Réforme de la loi sur les partis politiques : De légitimes questions sur les réelles intentions
Au-delà du discours officiel, les objectifs poursuivis par la révision de la loi n° 24/96 du 06 juin 1996 ne sont ni clairs ni aussi porteurs de valeurs démocratiques qu’on veut le laisser croire.
La modification annoncée de la loi n° 24/96 du 06 juin 1996 relative aux partis politiques est interprétée par bien de Gabonais comme une réhabilitation masquée de l’Union Nationale. Les débats passionnés et oiseux, les interprétations tendancieuses ou erronées de cette initiative témoignent bien de l’appétence des populations pour les questions politiques si ce n’est du poids de cette formation dans le débat démocratique national.
Dissoute de manière cavalière en janvier 2011, moins d’une année après une reconnaissance administrative obtenue aux forceps, au prix d’un débat juridico-administratif inopportun, l’Union Nationale n’a jamais accepté cette décision. Elle a adopté une stratégie de défiance et de combat, consistant à agir sur le terrain politique tout en déployant des activités de plaidoyer et lobbying au plan international. Survenant dans un contexte de surchauffe, marqué par d’incessants et multiples appels au dialogue politique, l’initiative gouvernementale poursuit officiellement quatre objectifs : assouplir les sanctions frappant les membres fondateurs ou dirigeants d’un parti politique dissout ; renforcer la stabilité du fonctionnement des partis politiques ; encadrer l’exercice des libertés démocratiques et protéger les institutions de la République. De prime abord, elle se veut une réponse aux exhortations à la concertation, un geste en vue de la décrispation du climat politique.
Lois prises en opportunité
Au vrai, cette initiative semble taillée sur mesure pour quelques personnalités nationales. Visant à régulariser la situation du directoire de l’Union Nationale, elle est tout autant destinée au confort des dirigeants de la majorité dont elle a vocation à devenir la bonne conscience voire davantage. En aucune manière, elle ne contribue à régler les questions de fond, à améliorer la gouvernance politique et clarifier le jeu politique. Le caractère prospectif et la non-rétroactivité de toute loi devraient s’appliquer à elle. Sauf à y inclure des dispositions spécifiques, on ne peut s’empêcher de se demander comment elle règlera les situations préexistantes à son adoption. Et si d’aventure, l’exécutif succombait à cette tentation, il s’exposerait alors au feu nourri de critiques fondées sur le sacro-saint principe de l’impersonnalité de la loi. C’est connu : le développement démocratique et l’amélioration de la gouvernance s’accommodent mal de lois personnalisées, prises pour régler des situations personnelles ou se sortir de bourbiers dans lesquels le zèle, la fougue voire l’irresponsabilité de certains nous ont plongés.
La seule évolution apparente de cette initiative réside dans la volonté de «renforcer la stabilité du fonctionnement des partis politiques». Même si on n’en connaît pas encore le contenu exact, la traduction en dispositions légales de cette orientation devrait permettre de jeter les bases d’une professionnalisation de nos partis politiques. Le financement, le recrutement de personnels permanents ainsi que l’acquisition d’équipements et d’une logistique de fonctionnement devraient être facilités par des dérogations et autres dispositions précises. Autrement dit, des évolutions éventuelles dans des domaines comme le financement, le statut des dirigeants, la protection des militants, et le respect de la liberté d’opinion devraient faire de cette loi le garant du développement des partis politiques. Certes les partis politiques ne sont pas des institutions. Mais, on ne peut et ne doit minimiser leur contribution à l’expression du suffrage universel et donc à l’exercice du droit de vote, élément constitutif de la citoyenneté. Mieux, la loi se doit d’aller au-delà. Elle doit tenir compte de leur rôle dans la formation de l’opinion publique, la diffusion des idées et idéologies, l’exercice des fonctions parlementaires ou gouvernementales. Ainsi, leurs activités entre deux élections, auprès des militants, sympathisants ou du grand public s’en trouveront valorisées.
Tour de passe-passe
L’encadrement des libertés démocratiques est un autre objectif de cette réforme. On s’interroge encore sur le contenu et la définition de cette notion. On se demande toujours si cela renvoie aux libertés fondamentales ou plus directement aux libertés publiques. Or, sauf à s’inspirer de la nomenclature des droits civils et politiques, les libertés publiques sont généralement difficiles à dénombrer. Ne peut-on pas se contenter du respect des textes visés dans le préambule de la Constitution ? Faut-il nécessairement légiférer là-dessus ? Ne risque-t-on pas de leur faire perdre leur force, de les rabaisser dans la hiérarchie des normes ? Et pourquoi doivent-ils être traités par une loi sur les partis politiques ? Faudra-t-il nécessairement être encarté politiquement pour en revendiquer la jouissance ? On le voit : de nombreuses questions subsistent. La notion de «libertés démocratiques» est floue, imprécise, confuse. Dans l’attente d’une clarification, elle laisse croire à un tour de passe-passe visant à donner aux libertés individuelles une coloration locale, un sens typiquement national voire à en réduire la force et le poids.
Reste le volet relatif à la «protection des institutions». Au regard des privilèges, avantages et passe-droits dont jouissent leurs représentants, eu égard à leur politisation excessive, à leur tendance à se poser en défenseurs exclusifs de la majorité, on est en droit de s’interroger sur la portée et l’opportunité de cet objectif. Le Gabonais lambda est convaincu de l’inféodation de l’ensemble des institutions au PDG, de leur incapacité ontologique à se départir des intérêts particuliers. Se voulant conforme à la réalité, cette assertion n’en est pas moins combattue par les partisans de la majorité. Jamais démentie par les faits, elle l’est systématiquement au moyen de sophismes ou de vrais-faux documents soutenus en public mais répudiés en privé, y compris par leurs signataires. Or, lors de la révision constitutionnelle du 12 janvier 2011 un bout de phrase interdisant d’«entraver le fonctionnement régulier des institutions de la République» fut ajouté à l’alinéa 2 de l’article 3 relatif à la souveraineté.
Au demeurant, le souci de garantir la «protection des institutions» s’inscrit dans une logique de création juridique visant à instituer une sorte de «souveraineté institutionnelle» équivalente à la «souveraineté nationale». Il tend à faire des institutions les égaux de la nation voire du peuple. En filigrane, on croit y déceler la consécration de deux modes de prise du pouvoir d’Etat : le vote populaire et l’adoubement par les institutions. Dans un contexte où toutes les présidentielles se soldent inévitablement par des contentieux, la suspicion devient légitime. Sauf à vouloir laisser planer le doute, le gouvernement doit répondre à ces questions légitimes, clarifier ses réelles intentions. En tout cas, il doit ouvrir le débat, au risque de laisser croire en une entourloupe, en la mise en place d’un dispositif légal en prévision de la prochaine présidentielle. Est-ce vraiment l’objectif recherché par les concepteurs de cette initiative ?
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Bonjour, je tiens de prime abord à m’acquitter d’un devoir, celui de saluer respectueusement l’auteur de cet article, qui, de mon point de vue devrait requérir de la part de la classe politique nationale, du moins celle de l’opposition se réclamant de l’aile radicale en vue d’une alternance au pouvoir, une attention toute particulière. Loin de laisser entendre ici, que ces derniers n’ont pas encore saisi ou compris ces subtilités malignement orchestrés par le régime au pouvoir afin de s’y maintenir en 2016. Les objectifs de la révision de cette fameuse loi portant sur les partis politiques sont comme l’a souligné et démontré l’auteur de cet article mal cernés et aux contours brumeux. Je crois que le but visé par cette nouvelle orientation du pouvoir en place, est d’amoindrir l’influence des vrais partis de l’opposition en les confinant dans un cadre légal taillé »sur mesure » pour eux. De sorte que, voulant songer à sortir de ce cercle en fer, ils se verront frappés de sanctions dont eux mêmes (les faux partis de l’opposition) avaient concouru à mettre en place de commun accord avec les détenteurs du pouvoir. C’est justement peut-être la raison pour laquelle M. Ali invite aujourd’hui à 15 h au palais, ses partis qu’il estime être de l’opposition et ceux de la majorité, en vue déjà d’une séance préparatoire à ce que je qualifierais s’il advenait ainsi, de hold up des droits démocratiques, des libertés publiques, d’expression, d’opinion, et partant de la souveraineté du peuple, d’autant que l’autre but est de professionnaliser les partis politiques dont Ali jugera qu’ils répondent à ses critères à lui. Il faut aussi souligner que cette malicieuse initiative des Émergents vise entre autres, le phagocytage du Front Uni pour l’alternance au Gabon. En effet, comme il leur est coutume de le faire, il s’agira de mettre un coup de pied dans cette fourmilière afin que chacun refasse cavalier seul au non de ses intérêts personnel et égoïste. Ils connaissent actuellement, la force de frappe du Front. Ils savent qu’étant continuellement unis et soudés, ils risquent d’avoir de gros problèmes pour légitimer et légaliser leur prochain passage en force en tête du pays. Donc, au laboratoire pour étudier le phénomène Front…Qui n’a pas encore révélé sa vraie nature. Wait and see!
Chers Jean Marie et Roxane, vos analyses sont forts à propos. l’unique objectif de la réhabilitation de l’Union Nationale est de créer l’implosion du Front Uni de l’opposition et ce, pour émietter sa force de frappe pendant la présidentielle de 2016. Ils(les opposants véritables) sont averti sur l’entre-loup que leur à tendu Ali et son pouvoir PDGiste Maléfique…à eux de bien réfléchir pour envisager, dès maintenant, la bonne stratégie de groupe pour vaincre ce pouvoir diabolique et non des pseudos stratégies auxquelles ont assistent ces derniers temps. Elle(l’opposition) doit véritablement se mettre au travail dans un vrai laboratoire politique… plus de blagues, les grands stratèges politiques doivent se mettre en scelle. A bon entendeur, Salut!
De plus leur cadre politique CND signifie que les autres catégories de compatriotes n’ont pas voie au chapitre…car cet organe est purement politique, est-ce à dire que la société civile ne doit pas faire entendre sa voie sur la vie de la citée, c’est comme si démocratie rime uniquement avec la politique…Quelle vision réducteur nos politiciens ont de la démocratie, c’est impensable cette manière de procéder pour confisquer, une fois de plus, nos droits élémentaires.
Félicitation pour cet article bien rédiger. Plus grand choses à dire, si ce n’est que de la poudre aux yeux pour faire dormir les gabonais.
Bravo à celui qui a rédigé l’article.
Je suis stupéfaite de voir que vous êtes et resteriez des insatisfaits sur tous les plans en tout cas la balle est menant dans l’autre camp. On verra si vous releviez le défi de communiquer entre vous