse dans cet article). © Facebok Assemblée nationale

 

Intervention magistrale que celle effectuée, le 17 septembre devant l’Assemblée constituante, par le Dr Séraphin Moundounga. Le président du Conseil économique, social et environnemental (CESE) de la Transition a, en effet, livré une analyse incisive des régimes politiques, traçant les contours d’un possible renouveau institutionnel pour le Gabon. Son discours, mêlant érudition historique et pragmatisme politique, a esquissé les enjeux cruciaux de la nation gabonaise en quête de son modèle de gouvernance idéal.

La dichotomie fondamentale des régimes démocratiques

Séraphin Moundounga a d’emblée posé les jalons de sa réflexion en rappelant appelé une vérité souvent oubliée : «En gouvernance démocratique, il n’y a que deux types de régime politique : le régime parlementaire et le régime présidentiel.» Loin d’être réductrice, cette affirmation lapidaire souligne la nécessité de revenir aux fondamentaux de la théorie politique pour mieux appréhender les choix qui s’offrent au Gabon en cette période de gestation d’une nouvelle Constitution.

Dans cet élan, le président du CESE n’a pas manqué de pointer du doigt l’exception française, qualifiant le régime semi-présidentiel de la Vème République de «3ème type de régime [qui] n’est qu’une hybridité qui puise dans les deux autres régimes et qui est une invention propre à la France, sous le Général de Gaulle.» Une observation mettant en lumière le particularisme d’un modèle souvent copié dans les anciennes colonies, mais absent des démocraties anglo-saxonnes et rarement compris dans sa complexité intrinsèque.

Le Gabon et son histoire constitutionnelle : un laboratoire politique

Retraçant l’histoire constitutionnelle du pays, le Dr Moundounga a rappelé les expériences passées du pays : «Le régime parlementaire douloureusement expérimenté lors des premières années de l’indépendance de notre pays», suivi du «régime présidentiel […] avec pour Vice-président du Gouvernement feu Paul Marie Yembi, jusqu’au passage à un régime présidentiel ‘’dyarchique’’». Loin d’être un simple exercice de mémoire, la fresque historique brossée par l’ancien ministre de la Justice, Garde des Sceaux, visait sans doute à souligner la quête perpétuelle d’un équilibre institutionnel adapté aux réalités gabonaises.

L’adoption en 1975 d’un système inspiré de la Vème République française a marqué un tournant, introduisant la figure du Premier ministre dans l’échiquier politique gabonais. Posant une question rhétorique percutante, Séraphin Moundounga a cependant remis en question la pertinence de ce modèle : «Est-ce qu’il faut […] continuer avec le régime français, qui n’existe nulle part ailleurs et qui s’essouffle désormais chez son géniteur, la France, tout en sachant qu’il s’agit d’une construction juridique unique en son genre, où le Président n’est responsable de rien, mais décide de tout, en utilisant le Premier ministre comme fusible et le Gouvernement comme organe émonctoire ?» Une interrogation qui pointe du doigt les apories d’un système où la responsabilité politique se dilue dans les méandres institutionnels.

Vers un nouveau paradigme constitutionnel gabonais ?

Le plaidoyer du président du CES soulève en tout cas des questions fondamentales sur la responsabilité politique et l’efficacité gouvernementale. Ainsi, Moundounga plaide clairement pour un système qui responsabiliserait davantage le chef de l’État, rompant ainsi avec des décennies de pratique inspirée du modèle français. Sa réflexion ouvre la voie à une approche novatrice, taillée sur mesure pour répondre aux aspirations d’une nation en quête de renouveau démocratique.

Devant l’Assemblée constituante, Séraphin Moundounga ne s’est pas contenté de dresser un tableau historique des régimes politiques au Gabon. Il a lancé un appel à une réflexion profonde sur l’avenir institutionnel du pays, invitant les constituants à considérer non seulement l’histoire, mais aussi les défis contemporains de la gouvernance démocratique. Dans un contexte de refondation nationale, ces réflexions pourraient bien jeter les bases d’un nouveau chapitre dans l’histoire constitutionnelle gabonaise, marqué par une quête d’équilibre entre efficacité gouvernementale et responsabilité politique.

 
GR
 

1 Commentaire

  1. Akoma Mba dit :

    Un régime démocratique repose sur un Président de la République et un Premier Ministre issu du Parti qui remporte les élections législatives. Le reste serait nier au people le choix de ceux et celles qui doivent gouverner.
    Et pour être sérieux, on prépare une Constitution Démocratique qui respecte les Droits de tous les citoyens et non pas ce machin taillé à la mesure du Grand Maître du Gabon.
    La grande réthorique et l’art oratoire c’est bien mais les actes c’est mieux. Il est temps, après plus de 57 ans que le Gabon connaisse enfin un régime démocratique et un peuple qui doit arrêter d’être des bénis oui-oui en disant oui à tout ce qui vient d’en haut. La politique ce n’est pas l’Evangile. N’importe qui peut marcher sur la Mer Morte comme fit Jésus-Christ.

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